Chapitre 1

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L'obscurité. Cette absence de lumière qui empêche toute vision du monde. On dit souvent que les aveugles développent leurs autres sens pour palier à cette absence éternelle. Mais qu'en est-il lorsque cette absence est imposée ? Je me posais encore la question quelques instants plus tôt, avant qu'on ne me cache la vue pour me transporter hors de chez moi. Je peux l'assurer, après plusieurs minutes où l'on se sent un peu perdu, nos sens se mettent en éveil, et chacun fait de son mieux pour nous fournir des informations sur l'extérieur.

C'est un camion, froid et inconfortable, dans lequel j'organise mes pensées depuis probablement plusieurs heures ; mais je n'ai pas vraiment compté. Nous sommes plusieurs, au moins dix, tous silencieux. Je crois que personne n'ose prononcer une quelconque parole, par peur sans doute, même si pour ma part je ne suis tout simplement pas d'humeur bavarde ; je préfère largement rassembler autant d'informations que possible.

Premièrement : vu les tremblements du véhicule et des légers bruits de terre écrasée, nous nous trouvons certainement en pleine campagne ou en tous cas, dans un coin complètement perdu. Deuxièmement : malgré une certaine isolation, j'ai cru entendre les murmures d'une conversation entre deux hommes...mais rien de compréhensible. Cependant, même si je n'ai aucune idée de ce qui nous attend, je suppose que l'on doit bien être utiles pour quelque chose puisque nous sommes en vie et qu'aucun de nous ne semble avoir été blessé.

J'ai été la première personne emmenée, du moins c'est ce que je crois car je me trouve au fond de ce camion et je n'ai pas ressenti la moindre présence entre le moment où on m'a installé et le premier arrêt. Le véhicule avance à vitesse modérée, parfois un peu plus lentement. Nous nous sommes arrêtés dix fois depuis que nous sommes partis de chez moi mais les portes ne se sont ouvertes que neuf fois, un arrêt fût plus long que les autres et aucune personne ne nous avait rejoint à ce moment-là.

Je sens le véhicule ralentir, suffisamment pour s'arrêter, or cette fois-ci, le moteur est coupé. Nous sommes arrivés. Les deux portes s'ouvrent, on nous fait sortir tranquillement du camion un par un, toujours dans cette obscurité. Les portières claquent, le moteur redémarre et le camion repart en sens inverse. Un long silence suit ce départ quand tout à coup, les premiers murmures s'élèvent, bientôt transformés en un vacarme qui m'empêche d'aligner deux pensées.

Peu à peu, mes tympans finissent par s'habituer et j'arrive à distinguer les conversations, les voix semblent uniquement féminines, peu d'entre-elles n'ont pas une voix haut perchée, renforcée par leurs cris de peur. Vraisemblablement, chacune d'elles se demande ce qu'elle fait ici et pourquoi il semblerait qu'on nous ait abandonné dans un coin perdu. J'entends des pleurs, des disputes car certaines commencent à en avoir assez et deviennent irritables face à la panique des autres. Le ton monte rapidement et les cris changent totalement de nature, il n'est plus question de peur. Et alors que l'accumulation des cris et de la fatigue du voyage produit chez moi un sentiment d'agacement de plus en plus envahissant, des bruits de pas se font entendre dans des graviers et une vois claire et forte s'élève :

« Allons, allons, mesdemoiselles ! Calmez-vous je vous prie ! »

Instantanément le silence se fait. D'autres pas se font entendre et bientôt nos yeux recouvrent la vue et la lumière. À nouveau un temps d'adaptation est nécessaire mais cette fois-ci la transition se produit plus rapidement. J'observe alors tout autour de moi ; nous sommes sur une parcelle de terre isolée en pleine forêt, d'immenses arbres nous entourent et je serais bien incapable d'en distinguer l'espèce. En face de nous se trouve une bâtisse ancienne, comme une sorte de logement collectif mais avec des allures d'hôtel vintage.

Mes yeux se posent ensuite sur mes compagnes de voyage : elles sont bien neuf ; blondes et brunes, une rousse, toutes minces et de taille moyenne, sauf peut-être une ou deux un peu plus petites. Toutes se regardent les unes les autres, se jaugent et semblent également évaluer avec qui elles se disputaient quelques minutes plus tôt.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 01, 2023 ⏰

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