Accoudée au balcon avec vue sur la piscine de l'hôtel, j'inspire calmement. Je suis réveillée depuis une heure déjà, il m'a été pratiquement impossible de dormir d'ailleurs après toute cette histoire. Le choc est passé mais la douleur non ; la trahison de Victoria me fait encore plus mal que celle de mon soi-disant psychiatre. J'aurais m'en douter, j'aurais dû me douter que ça allait tourner au vinaigre au bout d'un moment... C'était trop beau pour être vrai. J'avais trouvé en elle une alliée, quelque part une confidente, quelqu'un qui semblait avoir sensiblement la même histoire que moi, quelqu'un qui me comprenait au milieu de ce tourbillon de violence. Les deux seules personnes en qui j'avais confiance, à qui je m'étais confiée, moi et mes faiblesses, m'ont trahie. C'est la seule pensée qui tourbillonne dans mon esprit. A sept heures, je décide de descendre en bas pour prendre mon petit-déjeuner, et la salle est vide alors je m'installe et profite du calme sachant très bien que tout ça ne va pas durer. La journée la plus importante de ma vie est en train d'arriver ; je l'attends depuis six ans, et six ans, c'est l'éternité quand on en a vingt-deux. Après avoir avalé mon café et un pain au chocolat, je remonte dans ma chambre. Je fais ma valise en silence, ramassant tous mes vêtements et toutes mes affaires une à une comme si je ramassais des bouts de mon être.
La première tenue que j'ai mise quand je suis arrivée au domaine. La première robe tâchée d'une souvenir trop violent. Le sac que je portais à la soirée d'au revoir à Oxan, sans parler du pantalon que j'avais quand Di Casiraghi m'a pendue par les pieds avec des chaînes. Ma palette de maquillage qui a trop souvent servi à camoufler un teint blafard et des bleus. Ignorant une vague de souvenirs qui remontent, je boucle enfin ma valise mais la laisse ouverte car je sais que je vais sûrement en avoir besoin ce soir et demain matin avant de partir... Partir, oui, définitivement. Revenir, en quelque sorte. J'espère que je serais une femme nouvelle quand je monterais dans cet avion retour vers Londres et je sais que ces heures sont proches donc il faut que je m'accroche. Ne prenant que mon téléphone et la carte de la chambre que je glisse dans la poche de ma veste, je claque la porte et redescend pour me diriger vers le parking, monter dans la BMW et démarrer. C'est en silence que j'effectue le chemin jusqu'au domaine, et surtout, un peu plus lentement : je prend le temps d'observer la courbure de la route que je connais bien, les champs qui bordent la nationale, puis la forêt lorsqu'on arrive sur la route de campagne, et enfin, quelques minutes plus tard, le grand portail noir. Il s'ouvre comme d'habitude, je vais me garer puis descend de la voiture pour me diriger vers la maison.
- Violence ! s'écrie Alberta qui se rue sur moi.
Je la prend dans mes bras sans hésiter cette-fois. Voilà bien la seule personne ici qui ne m'a jamais fait de tort, mais peut-être devais-je aussi m'en méfier... Elle me donne un verre d'eau pour me rafraîchir, voyant mon trouble, puis après quelques minutes de discussion je m'excuse car il est temps d'y aller. Lentement, je gravis les marches même si je suis un peu en avance, jusqu'au deuxième étage. On me laisse passer, et machinalement je vais frapper à la porte. Un " entrez " se fait entendre donc je m'exécute et rentre à l'intérieur du bureau, tendue.
- Bonjour.
- Bonjour, répond t-il calmement.
Il m'invite à m'asseoir en face de lui, devant son bureau, et je m'exécute sans décrocher un autre mot. Les évènements de la veille rendent le moment aussi inconfortable que teinté d'une certaine colère froide, qui sommeille mais qui est toujours là. Di Casiraghi porte un costume bleu foncé, une chemise blanche impeccable et une cravate rouge sang, ce qui m'interpelle sans que je sache trop pourquoi.
- Je ne vous ai jamais vu porter cette couleur, je dis finalement.
L'homme devant moi relève les yeux de ses papiers.
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ULTRAVIOLENCE
RomanceViolence vit recluse à Carthage depuis trois ans, préparant le jour où elle ira à Palerme pour chercher des explications. Et ce jour est enfin venu. Thaddeus n'est pas le genre d'homme qui transpire la sécurité, la bienveillance ou l'amour. Plutôt...