Chapitre 7 : La Serre

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Je ne me souviens pas de quand je suis arrivée dans ma chambre. Je me rappelle juste avoir pris mes pinceaux et en être sortie, pour suivre Aurore qui discutait avec Théo devant moi. Le trajet était flou, comme si mon esprit s'était reculé ailleurs. Enfin, dans ce cas précis, il était occupé ailleurs. Il essayait, en vain, de faire comprendre à mon cœur que le baiser avec Théo était une erreur et que son baiser sur la joue était une illusion. Mais on aurait dit que plus mon cerveau tentait de convaincre ce stupide organe vitale, plus ce dernier s'emballait. Je revins brusquement dans l'instant présent quand un rayon de soleil m'aveugla. Je venais de franchir une porte qui menait sur le jardin, comme la veille, à la différence que cette fois-ci il faisait jour. Devant moi, Aurore s'était arrêtée, avait fermé les yeux et profitait de la chaleur du soleil sur son visage. Cette image s'imprima dans mon esprit. La douce lumière qui tombait sur sa peau, le début de sourire au coin de ses lèvres, les légères ombres de ses cils sur son visage,.... Je tournais la tête et vit Théo dans la même position que sa sœur. D'autres détails me sautèrent alors au visage. Sa mâchoire était légèrement carrée et sa peau hâlée montrait qu'il ne restait pas tout le temps à l'intérieur. En même temps, depuis tout petit, il préférait courir dehors que de rester dans la maison à dessiner ou jouer. Sur ce point-ci nous étions semblables. Rien de tel qu'une sortie en plein air pour se vider l'esprit ou se détendre. C'est en pensant à cela qu'une réflexion s'imposa à moi. Théo passait son temps dehors pour fuir sa responsabilité de prince héritier. Le ridicule de la situation m'apparut alors. Depuis quand ma vie avait basculé dans un film ? Mon meilleur ami qui devient prince et me demande auprès de lui ? Ne manque plus qu'il soit amoureux de moi !, ironisais-je.

- Bon assez profitez du soleil. On a une artiste à admirer !, dit Aurore, me ramenant soudain sur terre.

Je rougis devant le compliment.

- Je ne suis pas une artiste., la contredis-je.

- Mais bien sûr, dirent d'une même voix le frère et la sœur, en roulant des yeux.

J'éclatai de rire devant leur coordination. Après un instant, ils se joignirent à moi. Et c'est en riant qu'Aurore reprit sa route et nous guida à travers le jardin jusqu'à une grande bâtisse de verre. Placée devant le soleil, je ne pouvais pas voir de quoi elle était remplie. Mon amie ouvrit la porte en grand et m'intima d'entrer. Je découvris alors que le bâtiment était en réalité....une serre ! Illuminée par la lumière du soleil, elle permettait de saisir la moindre feuille, le plus petit bourgeon, la minuscule fleur cachée par le lierre....Je ne pus empêcher un énorme sourire de monter sur mes lèvres. Soudain, je sentis que l'on s'emparait de mes pinceaux. Je fis volte face et vis Théo, un petit sourire sur les lèvres.

- Rends les mois Théo !

Mon exclamation ne fit qu'agrandir le sourire de mon meilleur ami. Lorsque je tendis la main vers eux, il recula d'un pas. Devant son petit air satisfait, je poussais un soupir. J'ai l'impression de revenir en enfance sérieux.

- Allez Théo, rends les moi., répétais-je.

Je m'avançais vers lui et tentais d'attraper les précieux artefacts. Mais au lieu de me laisser les prendre, Théo mit son bras en l'air, m'empêchant de les prendre. Plus grand que moi d'au moins une demi-tête, il savait très bien que ma taille ne me permettait pas d'attraper les pinceaux. Je laissais retomber mon bras et mis mes poings sur mes hanches.

- T'as pas honte de te servir de mes pinceaux pour te moquer de ma taille ?

- Moi ? Me moquer de ta taille ? Jamais enfin !, feignit de s'étonner mon meilleur ami.

À cet instant, et sans que je saches pourquoi, la scène de sa chambre me revint à l'esprit. J'avais été déstabilisée par notre baiser, mais lui aussi à vrai dire. Peut être que ce n'est pas seulement le baiser qui l'a troublé ? Peut-être que c'est....NON ! Je repoussais cette idée très loin de mon esprit. Mais bon, après tout ma conscience avait sans doute raison, autant tenter le tout pour le tout. Je m'approchais sensiblement de Théo au point où seulement quelques centimètres nous séparaient. Je devais lever la tête pour le regarder dans les yeux, mais je vis tout de même ses pupilles se dilater. Yes ! Ça marche ! Ma foutue conscience n'est pas si conne en faite ! Je tendis le bras vers mes pinceaux tout en me mettant sur la pointes des pieds. Théo ne bougeait plus, il était figé. Il sembla comprendre que je cherchais à prendre les pinceaux alors il étira un peu plus son bras. Et puis zut ! Aux grands mots, les grands remèdes ! J'approchais soudainement mon visage du sien et déposais fugitivement mes lèvres sur les siennes. Il sursauta à ce contact et, instinctivement, baissa son bras. Je pus alors m'emparer aisément des artefacts et reculais. Les joues rubis, je me souvins brusquement que Aurore était avec nous. Mais, après un regard aux alentours, je m'aperçus que nous étions seuls. Encore une fois. Je reportais mon attention sur Théo. Il semblait réaliser ce qu'il venait de se passer. Soudain, il regarda sa main, désormais vide, puis mon visage. Un petit sourire victorieux apparut sur mes lèvres sans que je ne contrôles. Son visage se ferma et s'ouvrit en même temps. Bonjour la contradiction Iris ! Bref ! C'était comme si il était content du baiser mais pas du pourquoi le baiser. Je le vis lutter entre deux choix : me réprimander ou venir continuer ce que nous avions commencer dans sa chambre. Mon cerveau s'arrêta d'un coup. De moi-même je venais d'évoquer un possible rapprochement avec mon meilleur ami... Je me tapotais soudain les joues pour éviter de continuer à y penser. Mais mon cœur battait la chamade comme pour me dire qu'il n'était pas dupe de mon petit jeu et qu'il faudrait bien que j'affronte mes pensées et sentiments un jour. Pendant que je divaguais, Théo s'était rapproché de moi, sa bataille intérieure visiblement terminée. Je ne me rendis compte de sa présence proche que lorsqu'il posa sa main sur ma joue droite. Aussitôt, mon corps se figea et j'intimais à mon cœur de ralentir ou j'allais finir par faire une crise cardiaque. Théo ouvrit la bouche pour parler avant de se raviser et d'approcher son visage du mien. À cet instant, je sentis mon cerveau se mettre en veille et mon cœur prendre le contrôle. J'ouvris les lèvres, comme une invitation à un baiser. Il comprit le message et posa ses lèvres sur les miennes. D'instinct, je passai mes bras autour de son cou, faisant tomber mes précieux pinceaux au passage, et me collai à lui. Pour faire bonne mesure, il passa les siens autour de ma taille et me rapprochai encore plus de lui, si c'était possible. Nous nous embrassâmes pendant quelques instants puis je sentis la langue caresser ma lèvre inférieure, comme une demande silencieuse pour que j'ouvre la bouche. J'accédais aussitôt à sa demande et le laissai y avoir accès. Sa langue se glissa à l'intérieur de ma bouche et commença un ballet sensuel avec la mienne. Je n'arrivais plus à penser correctement. Mon esprit était envahi par un seul et même mot. Encore, encore, encore. Nous continuâmes notre baiser, nous arrêtant quelques secondes de temps à autre pour respirer, lorsque je commençais à sucer sa langue d'une manière suggestive. Un grognement sortit aussitôt de sa gorge et fut avaler par ma bouche. Le peu de raison qui me restait tenta de me faire comprendre que ce n'était ni le lieu, ni le moment d'échanger un baiser avec Théo, mais elle disparut quand il fit descendre une de ses mains sur mes fesses. Ce fut à mon tour d'émettre un son. Un gémissement, qui entraîna un nouveau grognement de sa part. Le bruit d'une porte qui s'ouvre nous interrompit soudain.

- Je me demande où se trouve le prince ?, demanda un voix très aiguë.

- Je l'ignore. Mais Lucinda a vu la princesse Aurore et le prince Théo entrer ici accompagné de ...cette fille qui a grandi avec eux., lui répondit une autre voix, indubitablement féminine. Et elle n'a pas vu le prince et leur amie ressortit. Juste la princesse.

Théo et moi nous regardâmes un instant puis nous nous écartâmes en hâte. Je tentais d'adopter une expression neutre, pas qui montre clairement que je venais de rouler une pelle à Théo. De son côté, il n'en menait pas large non plus. Son visage avait beau ne pas montrer une émotion, ses pupilles étaient encore largement dilatées et ses yeux me fixaient avec désir. Minute ! Depuis quand il me regarde comme ça ? Je faillis éclater de rire. Je devais me dépêcher de faire comme si rien de ne s'était passé et la seule chose qui me frappe et le regard de mon meilleur.... Heu....de Théo. J'entendis les voix se rapprocher et récupérai mes pinceaux sur le sol. J'eus tout juste le temps de me placer près du chevalet et de la toile installée devant un parterre de fleurs que deux jeunes filles firent leur entrée. Elles portaient d'énormes robes comme des fleurs qui cherchent à prendre toute la place et l'attention. L'une d'elles avaient les cheveux blonds tandis que l'autre les avaient bruns. Leurs yeux, d'un vert identique, me détaillèrent un court instant avant qu'elles ne reportent leur attention sur Théo. Toutes deux firent une révérence avant que la brune ne dise.

- Bonjour Votre Altesse. Je suis Cordélia Duvent, la fille du baron et de la baronne Duvent et voici ma cousine, Fleur Aubépines, la fille du comte et de la comtesse Aubépines.

Cordélia est donc celle qui m'a méprisé. Je retiens pour plus tard. Je me détournais vite des deux jeunes filles et me concentrait sur la toile. M'emparant d'un pinceau, je tentais de me concentrer, en vain. Soudain, une coccinelle se posa sur le pétale d'une rose noir comme la suie. Étrange comme couleur pour une rose, mais bon ça rend super bien. À côté du chevalet, se trouvaient différentes palettes de couleur, toutes plus somptueuses les unes que les autres. Un sourire naquit sur mes lèvres et je me mis à l'ouvrage. De temps à autre, j'entendais Cordélia et Fleur qui se pavanaient d'exploits spectaculaires devant Théo, comme pour l'impressionner. Ces remarques me firent grincer des dents. Une sorte de bête grondait à l'intérieur de moi, comme si elle voulait marquer son territoire et affirmer que Théo n'était pas libre. Je secouais la tête et me remit à l'ouvrage quand j'entendis une porte s'ouvrir et se refermer. Inconsciemment, je poussais un soupir et me retournais, m'attendant à voir Théo, mais ne vit que Fleur qui m'observait avec dédain.

- Comment une fille aussi banale que toi peut rester dans la même pièce que le prince sans avoir honte ?

Je restais sans voix. À peine Théo parti, qu'elle lançait déjà les hostilités. J'eus un sourire indolent, mais ne répondit pas à sa provocation et me retournais pour poursuivre mon tableau. Je posais la pointe du pinceau sur la toile quand je sentis des mains me pousser en avant. Je ne pus me retenir et tombais dans les fleurs. Je relevais la tête et avant que j'ai pu esquisser le moindre geste, Fleur me surplombait et dit avec un sourire victorieux.

- Tu vas apprendre à respecter les personnes plus hautes que toi dans la société, la paysanne.

Et là elle se mit à hurler.

- HAAAAAAA ! Les fleurs sacrées ! Elles sont piétinées !

Je tendais vite de me relever mais elle me fit retomber sur les fleurs et toutes les portes de la serre s'ouvrirent d'un coup pour laisser passer une foule compacte où se trouvait Aurore, Théo...et leurs parents.

Je ne suis pas dans la merde moi !

Le Prince Sans CouronneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant