DIES IRAE - Cycle I : L'Angicide

Acte IV, 13e Épître - La maison de Dieu, l'ombre du Diable

Plissant les yeux, Ben tentait de déchiffrer les dernières questions du formulaire que lui avait fourni l'infirmière d'accueil. La formulation était alambiquée, même pour lui qui avait une formation de juriste ! Mais cela l'occupait à présent qu'il était seul dans la chambre de son frère endormi. Lynn avait eu un coup de fatigue, et un officier l'avait raccompagnée chez elle pour qu'elle prenne du repos. Maners l'avait rassurée en lui promettant qu'il resterait au chevet de Chris jusqu'à son retour, et elle avait fini par accepter de partir. Et depuis, c'était le calme plat. L'état de son frère restait stationnaire, et aucune visite n'était venue perturber le concert régulier des bips de l'électrocardiogramme, jusqu'à ce qu'une femme soldat frappe à la porte.

« - Excusez-moi. Monsieur Maners ?

- Oui, c'est sa chambre.

- Non, je veux dire... Vous êtes monsieur Benjamin Maners ?

- Euh... Oui, c'est bien moi. Si vous venez pour le formulaire d'entrée, je suis en train de finir de le remplir...

- Je ne suis pas là pour votre formulaire, monsieur Maners. Je viens vous transmettre un message. Vous êtes attendu dans la chapelle de l'hôpital.

- Je vous demande pardon ? se crispa Ben, personne n'étant censé être au courant de sa présence ici.

- Je ne suis pas autorisée à rentrer dans les détails. Vous devez juste savoir qu'une personne haut placée souhaite vous parler au calme, et que c'est en rapport avec votre frère. Si vous voulez bien m'accompagner, je vous montrerais le chemin.

- Je crains de devoir refuser votre offre, madame. J'ai promis à ma belle-sœur de veiller sur mon frère jusqu'à son retour, et j'ai bien l'intention de tenir ma promesse.

- Je suis désolée, mais je vais devoir insister, monsieur Maners. Il s'agit d'une affaire urgente. Et vu son état, je ne pense pas que votre frère ira bien loin... »

Ben se mordit la langue, pour ne pas répondre à la provocation de la jeune femme. Il se résolut finalement à la suivre, voyant bien qu'elle insisterait tant qu'il refuserait de se rendre à cette convocation. Il voulait en finir le plus rapidement possible, mais une pointe de curiosité le poussait également à connaître l'identité de celui qui avait pu savoir aussi rapidement qu'il se trouvait dans cet hôpital. Après quelques minutes à arpenter les couloirs d'un blanc immaculé, ils arrivèrent devant les portes de la chapelle. La soldate se plaça à côté de l'entrée, en position de repos, comme pour s'assurer que Maners ne tenterait pas de s'enfuir dès qu'elle aurait le dos tourné, tandis que ce dernier remontait lentement les rangées de bancs d'église.

L'endroit était désert, à l'exception d'une personne en prière au premier rang. Supposant qu'il s'agissait du mystérieux commanditaire de son escorte, il s'en approcha d'un pas affirmé, mais s'arrêta net quand elle se leva après s'être signée. En voyant le visage en larmes de cette femme d'un certain âge, il comprit qu'il s'était mépris, et s'écarta respectueusement pour la laisser passer. Dans le silence de mort de ce lieu de prière, Ben gardait les yeux rivés vers le sol, n'osant pas les relever. Il sentait un regard lourd posé sur lui, comme si le Christ sur sa croix qui dominait la pièce le jugeait pour ses péchés.

Mais quand il eut enfin le courage de soutenir ce regard qui le dévisageait, ce ne fut pas le visage d'un trentenaire hirsute qu'il découvrit, mais celui de son amie, déformé par la peur et la souffrance, semblant lui demander de l'aide. Il se détourna, tremblant et en sueur, se retenant de vomir. Il avait du mal à reprendre son souffle, sa poitrine comprimée par l'horreur de cette vision. C'est alors qu'entra un officier en uniforme, arborant fièrement un nombre impressionnant de médailles et de rubans. La femme soldat le salua, échangea quelques mots avec lui, puis quitta la chapelle, visiblement troublée.