Chapitre 27

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J+68

Après deux mois de cavale, j'avais plus ou moins perdu la notion du temps. Si vous me le demandiez, je ne pourrais pas forcément vous dire où j'étais ou ce que je faisais lors d'un jour bien précis. Mais s'il y a une date que je n'oublierai jamais, c'était bel et bien le 22 février : le jour où j'arrêtai de fuir.

La scène d'adieux avec mes grands-parents et mon frère fut terrible. Ils me souhaitèrent bonne chance en me disant que j'allais réussir, mais comme moi, ils savaient qu'on ne pouvait être sûr de rien. J'attendis un peu, avant de marcher vers New Cross Gate et prendre un train. L'air était sec et froid et, même s'il ne neigeait pas, chacun était capable de remarquer les petits nuages de fumée blanche qui sortait de la bouche de tous, à chaque respiration.

Je portais un bonnet de laine noir pour plus ou moins cacher ma chevelure à nouveau blonde et me dirigeai avec hâte vers la gare pour prendre le métro. Le timing devait être parfait, si nous voulions que le plan fonctionne. Je ne pouvais donc pas rater cette rame.

Je sais très bien ce que la plupart d'entre vous allez dire : « Vraiment ? Le métro ? L'endroit à Londres qui réunit chaque jour des milliers de personnes, encadré par des centaines de caméras de surveillance. C'est ça ton plan ? » Alors, premièrement, vous n'avez pas à vous inquiéter, je n'étais pas stupide à ce point. J'étais parfaitement consciente du fait que le programme de recognition faciale pouvait potentiellement me repérer et donc prévenir les autorités et me faire arrêter. Mais cette probabilité était plutôt faible lors des heures de pointe, et de plus, se cacher n'était pas vraiment le plan. Je pouvais être arrêtée à n'importe quel moment, ça n'avait pas d'importance : dans tous les cas, cela créerait la diversion dont Papy David et Mamie Marge avaient besoin pour faire sortir Jimmy de la ville.

Je me tenais donc debout, dans l'une des rames de la Jubilee Line, en direction de Westminster Station. Je m'accrochais à la poignée, comme le reste des passagers, en gardant la tête suffisamment baissée et évitant le regard de n'importe qui autour de moi. Je me trouvais parfois à quelques centimètres d'autres personnes, ce qui me donnait facilement la chair de poule. Pas parce que j'avais peur d'être repérée, mais parce que chaque contact me faisait ressentir la surface glacée de mon pistolet que je cachais dans le bas de ma veste, contre la partie haute de mon jean. Je respirais tranquillement et tentais de me relaxer, même si c'était tout sauf facile. Je me convainquais que tout allait bien se passer pour Papy, Mamie et Jimmy, car je savais parfaitement que ça ne pourrait pas être le cas pour moi.

Lorsque je sortis de la station de métro, je montai les escaliers et rejoins le flux de personnes se dirigeant vers la Place du Parlement. Les rues étaient bruyantes et bien plus qu'encombrées, mais lorsque l'horloge de Big Ben sonna 9h, tout le monde s'arrêta subitement de marcher et se retourna de façon quasi-robotique vers une carré vide qui avait été formé juste en face du Palais de Westminster.

Je ne savais pas exactement à quoi m'attendre – surtout avec ce silence de mort qui régnait partout avec gravité – mais lorsqu'une dizaine de Faucons Noirs arriva, escortant un trio de trois jeunes portant des combinaisons de prisonniers rouges à manches courtes, je compris ce qui était en train de se passer : c'était une exécution ! Les condamnés étaient donc trois, à peu près du même âge que moi. Le premier était un garçon, petit et terriblement maigre avec des cheveux noirs geais, alors que l'autre était d'origine asiatique, très grand avec des cheveux teints en blanc. Le dernier prisonnier était une fille à la chevelure rousse flamboyante et au visage orné d'un œil au beurre noir qu'elle avait probablement reçu au cours de son arrestation.

Je tentais de me rapprocher autant que je pouvais de cet espace vide en me faufilant entre la foule, et une fois que j'eus atteint le meilleur endroit possible, je sortis avec précaution mon téléphone et appelai mes grands-parents :

Vert, comme un uniforme militaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant