Chapitre 23 : Révélations et décision

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Cette journée avait été rude en émotions. J'étais au point où je ne savais plus si j'aurai souhaité l'oublier, ou la graver en moi.

Un douloureux mélange de tristesse et de soulagement cohabitait en moi, et seul Sett arrivait à me faire sortir la tête de l'eau. Je voyais bien qu'il ignorait complètement quoi faire. Qui le saurait, dans ce genre de situation ? Et pourtant, chaque geste, chaque mot me faisait un peu de bien.

Nous avions entrepris le chemin inverse, et savoir que je retrouverai bientôt Ionia m'enlevait un poids du cœur. Même si malgré tous mes efforts, je ne pouvais m'empêcher de repenser à Rakan, qui aurait sauté de joie à l'idée de rentrer. Chose qu'il n'aura au final... jamais pu faire.

Malgré tout, je ne regrettais pas mon choix. Je savais très bien qu'avoir sa tombe près de moi m'aurait sûrement fait céder à la facilité : m'enfuir et aller me morfondre.

- On pourra lui bâtir un autel, si tu veux. Dans un endroit qu'il aurait aimé, un truc du genre.

Alors que nous étions en train de traverser la mer, Sett me surpris en me proposant ça, venant s'accouder à son tour à la rambarde du bateau. J'étais donc à ce point absorbée dans mes pensées que je ne l'avais pas entendu ? En tout cas, on était toujours un peu près synchro, visiblement.

Je poussais un soupir, il en avait assez fait.

- T'es pas censé avoir le mal de mer toi ?

Mince, ma réponse était un peu sèche. Je ne voulais pas qu'il croit que je ne le voulais pas à mes côtés. J'avais bien vu ses oreilles partir un peu en arrière. Alors je le devançais avant qu'il ne s'excuse pour rien.

- Excuse-moi, je ne voulais pas être blessante. Je sais que tu as dit ça parce que tu t'inquiètes pour moi. Mais je pense sincèrement que c'était la meilleure chose à faire. Déjà que Ionia me fait penser à lui, si je lui consacre un endroit, j'aurai peur d'être incapable d'avancer.

- Tu voudrais... quitter Ionia ?

Je sentais tout le poids qui devait peser en ses mots. Pour lui, c'était une idée inimaginable. Mais lui qui venait de jurer de ne jamais me quitter, je savais qu'il honorerait sa promesse. Quitte à perdre tout ce qu'il avait bâti à la force du poignet, voire même sa mère, si elle refusait de partir...

Encore une fois, je soupirai, alors le vent marin bouscula mes cheveux.

- Ionia... hein... finis-je par sourire. Non, je ne veux pas quitter mes terres. J'ai tellement lutté pour y retourner, tu sais... Je ne me sentirais chez moi nulle par ailleurs. Même si beaucoup de choses me font penser à lui, je veux me souvenir du positif. Il n'aurait pas voulu que je déprime à cause de lui...

Les discussions étaient difficiles. Sett devait avoir peur de dire un mot de travers, ou bien il ne savait tout simplement pas quoi me dire. Et je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir.

- Les vastayas sont hypocrites, quand j'y pense. En tout cas... ma tribu l'était. Ce code d'honneur que je m'efforce de respecter... devient si flou à tes côtés, parfois. Quand je pense que nous n'avons même pas le droit de pleurer nos morts. Que nos cœurs ne peuvent pas battre sans partenaire... Nous exécrons les humains, et admirons les animaux, rois de la nature. Et malgré tout ça, on devrait se soucier du passé, de l'avenir, alors qu'eux ne savent même pas ce que c'est ? C'est d'un risible...

J'étais amère, envers beaucoup de choses. Moi y compris. Je le critiquais, ce code d'honneur, mais je ne pouvais pas m'empêcher de l'appliquer. J'en voulais à ma tribu, mais je ne pouvais m'empêcher d'espérer qu'un jour, elle renaisse. La plus hypocrite dans l'histoire, c'était peut-être moi...

Amour & Haine : Le choix d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant