A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022

48 ~ Elle ne ressent rien

La douleur qui se répand dans ma jambe gauche est le dernier de mes soucis lorsque mon corps retombe sur la langue chaude et visqueuse de ce titan. Je plante mes doigts dans sa chair et tente de m'y agripper du mieux que je peux. Les larmes affluent sur mes joues tandis que je glisse inexorablement vers le profond gosier du monstre. J'ai l'impression de suffoquer à cause de la chaleur et de la noirceur de sa bouche. Sa salive visqueuse me recouvre peu à peu et mes mains glissent.

Soudain, alors que je pense que tout est perdu, j'ai l'impression que le titan vacille et tombe en chute libre. Mes mains lâchent sa langue poisseuse et je suis secouée dans tous les sens dans cette cavité buccale sombre et étouffante. Dans la cohue de cette chute, ma tête vient cogner lourdement contre ses dents, puis contre le sol rocheux lorsque le titan entrouvre la bouche en tombant.

Tout est à présent flou et brumeux autour de moi. Je sens un liquide chaud se répandre lentement sur mon front. Une douleur mordante remonte lentement dans mon genou gauche, puis dans ma cuisse. J'ai l'impression qu'on m'enfonce des lames chauffées à blanc dans la jambe gauche, de plus en plus profondément. Je voudrais hurler de douleur mais je ne parviens qu'à émettre un faible gémissement.

Je lutte de toutes mes forces pour ouvrir les yeux mais ils restent hermétiquement clos. Je voudrais me lever et partir en courant mais mon corps ne répond pas, comme s'il était déconnecté. Je suis terriblement seule avec cette atroce souffrance qui s'empare un peu plus de mon corps à chaque instant. La chaleur de cette cavité buccale devient bientôt étouffante, j'ai l'impression de cuire à petit feu, comme lorsque j'ai affronté le titan colossal.

Soudain, l'air froid s'empare de moi lorsque je suis lourdement trainée sur le sol. Je tente d'appeler à l'aide mais, une nouvelle fois, seul un gémissement étouffé parvient à franchir la barrière de mes lèvres. Pourquoi mon corps ne répond pas ? Pourquoi suis-je incapable de bouger ? Je ressens pourtant tout ce qui m'arrive.

Mon dos et mes jambes butent lourdement sur les rochers éparpillés au sol pendant qu'on me traine je ne sais où. Je sens des mains chaudes tirer sur mes bras pour me déplacer. Ma tête, basculée en arrière, cogne quelques fois contre des rochers plus élevés que les autres. Je voudrais vomir mais même ça j'en suis incapable.

Ma tête retombe lourdement sur les rochers lorsqu'on lâche mes bras. J'entends Christa réprimander Eren et Frock avant de leur hurler des instructions que je ne peux saisir. Je me sens manipulée dans tous les sens sans aucun ménagement. Je voudrais hurler de faire attention mais ne parviens qu'à émettre une faible plainte. Je suis prisonnière de mon corps inerte.

Je hoquète lorsque quelque chose vient brusquement enserrer ma jambe gauche. Mais qu'est-ce qu'ils font ? Ils sont complètement malades, ils vont couper ma circulation sanguine si ça continue, et ma jambe ne sera plus irriguée ! Je me concentre de toutes mes forces pour me débattre et leur faire comprendre la situation mais je ne parviens même pas à lever le petit doigt.

Des mains s'affairent ensuite sur ma jambe, juste en-dessous du garrot de fortune. Il me semble discerner ce qui ressemble à du tissu, imbibé d'un liquide chaud et poisseux, recouvrir mon genou et le haut de mon mollet. Serait-ce du sang ? Pourquoi est-ce qu'ils me recouvrent de leurs vestes pleines de sang ? Décidément, je n'y comprends rien.

D'autres mains, beaucoup moins délicates, sont occupées avec ma tête. Elles épongent le sang sans aucune délicatesse, et quelques jurons parviennent même à mes oreilles. Mes poils se hérissent lorsque je reconnais la voix geignarde de cet abruti de Frock. Il semble occupé à soigner ma tête, contre son gré de toute évidence. Est-ce un ordre qu'on lui a donné ? Je le pense bien, car jamais il ne m'aiderait de son propre chef.

La douce voix de Christa parvient à mes oreilles, mais je peine à comprendre le sens de ses mots. Je tente de faire abstraction du chaos ambiant pour mieux saisir ce qu'elle dit. Trost ? Elle a parlé de Trost, j'en suis pratiquement certaine. Je fais fonctionner mes deux neurones pour réassembler les quelques mots que j'ai pu capter dans le bon ordre.