Une douleur tambourine derrière mes yeux que je peine à ouvrir. Un bras m'entoure la taille. Niall... Son souffle caresse ma nuque, une de ses jambes se trouve entre les miennes. Son érection matinale se presse contre mes fesses. A dhia... Mon cœur s'emballe et une boule de chaleur grandit en moi. Qu'est-ce qui m'a pris hier soir ? Putain de Scotch. Putain de moi. Les vieilles habitudes ont la vie dure.
« Tu n'es pas un coup d'un soir que j'ai envie de jeter le lendemain. » Ses mots planent dans mon esprit, une larme coule sur l'oreiller. C'est ce que j'étais, un coup d'un soir, sauf que c'est ce que je voulais. Draguer les hommes, faire craquer, voir la lueur du désir illuminer leurs iris, asseoir mon emprise sur eux lors de l'acte, les jeter après. Je me repaissais de toute cette jouissance fugace quelques heures. Les remords prenaient la suite. Un besoin insatiable de plaire, de contrôler, puis de fuir. Avant de recommencer. Une boucle interminable qui a pris fin avec cet amant qui m'a surnommée Babydoll. Je l'ai laissé faire de moi son jouet, comme Quentin. Pourtant, sept années séparent ces deux relations. Je ne veux plus jamais revivre ça.
Niall remue et me serre un peu plus fort contre lui en grognant dans mon cou. Sa barbe chatouille ma peau et ses lèvres l'effleurent. Ma respiration s'alourdit. J'avale difficilement ma salive et me retourne pour faire face à ses paupières closes. Un demi-sourire éclaire son visage détendu.
— Tu dors plus ? marmonne-t-il en retrouvant la vue.
— Toi non plus...
Nos yeux s'ancrent l'un dans l'autre. Je plonge dans leur océan, malgré la peur de m'y noyer. Que pense-t-il de moi ? Je perds mes mots, mes moyens devant cet homme qui ne me laisse pas indifférente. Le semblant d'assurance que j'affiche s'évapore peu à peu en sa présence. Il fracasse les remparts que j'ai érigés pour me protéger de toute éventuelle émotion pour la gent masculine. Ma bouche n'est plus seulement pâteuse à cause de l'alcool. Mon pouls accélère. Je lutte contre la tentation de poser ma main sur sa joue pour caresser son visage et ses lèvres charnues qui appellent les baisers. Mes dents mordent ma langue pour calmer mes ardeurs. Il possède ce je-ne-sais-quoi qui vient me chatouiller l'estomac et cette sensation me trouble.
Pas touche. Tu ne pourras pas résister longtemps à l'envie de voir le désir s'allumer dans ses yeux, et tu auras de la peine quand il te rejettera. Parce que lui, tu l'aimes bien. Plus que bien.
— Bien dormi ?
Le son de sa voix grave, légèrement enrouée, me fait vibrer. Elle s'infiltre dans mon organisme et résonne au plus profond de mon être qui tremble.
— Tu m'as tenu chaud, c'était agréable. Mais je suis... désolée pour hier soir.
Et pour les fois à Londres où je n'ai pas pu m'empêcher de tester tes réactions.
— Tu n'as aucune excuse à présenter, affirme-t-il, l'air surpris.
— Je ne voulais pas...
Je marque une pause. Son corps contre le mien, nos lèvres liées... Je n'ai pas rêvé son envie de me posséder. Les braises du feu qui s'est propagé en moi cette nuit crépitent de nouveau. Il me déstabilise tellement...
— Me sauter dessus ? complète-t-il.
Mes joues chauffent. Si, je le voulais. Non, je n'aurais pas dû. J'amorce ma sortie du lit en me retournant, mais il me retient en attrapant mon poignet pour me garder face à lui.
— Hé, je plaisante.
Sa main remonte le long de mon bras, frôle mon épaule, remet une de mes mèches derrière l'oreille. Ma peau picote à son passage. Il effleure ma joue de son pouce et me déclenche un frémissement.
Embrasse-moi.
Ses doigts s'emmêlent dans mes cheveux. Ce geste, si naturel, me rend toute chose et le chatouillement dans mon ventre reprend.
— La photo de toi avec ta mère et ta grand-mère sur le mur, elle est vraiment belle. Qui l'a prise ? Ton père ?
Sa question me surprend. D'habitude, je m'attarde devant ce cliché à chacune de mes venues, sauf cette fois. Mon attention était accaparée par la présence de cet homme.
— Mon grand-père. C'était peu de temps avant que ma mère...
Ma phrase meurt sur mes lèvres. Cette époque était si belle.
— Pardon, j'suis trop con. Je voulais pas remuer ça.
— C'est rien. J'aime me souvenir d'elle. On était heureux. Après, je n'ai plus eu de figure maternelle.
— Même pas la mère d'Aïdan ?
— On n'a jamais été très proches. Mais c'est ma faute, je lui en ai pas laissé l'occasion. J'étais... infernale à cette époque.
— Plus que maintenant ? raille-t-il.
— T'es qu'un mufle.
— Ah ? Je suis plus un ours ?
— Pff, finalement, t'es con, rigolé-je. J'étais une jeune fille très calme, figure-toi. Je suis devenue turbulente. J'en voulais à mon père de refaire sa vie si vite, j'en voulais à Julia de vouloir remplacer ma mère, j'en voulais à la terre entière. Je ne voyais plus Seanmhair que pour les fêtes, et encore, quand mon père daignait m'y envoyer.
Seul Melvin connaît cette partie de moi. Mais me confier à Niall est si simple.
— Ça a pas dû être facile pour toi. Perdre un parent, c'est horrible. Et t'étais en pleine adolescence en plus. Avec changement de pays et d'école. T'as vécu ça comment ? Enfin, si tu veux en parler.
— Si je te soûle pas avec mes histoires surtout, blagué-je.
— Au contraire. J'aime bien en apprendre plus sur toi.
Décidément, Niall me fait fondre. D'habitude, je ne laisse pas le temps aux hommes de me poser des questions. D'habitude, ils ne me font pas un tel effet. Ils restent des envies passagères, un besoin à assouvir.
— Pendant mes années collège et au début de la période Sixth Form*, je n'ai pas cherché à être discrète. Je répondais aux profs. Les mecs aimaient bien traîner avec moi pour mon côté rebelle et ma passion pour les voitures. Ça rendait les filles jalouses, alors elles se moquaient de mon look, celui que tu vois sur la photo. Du coup, j'ai décidé de modifier mon apparence, pour les faire chier encore plus. J'ai commencé à me saper comme les populaires, à me maquiller. C'était d'ailleurs pas trop au goût de mon nouveau frangin. Le regard de mes potes a changé, on aurait dit qu'ils se rendaient compte que j'étais une femme. Je me suis fait draguer, j'ai trouvé ça sympa. Je suis sortie avec un gars durant ma dernière année... Ça s'est pas super bien terminé. Enfin bref, je vais me préparer. C'est l'heure de réparer ton antiquité !
Je ne lui laisse pas le temps de répliquer et me sauve. Hors de question de lui parler de Quentin et de ce qu'il m'a fait. J'ai été si naïve avec lui, emportée par ses belles paroles. Dire que j'ai fait tout ce qu'il voulait juste par peur qu'il me quitte... J'aurais dû l'éviter dès que son attention s'est tournée vers moi. Cependant, c'était tentant de faire rager celles qui me malmenaient. Seulement, ma méfiance s'est relâchée. Il m'a brisée.
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*Le Sixth Form au Royaume-Uni est la période de deux années d'études qui suit la fin de l'éducation secondaire obligatoire, généralement à l'âge de 16 ans, correspond en français à la première et terminale
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ღ ℬ𝓸𝓷𝓷𝓲𝒆 ℋ𝓲𝓰𝓱𝓵𝓪𝓷𝓭𝓼 ღ
RomancePositionnez la mécanicienne pétillante près du photographe tourmenté. Déconnectez leur part d'ombre, puis pansez toutes leurs blessures. Réparez leur cœur avec un florilège d'émotions et beaucoup de tendresse. Attisez les braises, jouez sur la frust...