L'un des premiers sens à revenir est la vue. Une énorme lumière blanche traverse mes paupières et me fait brusquement ouvrir les yeux, que je referme tout de suite après.
- Elle est vivante, chef.
Suis-je morte ? Ou pas ?
Je n'entends pas la suite de la conversation. Je n'entends que le fracas des armes, les ordres que l'on dit, l'intonation de la voix de la Bête. Le deuxième sens à revenir est le toucher. Ma main posée par terre effleure le sol bétonné, abîmé et aussi poisseux. Je sens peu à peu le poids de mon corps sur le sol, et la douleur s'étiole en grandes traînées sur tous mes membres et toute mon âme. Respirer n'est plus un réflexe mais quelque chose à laquelle je dois penser. Et je m'agrippe de toutes mes forces, je rampe dans cet interface vie-mort, je m'y accroche à la force de mes ongles. C'est une falaise glissante, noire comme la nuit : je l'empoigne avec toute la volonté qu'il me reste. Je rampe pour mourir. Il est hors de question que je reste en vie si c'est pour endurer tout ça. Les mains fixés sur la falaise glissante, je tente de me hisser mais soudainement, je glisse. Et c'est la chute, interminable, qui se soldent par un réveil extrêmement compliqué. D'abbord parce qu'il n'y a pas un endroit de mon corps qui me m'élance pas ( y compris mes pieds, mon crâne, et même mes ongles ) et ensuite parce que c'est insupportable. Le calvaire commence lorsque je tente de bouger. Je sens toujours mes doigts et mes orteils, cependant pour certaines parties de mon corps, comme ma tête, c'est impossible de faire un quelconque mouvement et l'angoisse monte.
Suis-je morte ? Ou pas ?
Tout ce que j'entends est un moniteur qui bipe au rythme des battements de mon coeur et tout ce que je souhaite c'est que la ligne s'aplatisse et que je sois morte. Un goût métallique s'imprime très vite sur mon palais, du sang ? Peut-être. Je parviens au bout d'un temps incertain à discerner les draps sur mon corps, et le matelas en dessous de moi, donc j'en déduis que je suis probablement dans un lit d'hôpital. Pourtant rien n'a l'air plus réel que cette espèce de mort que j'ai eu. Rien n'a l'air plus réel que la dernière image que j'ai eu en tête avant de me retrouver suspendue à cette falaise. J'essaye de comprendre ce qui est arrivé mais l'effort mental est si intense qu'il me brûle le cerveau ; j'arrête donc immédiatement toute réflexion. Dans mon ventre l'angoisse monte d'un cran parce que je n'ai aucune idée d'où je suis, avec qui, de qu'il s'est passé, de dans quel état je suis.
Suis-je morte ? Ou pas ?
- Violence si vous m'entendez vous pouvez cligner des yeux ?
Non, désolé, mais ça m'est impossible.
- Ou me serrer la main ?
Une main se glisse effectivement dans la mienne et je rassemble le peu de forces que je possède pour la serrer faiblement. Je ne suis pas sûre que ça aie suffit, mais cette intuition est balayée en une seconde.
- J'ai senti une petite pression. Il ne faut pas que vous paniquiez, m'intime la voix.
Je connais cette voix. Je sais que je la connais mais je n'arrive pas à la retrouver dans mon esprit et c'est très frustrant. Ne pas paniquer ? Mais comment pourrais-je me relaxer alors que je viens de mourir ?
- Vous avez frôlé la mort de très près mais on est en train de prendre soin de vous, d'accord ?
La nausée monte. Je suis en vie. Voilà la réponse à ma question : je suis en vie, et ils ont bien tenté de me tuer. Je me souviens d'avoir eu mes cheveux sur le visage et d'avoir suffoqué, à un moment donné. Je me souviens de la douleur que j'ai ressenti dans mes chevilles, comme si elles s'étaient disloquées sous mon propre poids. Je me souviens des coups que j'ai pris pendant ce qui m'a semblé être une éternité, avant d'être pendue. Et pire que tout, je me souviens de Di Casiraghi qui retourne travailler dans son bureau comme si de rien n'était, comme si il n'était pas en train de tuer quelqu'un. En train de me tuer moi.
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ULTRAVIOLENCE
RomanceViolence vit recluse à Carthage depuis trois ans, préparant le jour où elle ira à Palerme pour chercher des explications. Et ce jour est enfin venu. Thaddeus n'est pas le genre d'homme qui transpire la sécurité, la bienveillance ou l'amour. Plutôt...