2 - Le passé

10 2 0
                                    

Flash-back : 20 ans plus tôt.


Je joue avec mon frère jumeau dans la salle de jeux. Maman est dans la cuisine, elle prépare le repas du soir.

Nathan et moi sommes très proches comme le sont souvent les jumeaux. Nous sommes inséparables. Nous faisons toutes les activités ensemble, nous rions, jouons. J'aime sans doute plus mon frère que ma mère et pourtant maman sait combien je l'aime.

Nous sommes peut-être une fille et un garçon, mais nous savons faire des concessions pour que l'autre s'amuse. Il y a très peu de conflits entre nous. Même à l'âge de 5 ans, nous nous disputons très peu, nous nous comprenons. Il y a une très bonne alchimie entre nous.

Lorsque nous nous chamaillons, c'est pour s'amuser et jouer. Nous aimons provoquer l'autre pour se courir après dans toute la maison. Maman nous écoute rire et nous regarde courir dans tous les sens. Ça l'amuse beaucoup.

Mais maintenant il est 19 h et c'est bientôt l'heure où papa rentre. Nous savons qu'à cette heure-là il faut rester sage, sinon papa n'est pas content et on reçoit une fessée magistrale. Alors Nathan et moi jouons tranquillement dans la salle de jeux, on fait un puzzle. Nous aimons beaucoup les faire. Vous devriez voir des gosses concentrés sur leur tâche, c'est mignon.

Nous sursautons en entendant la porte d'entrée claquer.

- Papa est encore de mauvaise humeur. Me dit Nathan.

Pour toute réponse je hoche la tête, tremblant de peur.

- MERDE !!! Qui est-ce qui a laissé ses chaussures à l'entrée sans les ranger ? Gueule-t-il.

Nous sursautons encore. Il n'est vraiment pas de bonne humeur. Mon frère et moi ne bougeons plus. Maman accourt immédiatement, commençant une phrase :

- Bonjour mon chéri. C'est...

CLAC !!

Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, mais je pense qu'elle a eu une énorme gifle.

- Le dîner est prêt ? crie-t-il

- Oui dans cinq minutes.

- Ce n'est pas dans cinq minutes que je le veux, c'est maintenant.

Maman pousse un cri. On entend un bruit sourd d'une chute brutale.

Nathan se lève et se dirige vers la porte pour sortir. Il l'ouvre, mais je le retiens.

- Il va te faire la même chose. Lui dis-je

- Il faut aider maman.

- On ne peut rien faire, Nat.

Je suis autant désespérée que lui, mais nous ne sommes que des enfants. Comment faire quelque chose contre un homme violent ?

Par la porte entre-ouverte, on voit la femme violentée être entraînée par les cheveux par ce monstre. Puis ils disparaissent de notre vue. Mais les bruits, les gémissements et les cris nous ne pouvons que les entendre.

- Arrête ! Lâche-moi, tu me fais mal.

- Embrasse-moi ... (cri) Je t'ai dit de m'embrasser, femme !

En pleurs, nous attendons bien sagement que ce moment difficile passe. Nathan me prend dans ses bras réconfortants me disant qu'il sera toujours là pour moi et que jamais il ne m'abandonnera, qu'il m'aimait. Et c'est après une demi-heure que :

- LES ENFANTS !!!

Nous réagissons au quart de tour et nous courons. Arrivés dans la cuisine, nous pouvons voir papa remettre sa ceinture et maman par terre en larmes, sa robe un peu chiffonnée et une bretelle déchirée tombait, dévoilant un sein qu'elle tentait tant bien que mal de cacher.

- Mettez la table ! dit-il sèchement.

J'obéis immédiatement, ayant peur de souffrir aussi. Mais ce n'est pas le cas de mon frère. Il est resté sur place les points serrés. L'adulte se déplace et je ne sais pas ce qu'il lui fait, mais Nathan tomba sur le sol, criant de douleur.

- Tout de suite ! hurle mon père.

Le petit garçon ne se le fit pas prier une troisième fois.

Les atrocités de ce père n'étaient pas encore les pires qu'il ait pu faire à notre famille...


Fin flash-back :


- Merci.

Je me retourne vers ma mère.

- Pourquoi dis-tu ça ?

- Tu as été adorable avec lui.

Je me détourne d'elle et regarde le paysage et la ville défiler par la fenêtre de la voiture.

Je ne l'ai pas fait pour elle. Je comprends que si elle lui a parlé de ces évènements douloureux, c'est qu'elle a confiance en lui et qu'elle n'est pas seulement amoureuse. En effet, ça fait des années qu'ils sont amis.

Non, je l'ai fait pour moi. Je ne sais pas pour quelle raison, mais j'ai confiance en lui aussi. Pourtant quand elle était partie aux toilettes, on n'avait pas plus parlé. Je n'avais pas, pour une fois, mis les points sur les "i". Tout le contraire, je m'étais effondrée, j'avais pleuré et il était venu s'installer à mes côtés pour me réconforter. C'était un geste simple d'un père qui réconfortait sa fille. Bien sûr il n'est pas mon père.

Après m'être rappelée les souvenirs sur ces années difficiles, j'avais eu le regard dans le vide

« Victoire ? » M'avait-il questionnée.

Je m'étais retournée vers lui et lui m'avait regardée l'air inquiet. Puis je m'étais rendue compte que quelque chose coulait sur mes joues, j'avais essuyé rapidement mes larmes et avais pris une grande inspiration.

J'avais tenté de me reprendre en respirant calmement, mais je n'avais pas réussi et je m'étais mise à sangloter. Je m'étais recouvert le visage de mes mains et quelques instants plus tard des bras m'avaient prise et m'avaient serrée contre un torse protecteur. Je me suis laissée faire, pourtant habituellement je détestais ce contact avec un homme. Je les repoussais toujours. Mais pas cette fois, je me sentais bien et protégée.

Puis j'avais fini par me redresser et je m'étais calmée, j'essuyais mes yeux. Maman était revenue et je lui cachais ce qu'il venait de se passer. Je ne voulais pas parler de ça avec elle.

Je ne veux pas avouer à ma mère que, en fait, j'aime bien cet homme.

On arrive devant chez moi. Je reste dans la voiture.

- Ça va ? Tu veux que je monte avec toi ? me demande-t-elle.

- Non, ça ira. Je suis plus une gamine.

Je m'apprête à la remercier pour la soirée, mais je me rappelle que je dois faire comme si je n'aime pas son copain, alors je ne dis rien.

- Tu étais bien silencieuse ce soir. Pas de critiques, pas de reproches. Enfin effectivement au début, mais c'est tout.

Merde !

- Je trouverai bien quelque chose qui ne va pas chez lui, il a bien des défauts. Tout le monde en a. Dis-je sarcastique.

Je suis une véritable gamine, on ne me récupéra pas, j'en suis sure.

- Vic, tu vas bien ? Tu dois me le dire si ça ne va pas.

Je sais de quoi elle me parle.

- Ça fait des mois que je vais mieux, maman.

- Tu es sure ?

- Oui certaine. Bonne nuit, maman.

Je lui donne un rapide bisou sur la joue et m'en vais. Je rentre dans mon appartement, je me lave et me prépare pour aller au lit.

Je dois l'avouer, j'ai passé une excellente soirée, malgré les souvenirs désagréables. Nous avons beaucoup papoté et j'ai posé mes questions inquisitrices, c'est vrai, mais plus par curiosité que par cruauté ou rabaissement comme j'ai l'habitude.

Et le plus important, il avait payé l'addition. ;-) 

Âmes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant