Chapitre 1

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"L'apparence n'est rien, c'est au fond du cœur qu'est la plaie."

Oreste, Euripide (Ve siècle avant J-C)

*

Fatigué par ses nombreuses aventures, Sun s'éteint enfin sur le jour.

Il laissa derrière lui, et à chaque créature, un présent éternel, son seul héritage.

Une fleur givrée pour la plus belle des fées,

Un arc de frêne pour l'archer des elfes,

Une carte cosmique pour le savant sorcier,

Une hache dorée pour le grand guerrier nain,

Un champignon malin pour l'humble troll,

Une longue-vue d'éther pour le petit géant,

Un cor de titane pour le seigneur orque,

Une coupe d'émeraude pour le brave homme.

Et pour toi, mon enfant, il laissa le sommeil afin que toujours, tu fasses de beaux rêves.

Aspirée par la comptine qu'elle marmonnait, Astrid fixait le vide. Elle n'avait plus besoin de l'observer pour connaître l'endroit. A côté de la porte de bois se trouvaient trois étagères. Il y avait un bocal de verre dont l'étiquette avait été arrachée sur celle du milieu, un flacon triangulaire contenant un liquide rouge sur celle du haut, une boîte ronde de couleur bleu roi - bien que certaines fois, au soleil, elle apparaisse bleu ciel – reposait à côté de la boîte transparente contenant les trois saumons à l'huile qui avait été pêchés deux jours et quinze heures auparavant. En dessous des étagères de chêne dont les vis menaçaient de sauter, le plan de travail comportait deux tiroirs. Dans l'un se trouvait des ciseaux à laine, une machette rouillée ainsi qu'un livre à la couverture orange. Dans l'autre, il y avait énormément plus de choses dont une boîte de silex, du fil de lin et une pipe décorée de dorures.

En face du plan de travail se trouvait la cheminée, allumée en moyenne deux fois et demie par jour, d'avantage s'il pleuvait dehors. Son contour était noirci de suie si bien qu'on ne voyait plus les pierres en dessous. Mais les autres pierres gardaient une apparence inachevée.

L'horloge qui se trouvait entre le bout de son lit et la porte se mit à sonner, le coucou entrant et sortant de sa prison. L'oiseau moqueur semblait s'avancer vers elle, l'invectivant de quelques horreurs à venir. C'était le signe qu'il arriverait d'ici peu.

Une minute et trente-deux secondes plus tard, il poussa la porte et son visage s'éclaira en la voyant. Astrid ne lui accorda pas un regard et continua à compter. Elle aurait aimé chanter, cela la calmait mieux. Mais il aimait lorsqu'elle chantait alors elle se taisait en sa présence.

Lui aussi elle pourrait le décrire sans avoir à lever les yeux sur lui. Plus grand que la troisième étagère, sa peau était d'un blanc grisâtre, parsemée de cicatrices. L'une de ses oreilles pointues avait été coupée sur son bout et son crâne chauve avait l'arrondi d'un œil. Les siens étaient d'ailleurs d'un bleu azur perçant. Malgré tout, elle ne l'avait jamais entendu parler. Parfois, il faisait des sons mécontents ou des couinements heureux. Mais il ne prononçait pas un mot. Elle se doutait que, malgré une intelligence indéniable, il n'en était pas capable.

Concentré à sa tâche, il saisit les saumons en boite et les mit à cuire dans le feu. Une odeur nauséabonde de fermentation en train de brûler emplie l'habitacle. Astrid fronça du nez. Il n'avait encore rien cuisiné de si odorant. Mais peut-être le faisait-il de temps à autre. Elle n'était là que depuis trois semaines alors elle n'avait probablement pas encore tout vu de cet endroit. Elle l'espérait. L'ennui se faisait parfois plus douloureux que la peur.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 30, 2022 ⏰

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