TOME 1

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Mon enfance était marquée par une certaine tristesse, une mère présente, mais absente malgré tout. La solitude, l'ennui, et un amour déclinant, teinté de craintes entre ma mère et moi, constituaient le cœur de mes maux d'enfant. Je me retrouvais souvent seule, non par choix, et mon foyer ne m'offrait guère de refuge ; je m'y sentais presque aussi isolée qu'à l'école. Le seul réconfort venait de l'absence fréquente de ma mère, un soulagement paradoxal dans cette situation. Enfant unique, je n'avais ni frère ni sœur pour partager mes jeux, seulement une télévision pour m'évader, et une nounou chargée de veiller sur mon innocence – du moins, c'était le rôle qui lui avait été confié.

La mort prématurée de mon père avait transformé ma mère et moi en étrangères l'une pour l'autre, la poussant hors du rôle maternel, à mon grand désespoir, moi qui avais tant besoin de son amour. Elle était contrainte de travailler sans relâche, et les rares moments passés ensemble étaient marqués par la dureté. Je me souviens d'un jour où, en rentrant de l'école sous une chaleur accablante, j'avais retiré mon t-shirt et m'étais installée devant la télévision. Soudain, en me levant maladroitement, j'avais fait tomber un verre en essayant de rattraper mon étole. Un incident banal, mais pas pour ma mère, qui ce soir-là, en rentrant du travail, m'avait rouée de coups. Ces incidents, pourtant naturels chez les enfants, se terminaient toujours par des punitions, jamais par des explications. L'amour maternel s'était mué en sévérité, et la complicité que nous partagions autrefois avait disparu, bien qu'elle subvenait encore à tous mes besoins.

À l'école, je cherchais un refuge, une âme sœur, quelqu'un pour combler ce vide, mais je me trompais. Je me heurtais aux jugements des autres, qui m'excluaient et, profitant de ma nature docile, me martyrisaient. Si mon âme sœur se trouvait parmi eux, j'étais sans doute condamnée à subir un châtiment divin. Une de mes camarades, dont le nom m'échappe aujourd'hui, s'amusait à poser son sac sur ma place. Je ne protestais pas, même si cela me déplaisait ; mon silence était en fait une obéissance à l'une des injonctions de ma mère : "Ne sois pas violente, ne te bats pas !". Les autres avaient sans doute perçu ma docilité et en abusaient.

Qui suis-je réellementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant