Confinement torride - Publié aux éditions SHARON KENA (21.02.2023)

4 - Un train à prendre

     Nathan

     Je range la cuisine, mets les œufs et le bacon frit dans une boite hermétique que je place au réfrigérateur puis remplis le lave-vaisselle et nettoie le plan de travail. J'aime que tout soit ordonné. M'occuper l'esprit en effectuant ces tâches ménagères me permet, en temps normal, de me concentrer, de réfléchir, de prévoir et  d'organiser mes activités. Mais là, je sens que la situation n'a rien de normale depuis mon réveil, depuis même ce rencart. En fait, nos nombreux échanges virtuels avec elle ne m'avaient pas préparé à cette rencontre. Et j'ai l'étrange sentiment que j'aurais dû me limiter aux écrans.

     Nina est différente de s filles que je fréquente. Elle est naturellement belle, intelligente, spontanée et drôle aussi. Je frémis en repensant à ce baiser échangé dans ma cuisine quelques minutes auparavant. La nuit a été parfaite, mais ce baiser c'était « plus » encore.

     Je n'arrive pas à trouver les mots exactes pour décrire ce que j'ai ressenti. Elle avait l'air tellement perdue qu'un instinct de mâle protecteur m'a poussé à l'enlacer et à l'embrasser. Heureusement que j'ai su garder un certain self contrôle. J'étais prêt à retourner l'installer dans mon lit pour lui faire l'amour pendant des heures. Ou la prendre n'importe où, d'ailleurs.

     Bon, mec, ressaisis-toi ! 

     J'ai ma vie, elle a la sienne et je tiens trop à ma liberté pour me mettre avec une nana. D'accord, Paris/Bordeaux se fait en deux heures et demi...et alors ? – pffff, une nuit avec Nina et elle me perturbe déjà la tête ! Vivement qu'elle parte.  De toute manière, elle n'a pas sa place ici. L'existence que je mène annihile tout espoir de vie « normale » qu'elle serait en droit d'espérer. On continuera à tchatter et se voir de temps en temps, voilà tout ce que je peux lui offrir.

     En parlant de vie, ça me rappelle que l'équipe est convoquée dans les vestiaires du stade Jean Martin pour le débriefing qui doit se tenir à seize heures. Hugo, notre entraîneur, va nous passer un de ces savon pour cette dernière place au classement. Et il aura bien raison ! Putain mais comment on en est arrivés à ce résultat merdique, et surtout, comment remonter la pente ? M'est d'avis que son temps est compté et qu'un nouvel entraîneur va bientôt le remplacer. Je ne supporte pas l'échec. La défaite est, bien sûr, envisageable, et uniquement acceptable si chaque joueur se donne à deux cents pour cent et, là, c'est loin d'être le cas. Je pense d'emblée au duo infernal formé par Vince et Arthur. Ils ont beau friser les vingt-ans, je les juge totalement immatures et je parie qu'à la prochaine sortie un peu arrosée, je ne pourrai pas m'empêcher de leur rentrer dans le lard à ces deux imbéciles. Je les revois lors de la soirée à l'Alcatraz, la dernière boîte à la mode. Leur comportement était lamentable, à se demander s'ils n'allaient pas culbuter cette pauvre fille sur la banquette du night club. Rien que d'y repenser, de la bile remonte mon œsophage, en me laissant un goût acide dans la gorge.

     Nina

     Arrivée en haut des marches, sac marin porté sur l'épaule, sac à main coincé sous mon bras, je découvre Nathan, les poings crispés, le regard mauvais. J'hésite à descendre. Là, franchement, il m'inquiète un peu . Pourtant, il reste toujours excitant malgré cette colère qui marbre son visage. Je ne sais pas ce qu'il a et j'espère que ce n'est pas à cause de moi. 

     — Tout va bien ? Un problème pour m'emmener à la gare ?

     Lorsque je lui pose la question, j'ai droit à une réponse cinglante qui me fait l'effet d'un seau d'eau glacée reçu en plein visage.

     — Tout ne tourne pas autour de toi, Princesse !

     Super ! Monsieur possède un petit côté connard !

Je ne pipe pas mots même si je suis vexée comme un pou. Non mais, pour qui il se prend, lui ?! Heureusement que je suis sur le départ, car j'ai une furieuse envie de le gifler.

     — Bon, OK ! Sinon, on peut y aller, j'ai un train à prendre que j'aimerais ne pas rater !