Je T'attendrai... - Solangelo

Dis-moi, Bianca

(PDV Nico)

Je savais que j'étais dans un rêve, encore, comme à chaque fois que ça arrivait mais tout était si réel. En fait, c'était réel comme j'ai fini par le comprendre, je revivais mon passé. Petit à petit, je comprenais pourquoi j'avais préféré l'oublier. J'en avais peur de m'endormir, je ne voulais pas tout revivre, revoir ces images. Pourquoi je ne voyais pas les souvenirs joyeux ? Ceux avec Bianca ou Mama ? À la place je me retrouvai couché sur le pavé en pleine nuit dans un endroit que je ne connaissais pas. Les rues ressemblaient à celles de Venise mais je ne reconnaissais pas cette partie de la ville. Tout était flou, comme si j'étais tombé violement. J'avais une douleur aigue dans la tête. Je pouvais également ressentir une immense tristesse et un sentiment d'abandon, mais pourquoi ? Je ne m'en rappelais pas. Je me sentis soulevé du sol par une force. J'ignorais qui était cette personne, tout ce dont je me souvenais était qu'il portait l'uniforme allemand. Je pouvais revoir un regard bleu, des cheveux blonds coupés courts ainsi qu'une étrange cicatrice à sa lèvre. Son visage était complètement flou mais j'étais soudain prit d'une peur panique. Je n'arrivai pas à voir la suite, je ne me rappelai que de coups de feu et c'est le noir. Un sifflement aigue me transperça les tympans, un acouphène et le décor change. 

Il faisait humide, c'est une petite pièce en pierre sombre. J'ignorais où j'étais, s'il y a un lien entre la scène d'avant et celle-ci. Souvent les images changent sans aucune logique apparente. J'ignorais quand se déroule ce moment. J'entendis des pleurs alors je baissai la tête et vis un garçon de mon âge recroquevillé sur lui-même. Je compris ensuite que cet enfant misérable était moi. C'était la première fois que j'assistais à une scène d'un point de vue extérieur. Il avait les yeux dans le vague et je pus distinguer une image apparaître, un souvenir qu'il se remémorait à ce moment. C'était une jeune fille d'environs treize ans, la peau mate, des tâches de rousseurs et les cheveux noirs. Elle portait une casquette verte et ressemblait énormément au petit garçon. Ce qui me frappa le plus était son regard, elle avait le même que Mama. Cela faisait si longtemps que je ne les avais pas vues, même pas en rêve. Je n'avais aucun souvenir de son visage et cette vue me donna envie de pleurer. Des larmes de joie tout comme des larmes de tristesse. Je n'avais pas réalisé à quel point elle me manquait. Alors elle se mit à parler, de sa voix chantante, si belle. J'étais dans mon corps de quand j'avais onze ans, encore si jeune, si innocent. Je la regardais avec des yeux emplis d'étoiles. Elle aurait pu dire n'importe quoi, je la croyais. C'était ma grande sœur, et ma grande sœur a toujours raison.

- Tu ne dois pas t'en faire, Nico, quoi qu'il arrive, nous survivrons à cette guerre et nous resterons ensemble. Nous trinquerons à la victoire du bien lorsque nous serons tellement vieux que nos os pourront à peine nous supporter. Nous repenserons à ce que nous vivons aujourd'hui en riant, nous fêterons la paix retrouvée et enseignerons aux générations futures la chance d'être dans un pays en paix, nous leur parlerons de nos combats, des personnes que nous avons perdues pour qu'ils restent à jamais dans nos mémoires ! Regarde moi dans les yeux, Nico, ne perd jamais espoir, n'oublie jamais qui tu es.

Le souvenir s'estompa lentement, son visage souriant disparaissant peu à peu dans la fumée. J'aurais voulu me jeter dans la vision, retrouver les temps heureux, être simplement avec Bianca. Mais je me retrouvai de nouveau dans la pièce froide, silencieuse, avec ce petit garçon pleurant doucement. Il se mit ensuite à murmurer, je devais tendre l'oreille pour l'entendre.

- Dis-moi, Bianca, je sens que la victoire arrive mais serais-je là pour la fêter ? Pensais-tu vraiment ce que tu m'as dit ce jour-là ou voulais-tu simplement me rassurer ? Je ne sais où tu es à présent, tu me manques, j'aimerais tellement que tu sois avec moi, ailleurs qu'ici. Je ne sais même pas si tu es encore en vie. Je sais que plus jamais nous nous reverrons, nous ne ferons pas tout ce que tu m'as dit, nous ne fêterons pas notre victoire ensemble. Je sais que plus rien ne sera plus jamais comme avant. Je ne suis pas aussi fort que tu me le disais, je n'ai plus aucune force, ni aucune volonté de vivre. 

Une quinte de toux l'interrompis. Il y eut un silence puis il reprit.

- J'espère que tu es encore en vie et que tu vivras heureuse, que tu auras une plus belle fin que la mienne. Je dirai bonjour à Mama de ta pars, si je la vois. J'ai l'impression d'avoir déjà fait un pas dans le royaume des morts. Mama, est-ce que tu m'entends ? Peux-tu me dire si je suis encore vivant ? Car je ne ressens déjà plus rien.

L'enfant se tut et éclata en sanglot. J'étais bouleversé par ce que je venais de voir. Quel était cet endroit, pourquoi y étais-je ? Que s'est-il passé pour que j'ai l'air si malheureux ? Tellement de questions se bousculaient dans ma tête alors que je me sentais tomber dans le vide et me réveillai en sursaut.