Nikolaï

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Je jetai un coup d'œil à la masse endormie à côté de moi. Si je ne savais pas qu'il s'agissait d'Itami, j'aurais probablement cru à un petit ours. Ou bien peut-être un gros loup. C'est vrai que dans la pénombre importante du milieu de nuit, on ne distinguait pas grand chose. Ça ferait presque peur, si ce n'était pas Itami. Je soupirai; ce n'était peut-être pas si mal d'être accompagné cette fois. J'essayais de retourner les braises afin de les maintenir, mais rien n'a y faire; les flammes retombaient les unes sur les autres, se mangeant presque entre elles. Peut-être était-ce à cause de l'humidité. Ou alors de cet enfoiré de vent qui avait commencé à souffler depuis quelques temps déjà. Je frissonais et essayait de me rapprocher des pauvres petites flamêches, encore survivantes. Mais ça ne fit pas grand chose, je devrais vous avouer. Je tournais finalement la tête vers Itami, l'interpellant en chuchotant.
- Itami...?
Aucune réponse. J'attendais quelques instants avant de l'appeler de nouveau, un peu plus fort cette fois-ci.
- Itami?
Toujours rien. Afin de m'assurer qu'il était bien endormi, je pris quelques cailloux, juste de quoi le toucher, rien de douloureux. Alors du bout des doigts, je jetai les petits cailloux sur son dos d'ours. Et après avoir vidé toute ma réserve, il n'avait toujours pas bougé. Je concluait donc qu'il était bel et bien endormi. Je m'approchai de lui silencieusement, jetant tout de même un regard au dessus de son épaule. Je finis par me rasseoir, m'installant contre lui, dos contre dos. Il n'allait pas m'en vouloir de lui dérober un peu de chaleur. Et puis j'allais bouger avant qu'il ne se réveille, dans tous les cas. Je soupirais d'aise et me remettais à bouger les braises avec mon pauvre bâton, regardant de temps en temps le bois qui nous entourait, habillé de ses ténèbres.

Je trouvais le soleil long à se lever. Le ciel venait à peine de commencer à s'éclairer alors que j'avais l'impression d'être resté ici des heures. J'avais fini par réveiller Itami, à la première apparition de lumière. Si nous partions maintenant, il y aurait une chance pour que nous arrivions au village le plus proche, d'ici le milieu de matinée, quelque chose par là.
Nous n'avions pas vraiment d'équipement ou de matériel à porter, désormais. Nos vêtements avaient finis par sécher et nos mouvements étaient donc bien plus libres et moins fatiguants à faire. Nous avions probablement perdus quelques kilomètres en déboulant la rivière, mais il serait éventuellement possible de tout rattraper aujourd'hui. Les passages dans le village pouvaient être nombreux et avec un peu de chance, nous pourrions trouver un moyen de voyager.

-Alors, tu as un meilleur plan, cette fois? M'interpella Itami, marchant à mes côtés.
Je lui jetai un regard en coin, avant de descendre un petit monticule de terre, qui nous ramenais dans le lit de la rivière. Et Itami suivit.
- Qu'est-ce qu'il avait mon plan ? Si tu n'étais pas content tu n'avais qu'à rester avec les gardes, répliquai-je.
Je l'entendis souffler d'amusement en revenant se tenir à mes côtés.
- Pas comme si on avait failli y passer, non?
Je râlait pour réponse, me mettant en marche. La rivière était beaucoup plus calme aujourd'hui. Ou alors j'avais cette impression parce que nous n'y étions pas jetés.
- Oui mais on est là maintenant, en vie et sans gardes au cul
- Peut-être bien... Et on fait quoi maintenant ? Tu ne penses qu'on s'est attardés pour notre mission?
Je continuais de marcher en y songeant, suivant le courant de l'eau.
- Nos rois nous font confiance. Alors je sais pas toi, mais je continuerai autant de temps qu'il le faudra.
- Je ne te pensais pas si dévoué à ton roi...
Alors que nous arrivions à un carrefour, je me tournais vers lui.
- Si je suis dans ce rôle auprès de lui, c'est pour le servir et le protéger, pas pour jouer au lèche-cul ou à la pauvre plante verte à côté comme un con. Si tu n'es pas prêt à faire de même pour ton roi, c'est pas mon problème.
Et je me remettais en marche, prenant vers la droite.
Il prit quelques instants à répondre.
- Je n'ai jamais dit que je ne le ferais pas... Je demandais juste
- Ouais... Bref, continuons si on ne veut pas se retarder plus longtemps.
- Dis...
Je le coupais:
- Tu es d'humeur à questions aujourd'hui ?
Je le vis hocher la tête en souriant un peu.
- On a pas grand chose d'autre à faire pendant qu'on marche, alors je cherche une occupation... Et puis ça me permet de mieux te connaître.
Je levais les yeux au ciel. Il n'avait qu'à observer le paysage s'il ne savait pas quoi faire, au lieu de me les casser avec ses questions de gamin.
- Et bien moi je ne suis pas vraiment d'humeur à te répondre.
Et c'est qu'il se remet à rire en plus. Il devait avoir un câble de peté un peu plus haut. Je trouvais pas d'autre justification.
- Juste une autre question, et j'essaierai d'arrêter de t'embêter après... Tu gardes vraiment ton masque tout le temps?
Je regardais autour de moi avant de tourner la tête vers lui, prenant un air solennelle.
- Je peux t'avouer quelque chose, Itami?
- Bien sûr, vas-y
J'inspirai doucement, avant de me tourner vers lui.
- Tu me fais chier
Il prit une petite moue déçue avant de soupirer. Je pense que c'était d'un mélange de désespoir et d'amusement. M'enfin bon, ça ne me concernait pas. Je haussai les épaules et me détournait, accélérant le pas.
- Vraiment impossible, hein...
- Et bien qu'est-ce que tu veux, c'est comme ça que je suis né.

La forme du village se dessinait enfin à travers les hauts arbres. Et même un petit nuage de fumée blanche s'élevait dans le ciel, drapeau signalant enfin notre point d'arrivée. Étant donné que nous n'avions pas tant tarder, il devait effectivement être milieu de matinée, et j'entendais presque l'agitation des gens dans leurs petites rues. Je tirais un peu sur le bras d'Itami, pour le faire avancer plus vite, même s'il ne devait pas avoir trop de mal avec les grandes perches qui lui servaient de jambes.
- On devrait pouvoir trouver quelque chose par ici. On doit être à quelques kilomètres de la frontière de Noctisia, si on parvenait à trouver des chevaux ou quelque chose, on pourrait arriver au royaume d'ici ce soir, ou en milieu de nuit si on devait finir à pieds.
- Ton plan ne me semble pas hasardeux pour une fois.
Je tapais l'épaule d'Itami, bien que le coup n'est eut aucun impact chez lui, mis à part un nouvel éclat de rire.
Je soupirais et le lâchais pour le devancer et ainsi entrer dans le village.
Il était plutôt rustique, tout en restant simple et accueillant. Les routes étaient constituées de pavés jaunis, probablement par le temps et les passages dessus. Et justement, alors que nous nous rendions vers ce qui semblait être le centre du village, nous pouvions observer du mouvement; des piétons, quelques marchands et des animaux divers se baladant plus ou moins librement. Ils entraient parfois dans les maison, dont les portes étaient, pour la plupart, grandes ouvertes, faisant ainsi rentrer le doux soleil de début de journée. Une odeur s'élevait aussi dans l'air. Probablement du pain où la taverne. La dite taverne était plutôt facile à remarquer; elle était le plus gros bâtiment du village, et on y voyait tout un tas de personnes y entrer. Rien de mieux que de l'alcool et leurs alcoolos pour avoir des infos, alors c'est naturellement, que nous nous y dirigions. Une brusque vague de chaleur nous frappa au visage en entrant. Elle n'était pas des plus agréables, c'était un mélange moite de la chaleur que dégageaient toutes les personnes présentes, et du soleil tapant directement à l'intérieur. Mais ça ne s'avérait pas non plus insoutenable, alors j'en faisais abstraction. Je tirais Itami vers le comptoir, esquivant prudemment les serveuses et les musiciens de l'aube.
- Tu parles, moi j'écoute, clamai-je à Itami.
Et il sembla d'accord avec cette idée puisqu'il acquiesça. Pendant qu'il interpellait un membre quelconque du personnel pour lui demander des infos, je me tournais vers la salle pour observer distraitement. Ce n'était pas vraiment le genre d'endroit que j'aimais fréquenter. Tout ces gens collés les uns aux autres pour boire et échanger leurs éfluves corporelles. Je grimaçai rien que d'y penser.
- Ça te va, Nikolaï ?
Je me tournais vers lui et hochais la tête.
-Ouais... Ouais c'est parfait.
Itami remercia son informateur et se mit donc en marche vers la sortie, alors que je le suivait, soulagé de sortir.
- Tu n'écoutais pas vraiment, n'est-ce pas ? Demanda Itami en souriant, une fois que nous étions sortis.
- Pas vraiment non.
Il secoua la tête d'un air désolé.
- Quelques marchands vont bientôt partir en direction du royaume, si on leur transmets un message du gérant, ils nous accepteront dans leur charrette apparemment.
- Aussi simple que ça ? M'étonnais-je.
- Tu sais, toutes les personnes que tu croises ne sont pas forcément des assassins ou des voleurs.
Je râlai et croisait les bras sur mon torse.
- Et t'as pas peur de casser la charrette en montant dessus?
- Dis que je suis lourd aussi, je t'en prie!
- Tu t'es vu au moins, on pourrait te mettre à la place des chevaux et ce serait pareil.
- Je suis pas vexé, merci, souffla t-il.
Je haussais les épaules.
- Pas de problème. Tu comptes t'enraciner ici ou aller chercher notre bon de secours ?
Il soupirait à son tour et nous recherchions donc les dits-marchands. Pas très difficiles à trouver, ils se trouvaient à la sortie opposée du village, prêts à embarquer pour certains. Je laissais Itami gérer l'affaire et attendais sur le côté. Lorsque l'autorisation leur était donné, je grimpai avec Itami dans l'une des charettes; la plus solide évidemment. Je vis d'ailleurs ce dernier s'allonger un peu sur les tas de paillasses que transportait le marchand. Je me contentait de m'adosser aux fondations en soupirant.
- Finalement, je ne sais pas vraiment si nous allons pouvoir arriver ce soir à Noctisia, avouai-je.
- Hein? Pourquoi ?
- Tu affaisses les roues, regarde comme ça va nous ralentir.
- Je te pensais pas si comique, tu m'étonnes de jour en jour.
Je levai les yeux au ciel, alors que le marchand s'installait sur son banc, claquant son bâton sur le flanc de son cheval. Nous voilà enfin en route pour Noctisia.

Tᚺᛖ ᚺᛖᚨᚱᛏ ᚲᛖᛖᛈᛖᚱ The Heart KeeperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant