Elle n'est pas ce que tu vois. Elle n'est pas un beau visage ni un beau sourire ni une belle allure. Elle n'est pas des talons hauts ni une jupe courte ni des lèvres rouges.
Ce qu'elle est, c'est.... ce n'est pas à toi de le savoir. Toi, qui ne connais pas son nom. Toi, qui ne la vois pas vraiment. Toi, qui n'a aucune importance pour elle.
Tu te fies à une impression, à une image extérieur, d'une personne qui est plus que ce que tes yeux peuvent percevoir. Comme les couleurs de l'univers, ce que tu vois n'est qu'une infime partie d'un être extrêmement complexe qui possède un million de recoins cachés et dix millions de secrets. Elle est grande et ses cheveux sont lisses et plats; elle se maquille parfois un peu trop; elle a un rire trop nerveux et une voix trop grave; elle a une pomme d'Adam et une poitrine trop plate. Elle.... n'est pas une fille?
Tu as tort. En fait, tu ne te poses pas la bonne question. Elle n'est pas une fille? C'est quoi une fille? Une personne qui est XX? Alors ceux qui sont XY, ce sont des hommes? Et les XXY? Ou encore les XYY? Ce sont des intersex, des hermaphrodites, des femmes-hommes, des shemales, des hybrides, des erreurs, des maladies. Des exceptions.
Les exceptions ne comptent pas. Ah bon.
Tu as choisi de la définir, de la mettre dans une boîte, dans une catégorie, de décider ce qu'elle est supposé porter, qui elle est supposé aimer, comment elle devrait penser et agir. Tu l'as regardé dix secondes après qu'elle est née et tu as décidé que tu savais qui elle devrait être. Tu lui as donner un nom avec plein de connotations et d'obligations, un nom qui lui prêtait des caractéristiques qui ne lui appartenaient pas, un nom qui a défini à tort une partie de sa personne.
Elle n'est pas une fille? Tu as raison.
Ce qu'elle est, c'est une personne avec un cœur trop grand, qui aime même ceux qui ne le méritent pas. Ce qu'elle est, c'est une personne qui sourit même quand elle souffre parce qu'elle sait que c'est temporaire. Ce qu'elle est, c'est une personne paralysée par la peur d'être seule et traumatisée par ceux qui l'ont abandonnés.
Elle est gênée, maladroite, hilarante, franche, altruiste, persévérante, obstinée, impulsive. Elle est plus que ce que la langue pourrait décrire, parce qu'elle a des dimensions qui sont impossible à cerner. Elle n'appartient dans aucune catégorie, dans aucune boîte, car elle n'est pas une définition générale.
Elle n'est pas une fille? Tu n'as rien compris.
Ce que tu n'as pas compris, c'est que la question ne veut rien dire. Tu crois savoir ce qu'est une femme et ce qu'est un homme, mais tu n'en sais rien. Elle est un homme parce qu'elle est XY? Peut-être, si cela te convient. Mais elle porte des robes, elle aime se maquiller, elle garde ses cheveux long, elle est mince et délicate, elle se considère comme une femme. Toi, avec ta voix de baryton, ton insécurité et ta masculinité toxique; toi, avec ton manque de respect, tes blagues sexistes et ton complexe de supériorité; es-tu prêt à dire que vous êtes semblables?
Tu crois peut-être que la question est injuste ou sans importance parce que tu es incapable d'y répondre. Tu refuses même d'y penser, et tu te fermes volontairement les yeux devant une réalité flagrante car tu ne veux pas remettre en question ce que tu crois comprendre. Tu l'as réduit à une exception, parce que les exceptions ne comptent pas et tu veux prétendre qu'elle n'existe pas. Tu veux continuer de vivre ta vie, comme tu l'as toujours fait, sans avoir besoin de critiquer le non-sens de la binarité du genre, de critiquer le non-sens de la catégorisation de l'être humain.
Tu t'es rendu prisonnier dans ta propre personne en essayant trop fort de mettre un étiquette sur les autres. Tu t'es barricadé dans ta boîte parce que sans elle, tu flottes dans le néant. Sans elle, tu n'as plus l'impression de comprendre le monde. Elle est ta personnalité, ton attitude, ton identité et tes lentilles. Tu t'es déformé pour lui ressembler et en retour elle déforme tout ceux qui t'entourent.
Elle n'est pas une fille? Tu es ignorant. La réponse est sans importance parce que la question est fausse. Tu t'en fou de son sexe, de ce qu'elle a entre les jambes, de son ADN. Tu t'en fou de sa personne. Elle te fait peur parce que tu as peur de toi-même.
Quand tu la regardes et que tu es mal à l'aise parce que tu te demandes si elle est une fille, tu te caches de ce que tu penses vraiment. La vraie question, celle qui te fais tellement peur que tu souhaiterais qu'elle n'existe pas, est la suivante: qui suis-je?
Est-ce que je suis gai parce qu'elle m'attire?
Est-ce que je suis moins homme de la vouloir?
Qui suis-je?
Ce que tu es, c'est.... ce n'est pas à moi de le savoir. Moi, qui ne connais pas ton nom. Moi, qui ne te vois pas vraiment. Moi, qui n'a aucune importance pour toi.
Laisse tomber les boîtes, les catégories, les étiquettes. Tu es plus que leurs limites. Elle, et toi, et moi, nous sommes tous des exceptions, et nous sommes tous exceptionnels.
VOUS LISEZ
XX
Non-FictionManifeste d'environ 800 mots pour un cours de français au cegep sur la binarité du genre. N'hésitez pas à me laisser savoir ce que vous en pensez!