3 -- The Bad News

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— Je suis amoureux.

Malgré l'agitation ambiante due à la fin de la matinée au Café Loco, il était impossible de rater le silence embarassé qui suivit sur la ligne. Jim, qui avait en général une confiance inébranlable, se sentit vaciller. Le téléphone calé contre son épaule, il se rattrapa au comptoir qu'il astiquait l'instant d'avant, son torchon toujours entre les doigts. À la base, il n'appelait Fred que pour prendre de ses nouvelles. Et peut-être profiter d'une heure ou deux en sa compagnie ce soir après le travail.

Il n'était certes pas prêt pour une telle déclaration.

Frédéric Cousineau était un homme génial, très séduisant et divertissant, mais Jim n'éprouvait aucun sentiment pour lui, à l'exclusion du désir, évidemment. Qui plus est, Fred et lui entretenaient une relation exclusivement charnelle depuis plus de cinq mois, et ils ne partageaient rien de plus! Alors que Fred adorait les sports de combat comme son ex Luca, Jim, lui, préférait l'escalade. Fred adorait manger épicé, et Jim préférait les pâtisseries. Le premier était un lève-tard, et le second... dormait très peu.

Entre eux, il n'y avait d'affinité qu'entre les draps. Ou sur une table basse... ou n'importe quel meuble capable de soutenir leur poids combiné.

D'où venait cette foutue déclaration?!

What did you say?

S'il était revenu en sol canadien depuis près d'un an maintenant, la surprise lui extirpait toujours quelques mots anglais en premier lieu. Le temps que son cerveau bascule de nouveau vers le français pour formuler une réponse à cette déclaration insolite, Fred reprenait la parole.

— Je suis amoureux, Jim. Il faudrait que nous en restions là, tous les deux.

Fred voulait mettre un terme à leurs ébats, rien de plus! L'air que Jim conservait dans ses poumons fut relâché dans un soupir mûr de soulagement, et le rouquin ricana en passant une main nerveuse dans ses cheveux gominés. La texture, dure sous la pulpe de ses doigts, le rappela à l'ordre et il laissa retomber son bras sur le comptoir, où il attrapa le torchon pour le lancer en travers de son épaule.

You bastard, maugréa Jim.

À ses côtés, Luca servait des clients. Il dirigea vers lui un regard perplexe, inquisiteur, que Jim balaya de la main. Il lui signala qu'il disparaissait dans son bureau un moment et s'exécuta d'un pas rapide. Il ne tenait pas à fournir aux clients des détails de cette conversation privée.

En comparaison de la chaleur qui se dégageait du Café Loco, le bureau qu'il occupait semblait arctique avec son carrelage terni par l'usage et ses murs blancs usés, mais Jim n'avais pas encore eu le temps de finir les rénovations ou d'engager quelqu'un pour les terminer à sa place.

— Tu m'as fait peur, pendant un moment, Fred...

Jim n'aimait pas devoir débouter des prétendants, surtout lorsqu'ils étaient aussi gentils que Fred. Il se laissa choir dans son fauteuil de cuir craquelé et appuya ses talons sur le coin de son immense bureau en merisier. La chaise chouina sous son poids gargantuesque.

— Eh, c'est toi qui voulait que je te prévienne si je rencontrais quelqu'un, déclara Fred avec désinvolture.

— Tu aurais pu être plus direct, au lieu de me laisser croire que tu me déclarais ta flamme, non?

De l'autre côté de la ligne, Frédéric rit. Jim l'imaginait sans peine s'écheveler à son tour et fixer le sol, mal à l'aise. Il aimait le côté direct de son interlocuteur, mais encore plus sa sensibilité. Fred était un bon gars; il n'avait pas fait exprès de le mener en bateau.

Comme deux et deux font quatreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant