Une vague d'eau salée fouetta Sally en plein visage. Ses yeux se mettaient à bruler. C'était monstrueusement douloureux, il était inutile d'essayer de les ouvrir, elle les ferma et se fia à ses autres sens. Le sable fin sous ses fesses était chaud, brulant même. D'un sursaut elle se leva et s'essuya le visage. Mais où est-elle ? Le bruit des vagues capricieuses contre les rochers l'assourdissait, un cliquetis résonnait au loin, le vent sciait l'air, c'était une cacophonie infernale. Quant à ses lèvres et sa langue, elles étaient totalement asséchées et manquaient de craquer. Elle ne veut pas crever là, aussi vulnérable. Il fallait qu'elle prenne une initiative, qu'elle agisse. Alors elle tenta d'ouvrir doucement ses yeux rougis. La lumière était aussi agressive que l'eau salée qui s'éclaboussait à ses pieds. La mer... Le vent qui lui heurtait la peau la faisait vaciller. Elle était à moitié debout, ses jambes flagellaient, sa tête tournait. Ça devait faire quelques jours qu'elle était ici, un peu plus, un peu moins, elle ne sait pas. Le temps était si étrange. Sa mémoire totalement floue. Cela n'avait pourtant aucun sens. La veille encore, elle était chez elle, dans un village au centre de la France, très loin de la plage. Ce n'était probablement qu'un rêve, cependant d'un étonnant réalisme... Elle ne se rappelais de rien, elle savait seulement qu'elle était en vie. Le bruit des cliquetis était toujours là, un peu plus audible, plus clair, plus proche, drôle de sensation. Après être retombée à plusieurs reprises, elle se rendit compte que la mer avait montée car cette fois-ci, elle chuta dans l'eau fraiche. Elle avait toujours les yeux mi-clos. Sally se décida à agir, à marcher, visiter et longer la côte. Elle n'aimait pas la plage, tout ce sable, ce sel, cette eau et ce soleil assommant. Malgré tout elle inspira l'air, il était frais, pur, il sentait le poisson, elle n'aime pas le poisson, mais elle se sentait libre. Ses pieds nus s'enfonçaient dans le sable fin, il lui brulait la peau lentement. Elle expira et s'étira tout en fermant ses yeux irrités.
Sally avait 20 ans, elle était jeune, assez ambitieuse, quoique très pessimiste. Elle vivait chez son père, à la campagne, un endroit paisible, même trop paisible à son goût. C'était une fille qui aimait sortir et découvrir de nouvelles choses, c'est ainsi qu'elle se décrivait. En vérité, elle aimait sortir et boire un coup avec ses potes pour passer le temps. Rien de bien productif, elle le savait bien, cela-dit, elle jouissait de ces instants comme si c'était ses derniers. Après tout, qui sait ?
Tout en réouvrant ses yeux, elle fronça les sourcils et se dit à haute voix : « Un café et un œuf. Je prendrais bien un café et un œuf. ». Elle n'était pas vraiment réveillée. Observant le paysage elle fit la moue, il n'y avait rien à manger aux alentours ! La plupart des matins, Sally se préparait un café au lait de cajou dès qu'elle sortait du lit, ensuite elle y rajoutait une légère goutte d'extrait de vanille pour le rendre plus gourmand. Elle s'installait dans son canapé et dégustait son café. Lorsque sa tasse était vide, selon ses envies, elle retournait dans la cuisine se préparer un œuf au plat accompagné de ketchup. Souvent, elle se pressait un jus d'orange, ou un jus de mandarine, et elle ingurgitait son petit-déjeuner joyeusement. Ici... Il n'y avait rien de tout cela !
Sally, qui commençait seulement à s'adapter à la forte luminosité, se mit alors à s'aventurer hors de la plage, voyant une petite forêt à une centaine de mètres d'elle. Ses pieds étaient douloureux au contact du sable, puis en avançant au contact de petits cailloux, puis d'épines de pins... Son objectif pourtant la motivait et elle accélérait le pas jusqu'à ce qu'elle entre dans la forêt. L'ambiance était particulière, il régnait dans ce lieu un calme indescriptible. Certes on entendait les vagues et le vent, un peu plus loin, mais où se trouvait la vie ? Sally n'avait croisé aucun être vivant, animal ou humain. Persuadée qu'elle était toujours dans un rêve, elle choisit de ne pas s'inquiéter et plutôt d'explorer cette spectaculaire création de son cerveau. La forêt était un lieu bien plus agréable que la plage selon Sally, elle s'y sentait beaucoup mieux, l'odeur de bois humide l'emplissait de calme. En se promenant entre les branches, les ronces et les feuilles, elle découvrit des mûres paraissant exquises. Alors, une par une, entre ses doigts, elle chopait ce fruit noir et les engloutie, laissant ces mures juteuses lui tâcher le coin de la bouche et le bout de ses doigts. Elle aimerait retrouver des mûres aussi délicieuses à son réveil, dans la vie réelle. Mais elle n'oublia cependant pas son envie de café, et les mûres ne lui suffisaient pas. Vivement son réveil. En attendant, elle continuait sa marche, réfléchissant à tout et à rien, elle se demanda si elle avait branché son téléphone la veille, avant de s'endormir : « Merde, je crois pas... » souffla-t-elle. Sally se questionna également sur son programme de la journée à venir, elle voudrait sortir en ville, aller voir des amis et profiter du soleil d'avril, mais elle devait travailler pour ses partiels de la fac. Bon, elle se décidera le lendemain matin, « rien ne presse », se dit-elle.
Le bruit des brindilles sous ses pieds nus était d'une satisfaction extrême pour son ouïe. Malgré tout, il manquait quelque chose. Il n'y avait pas le chant des oiseaux, cela était étrange. Sally s'arrêta de nouveau devant un buisson de mûres et s'installa à même le sol, essoufflée de cette promenade matinale. Elle commençait alors à s'ennuyer. Ses yeux lui piquèrent d'un coup, et elle bailla à répétition. Une énorme fatigue l'emporta, elle s'allongea alors sur les brindilles de pin et sombra dans un sommeil profond.
Ouvrant une paupière après l'autre, Sally essayait de reprendre conscience. Il faisait noir, tout noir. La nuit était tombée pendant son sommeil et il faisait très froid, c'est ce qui l'avait réveillé. Elle ne portait qu'un t-shirt et un short et elle grelottait comme une feuille. Alors elle se motiva, se leva et tenta de se réchauffer en gigotant dans tous les sens, en se frottant les bras, en courant sur place, mais elle se sentait encore très faible, trop faible, elle sentait que quelque chose n'était pas normal. En sautillant elle tomba et s'écorcha le bras « Putain ! » lança-t-elle entre ses dents. Elle commençait à paniquer, sa respiration s'accélérait et ses yeux se mouillaient. Sally n'avait aucun plan, elle prit ses jambes à son cou et se lança à toute vitesse, à l'aveugle dans la nuit, à travers la forêt inconnue et cherchant une issue, peu importe laquelle. Sortir de ce cauchemar. Ses jambes s'affolaient et allaient à toute vitesse, impossible de les arrêter. Parfois un pied se coinçait dans une racine mais cette dernière s'arrachait au vol et la course continuait. Elle courra pendant des minutes et des minutes, le temps paraissait interminable, le décors semblait se répéter. Soudain, la racine lui attrapa le pied droit comme une main ferme, elle s'accrocha et ne comptait pas laisser Sally s'enfuir. Sally chuta, son front heurta le sol et sa cheville se plia de façon effrayante. Un hurlement sorti de sa gorge, sa douleur s'échappa par sa bouche. Puis rien. Un calme oppressant face aux sanglots de Sally.
Elle était désespérée et perdue. Ce n'était pas un cauchemar, ça n'avait rien à voir avec un cauchemar. Il n'y avait aucune explication rationnelle à cette situation, elle était affamée, épuisée, elle souffrait et sa cheville était probablement cassée. Puis, quelque chose s'approcha d'elle, elle l'entendait non loin, des pas légers. Sally ne réagis pas, elle n'en avait pas la force, elle attendait simplement que les petits pas avancent vers elle, encore et encore. Et, les pas ralentissaient, à trente centimètres de sa tête. Quoi que ce soit, il s'agissait d'un petit être qui n'avait pas l'air offensif, du moins c'est ce que Sally se disait afin de se rassurer. Timidement, l'être tapota le crâne de Sally, qui ne répondit rien d'autre qu'un couinement. Le petit sursauta si fort à ce bruit qu'il tomba en arrière. Alors, Sally en profita et leva la tête pour l'observer. C'était un drôle d'animal, une espèce qu'elle ne connaissait pas. Il possédait des ailes, telles des ailes de corbeau mais avec une tête de chaton et une petite queue en plumeaux. Il était d'un noir de jais mystique. Yeux dans les yeux, les deux ne savaient pas comment agir, ils attendaient, sagement, sans bouger, retenant leur souffle. Soudain, la créature prit les devants, elle se déplaça vers le pied droit de Sally, encore bloqué sous la racine, et il l'en dégagea sans même la toucher. Libérée, Sally se sentait plus calme, mais elle tenta de bouger sa jambe et elle souffrait. Le visage crispé, elle regardait l'être et lui demanda : « Qui es-tu ? ». De ses gros yeux, il dévisagea Sally, longuement, comme s'il réfléchissait, puis il ouvra sa gueule : « Biou ». Sally soupira, à quoi s'attendait-elle ? Puis elle lâcha un sanglot, désespérée. La créature déploya alors ses ailes puis commença à s'élever. Elle attrapait délicatement Sally par la main, et la soulevait à quelques centimètres du sol, doucement pour ne pas la blesser davantage. « Mais où sommes-nous ? S'il te plait je ne comprends rien... » tenta-t-elle en regardant la douce créature l'embarquer dans les airs. Sally était complètement déboussolée, elle abandonna ses hypothèses, il n'y avait rien de cohérent, elle était devenue folle.
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Engloutie
ParanormalElle était à moitié debout, ses jambes flagellaient, sa tête tournait. Ça devait faire quelques jours qu'elle était ici, un peu plus, un peu moins, elle ne sait pas. Le temps était si étrange. Sa mémoire totalement floue. Cela n'avait pourtant aucun...