[Amour Sucré] À toute vitesse

LA NORMALITÉ

"La nature hait la normalité."
Chris Carter.

Je n'en reviens toujours pas qu'il soit là. Il a tellement changé ! Il a grandi, il a pris des muscles et il a remplacé ses lunettes par des lentilles. Je découvre ses beaux yeux verts pour la première fois.
- Je sais qu'on a énormément de choses à se raconter, Kentin, mais d'abord je voudrais aller au tribunal.
- Betty-Lynn ! Me réprimande ma mère.
Je la regarde, des larmes dans les yeux.
- J'ai besoin de le voir, Maman. Après ça, je te promet que je l'oublierai...

Elle secoue la tête mais me tend ses clés de voiture malgré tout. Je l'embrasse sur la joue avant d'attraper le bras de mon meilleur ami pour l'entraîner dehors.
Nous arrivons devant le tribunal juste à temps car je vois mon père sortir dans sa tenue de juge, suivi de Castiel et de plusieurs policiers. Je cours jusqu'à eux comme si ma vie en dépendait.
- Castiel !
Il lève les yeux vers moi, puis affiche un air interrogateur sur son visage. Des policiers se mettent entre Castiel et moi tandis que mon père m'attrape brusquement par le bras.
- Ça suffit, Betty-Lynn ! Me dit-il sévèrement.
- Je t'en prie, Papa... Pleurais-je. Je veux juste lui dire au revoir.
Mon père soupire et cède à ma requête. Il fait signe aux policiers de s'écarter.
- B... Soupire Castiel.
- Prend moi dans tes bras. Lui ordonnais-je.
Il lève ses bras et passe ses poignets menottés derrière ma tête. Je me blottie contre lui en pleurant.
- Combien de temps ? Chuchotais-je.
- Dix-huit mois...
Sa voix est enrouée, je le sens à deux doigts de pleurer. Sa réponse me glace le sang et je m'agrippe à son t-shirt de toutes mes forces.
- Je t'attendrai...
- Non. Dit-il fermement en retirant ses bras.
Je me recule pour observer son visage. Une larme roule sur sa joue.
- Écoute moi bien, bébé, je ne veux pas que tu m'attendes, je ne veux pas que tu viennes me voir.
Il se pince les lèvres avant de poursuivre.
- Tu vas réussir ton BAC, aller à la FAC et rencontrer un mec bien...
- Je croyais que tu m'aimais...
- Bien sûr que je t'aime, bébé... Mais mon mode de vie n'est pas pour toi.
Il se penche pour déposer un léger baiser sur mes lèvres.
- Bon, ça suffit. Intervient mon père.
Deux policiers attrapent Castiel par les bras pour le faire reculer. Ce dernier aperçoit Kentin qui est resté à l'écart.
- Prend soin d'elle ! Lui dit-il tandis que les policiers l'emmène vers une fourgonnette.

Je le vois monter à l'intérieur, puis je fixe la voiture s'éloigner et je la vois disparaître au coin de la rue. Mon meilleur ami arrive à côté de moi et passe un bras réconfortant autour de mes épaules. Mon père me lance un regard plein de colère.
- Je ne veux plus jamais entendre parler de ce garçon. Tu m'entends Betty-Lynn ? Plus jamais.
Je voudrais lui répondre que je l'attendrai malgré tout, que je fais ce que je veux de ma vie et qu'à cet instant précis je le déteste. Mais je ne suis pas une vraie rebelle, alors je me contente de hocher la tête et de suivre mon ami jusqu'à la voiture.

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Aujourd'hui, cela fait 18 mois que Castiel a été jugé. Il sort de prison ce matin et je ne serai pas là pour l'accueillir. Je ne l'attendrai pas sur le parking de la prison, je ne verrai pas la grande s'ouvrir pour le libérer. Je ne courrai pas pour le rejoindre, je ne lui sauterai pas dans les bras et il ne me fera pas tourner dans les airs comme dans les films.

Non, car aujourd'hui je suis à Harvard dans le Massachusetts. Après le procès de Castiel, j'ai réussi mon BAC et je suis entrée à la FAC. J'habite dans un appartement avec Kentin et c'est un réel bonheur, il est comme mon frère.
Je me suis fait de nouveaux amis : Matt et Carrie. Le premier est dans le même cours de journalisme que moi. Carrie est barmaid dans une boîte de nuit où nous allons régulièrement.

J'appelle souvent Nina et Maman et j'essaie d'aller les voir de temps en temps. Ma relation avec Papa est devenue très tendue et il nous est difficile d'être dans la même pièce plus d'une heure sans nous disputer pour diverses raisons. J'ai aussi repris contact avec Violette, mais nos échanges de SMS restent rares. J'avais essayé de renouer avec Melody, mais elle n'a jamais voulu sans que je ne sache réellement pourquoi.

Aujourd'hui est un jour stressant car je dois passer un examen très important pour mes études, mais à chaque fois que j'essaie de me concentrer, mes pensées divaguent vers Castiel. J'imagine ses yeux gris se poser sur moi. J'aimerai tant le revoir, le serrer dans mes bras et lui dire qu'après tout ce temps, je l'aime encore.
- B, il faut te dépêcher, on va être en retard ! Me sermonne Matt de l'autre côté de la porte de ma chambre.
- Une minute, j'arrive !
J'attrape mon sac et y fourre mes feuilles de notes. J'ouvre la porte et je tombe nez à nez avec Matt. Il n'est pas très grand, juste trois ou quatre centimètres de plus que moi, il a de petits yeux marrons et les cheveux blonds coupés à ras. Il n'est pas vraiment beau, mais plus je le connais, plus je lui trouve du charme.
- Allez, grouille ! S'impatiente-t-il.
- Détend toi, Matt... Dis-je en roulant des yeux. Inutile de vivre à toute vitesse.
- Excuse-moi, B, mais un jour quelqu'un a inventé le temps et a décidé que si on était pas à la FAC à 9h pour passer notre examen, eh bien on l'aurait dans le c...
- Tu te rends compte qu'à force de parler, c'est toi qui nous met en retard ?
Il rit et nous faisons une course dans les escaliers pour arriver en premier sur le parking.
- J'ai gagné ! Fanfaronnais-je.
- Je te battrai un jour !
Je lui tend un casque et j'enfile le mien avant d'enfourcher ma moto. Il grimpe derrière moi et s'agrippe autour de moi. Je frissonne à son contact et mes pensées se dirigent vers Castiel. Il serait surpris de me voir conduire ma propre moto. J'aime la sensation que me procure la conduite de cet engin : je me sens puissante, invincible même.

Nous arrivons pile à l'heure devant l'amphithéâtre, mais au moment de rentrer pour passer mon examen, je sens mon téléphone vibrer dans la poche arrière de mon jean.
- Tu viens ? Me dit Matt en me voyant avec mon portable dans la main.
- J'en ai pour une minute... Dis-je en m'éloignant.

Je décroche fébrilement.
- Castiel ?
- Salut, bébé...
Sa voix me transporte dans un tourbillon d'émotions.
- Castiel... Répétais-je.
- Je... J'avais juste besoin d'entendre ta voix. Me dit-il de sa voix grave et douce à la fois. Comment tu vas ?
- Je vais bien. Tu sais, je suis à Harvard, je fais des études de journaliste. D'ailleurs aujourd'hui je passe un examen impo... Merde!
- Quoi ?
- Je devrais être entrain de le passer en ce moment même.
Je l'entend rire.
- Je te rappelle plus tard, B.

Il raccroche avant même que je ne puisse répondre quoique ce soit et je cours jusqu'à l'amphithéâtre en priant pour qu'il ne soit pas trop tard. Je soupire quand je rentre car les étudiants sont encore entrain de s'installer. Je me faufile entre deux personnes pour passer inaperçue. Le professeur nous indique que nous pouvons commencer et je retourne ma fiche. J'ai devant les yeux un exemple d'interview, je dois réécrire les questions et imaginer les réponses qui en découleraient. Je suis à l'aise dans ce genre d'exercices, mais l'appel de Castiel m'a troublé et je ne pense qu'à lui. Je veux le retrouver. J'ai besoin de le retrouver.

C'est comme ça qu'au beau milieu de l'examen, je quitte l'amphithéâtre sous les yeux ébahis des autres étudiants et que je pars rejoindre Sweet Amoris.