Chapitre 2 : Face au mur

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La nuit était passée, trop vite peut-être. Très peu de gens avaient réussi à dormir, et puis, comment l'auraient-ils pu ? Tous attendaient le début de l'appel maintenant. D'ailleurs, il était proche. On le sentait dans l'air, sur le visage des enfants, des adultes, de tous. Ceux qui avaient seize ans cette année étaient habillés comme ils l'auraient été pour de rares occasions. Les filles portaient des robes, encore blanches pour les plus chanceuses. Les garçons portaient des pantalons, les plus riches avaient même la chance d'en avoir sans trous sur les genoux. Bref, il s'agissait pour eux d'un jour d'exception. Il était en effet important pour eux de se tenir bien, d'être présentables, car la première et dernière impression qu'une personne porte sur vous peut être primordiale, et ici, même bénéfique ! On entendait parfois quelques pleurs qui résonnaient à travers les murs mais la plupart d'entre eux restait de marbre. Et il le fallait, c'était leur destin. Leur vie ne pouvait se dérouler sans l'appel. C'était une étape obligatoire pour eux, personne n'y échappait. Même les plus puissants de ce monde ne pouvaient s'y dérober. Ils étaient certes avantagés, ils ne pouvaient cependant l'esquiver. Pire qu'une loi, l'appel était maintenant considéré comme faisant partie de la culture, en fait, il était devenu une nouvelle religion.

Un instant plus tard, tout le monde se tut. Il n'était plus question de se maquiller et de s'apprêter. Ce n'était qu'une question de temps avant que le signal retombe. En une fraction de seconde le monde entier retint son souffle. Le calme avant la tempête, voici ce que tous pensaient, sans exception. Puis...

- BIP...BIP...BIP...

...l'orage ! La lame venait de tomber. Les cœurs s'étaient arrêtés, entrainant dans leur chute les plus faibles. Il n'avait suffi que de trois « bip » pour qu'un monde entier s'interrompe, se mette en pause. Pour les plus âgés d'entre eux, il n'était question que d'un mauvais souvenir qui se répétait tous les ans. Pour les plus jeunes, il s'agissait d'un bruit assourdissant qui les terrorisait chaque année et qui les rapprochait petit à petit de leur destin. Pour les seize ans, les appelés, il se découlait leur avenir : tant dans la vie que dans la mort.

Pendant ce temps, Loan et Mahé ne s'étaient toujours pas lâcher la main. Ils savaient tous deux qu'ils ne pourraient sûrement plus jamais le faire. Sentir les doigts de l'autre dans sa paume était finalement à ce moment-là, plus qu'un signe d'amour entre deux frères, c'était également un symbole.

- Avant que tu partes, je voulais te donner ça, dit Loan à son frère avec quelques larmes au coin des yeux.

Mahé fit comme si de rien n'était, lui dire que « tout irait bien » était un mensonge. Alors, il esquiva ces pleurs et se tut. Loan savait très bien ce que pensait son frère, il se dispensa de croiser son regard encore une fois. Puis, comme une manière d'éviter le problème, il tendit à présent un collier en direction de Mahé. Une chaîne dorée pendait entre ses doigts, et au bout, on pouvait apercevoir un petit animal doré. On ne voyait dessus même pas une trace de poussière. Ici, l'expression « briller de mille feux » prenait tout son sens. On aurait presque dit de l'or tellement ce pendentif était beau, ou du moins, il s'agissait peut-être d'un simple collier mais dans ce monde sale, sa simple valeur prenait un sens nouveau.

- Une salamandre de feu !!

Mahé avait toujours été étonné de ce que son frère pouvait trouver.

- J'ai pensé qu'il te porterait bonheur, lui répondit Loan la gorge nouée par le chagrin. Comme ça, quoi qu'il se passe, je serai toujours avec toi, je ne te laisserai jamais seul !

- Tu sais, quoi qu'il se passe, tu resteras toujours avec moi.

Il lui prit la main et la posa sur son torse.

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