Félix

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Chapitre 6 : Felix

D'abord elle entendit le chant des oiseaux, ou plutôt leurs cui-cui-cui stridents, et quelques coqs complétèrent cette chorale matinale. Les premiers interprétaient les rôles de mezzos sopranos, les seconds ceux de ténors dans une opéra terrestre unique.

Ensuite les rayons de soleil du jour levant traversèrent les jalousies ouvertes de sa chambre et s'infiltrèrent dans ses pupilles à peine réveillées. Elle était bien de retour chez elle. Sa résidence avait été construite dans une portion de terre prise à la nature loin du bourg de Gosier et était entourée d'arbres et de verdure dont elle connaissait à peine les noms.

Elle resta allongée sur le dos encore un moment pour apprécier le courant d'air qui chatouillait sa tête couverte de cheveux noirs. Elle avait placé son lit dirigé vers le nord juste sous les jalousies qui occupaient presque les deux tiers de la moitié haute du mur. Lorsque le thermomètre dépassait les trente degrés cela lui permettait de ne pas étouffer complètement de chaleur, et lorsqu'il pleuvait, elle pouvait ainsi mieux sentir l'humidité de l'air.

Contrairement à certains de ses voisins elle n'avait pas répondu à l'appel de la climatisation. La chaleur ne la dérangeait pas trop à l'intérieur, mais plutôt dehors parce qu'elle provoquait immanquablement la transpiration. Maxime lui avait proposé d'installer un climatiseur dans sa chambre à plusieurs reprises, mais elle avait refusé à chaque fois. Il n'appréciait guère dormir sans cet air frais artificiel, et le ventilateur ne lui suffisait pas la plupart du temps. Son sommeil en était encore plus alourdi que d'ordinaire, ce qui avantageait Solange. L'air conditionné l'aurait tenu bien trop en forme ; insatiable sexuellement parlant, il la fatiguait parfois la nuit.

Ressentir du plaisir une seule fois par jour lui suffisait amplement car la qualité et le moment d'une jouissance lui importaient plus que la quantité. Mais le manque de contacts charnels provoqués par les absences volontaires de Maxime lui faisait oublier son mode de fonctionnement naturel. Elle se transformait alors en véritable pile électrique chargée d'excitation. Elle en redemandait souvent une seconde fois juste pour combler les jours sans, car son corps privé pendant quatre ou cinq jours de tant de sollicitude criait à chaque fois famine.

En ce dernier matin du mois d'août, Solange pensa en premier à Maxime qu'elle avait volontairement quitté pendant trois semaines pour se libérer un peu de lui et diminuer sa dépendance affective. Manifestement le traitement avait fonctionné.

- Çà fait un mois maintenant qu'on n'a pas fait l'amour et je ne suis pas en manque, c'est curieux.

Mais une autre pensée lui martela aussitôt la tête et la réveilla complètement :

Et lui ? Qu'a-t-il fait pendant tout ce temps ? Cela m'étonnerait qu'il ait eu une vie de moine !

Elle soupira à cette idée et décida implicitement qu'elle ne chercherait pas à connaître ses faits et gestes durant ces jours passées.

La matinée s'écoula lentement pendant qu'elle s'évertuait à faire le ménage car son appartement en avait grandement besoin. A la lumière du jour elle entrevit mieux le pêle-mêle qu'elle avait laissé avant de partir et décida de faire un grand ménage de fin de vacances. Elle surveilla à plusieurs reprises l'heure affichée sur la grande pendule de son salon, car elle réfléchissait en même temps au meilleur moment pour aller lui rendre visite. Cette envie la démangeait de plus en plus sans savoir trop pourquoi.

Peu avant midi, Solange ne résista plus ; elle prit une douche, s'habilla plus décemment et sortit de son appartement en direction de l'escalier du troisième.

AMOURS TROPICALESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant