La pluie tambourinait à la fenêtre de la chambre. C'était un orage d'une rare violence. Le vent sifflait à travers la fenêtre, et faisait danser les feuilles des arbres, qui produisaient des ombres inquiétantes dans la chambre de Carolyn. Celle-ci s'était recroquevillée sous sa couverture, elle avait une peur bleue de l'orage. Mais elle ne se doutait pas que l'orage deviendrait, dans quelques minutes, le moindre de ses soucis.
Il était minuit passé de vingt-sept minutes, tout le monde dormait chez les Clarckson. Ils vivaient dans un petit village tranquille dans les environs de Londres, un petit village à la campagne, un petit village sans histoires. Les Clarckson étaient une famille on ne peut plus ordinaire.
Mme Clarckson tenait un magasin de chaussures dans une petite ville non loin de chez eux. Mr Clarckson, lui était comptable. Ils étaient tous deux mariés depuis plus de dix-sept ans. De cette union était née Carolyn, fille unique d'aujourd'hui quinze ans. Elle débutait sa première année au lycée et ses parents étaient très fiers d'elle. Bref, une vie normale, confortable et sans histoires.
Et pourtant. Minuit vingt-neuf, on tambourinait à la porte. Un bruit sourd et de plus en plus fort. Carolyn vit une lumière s'allumer sous la porte de sa chambre, puis entendit des pas pressés dans le couloir. Les tambourinement continuaient de s'amplifier, sa mère ouvrit la porte de la chambre.
-Maman, qu'est-ce qui...commença-t-elle.
-Tout va bien ma chérie, l'interrompit sa mère, cela doit-être le vent.
-Le vent ? Qui cogne à la porte ? Demanda-t-elle peu convaincue.
Sa mère parut hésitante, elle avait les traits tirés et avait enfilé un peignoir de toute urgence.
-Ne t'en fait pas, tout va bien, répéta-t-elle, mais au même moment, Mr Clarckson passa derrière sa femme, un fusil de chasse à la main. Il s'arrêta, toisa celle-ci, et lui murmura à l'oreille « Sauve-toi, je t'aime ». Mme Clarckson parut interloquée.
-Chéri, qu'est-ce...commença-t-elle, mais son mari descendait déjà les escaliers.
-Maman ? Demanda Carolyn anxieuse.
-Viens, dit sa mère en la prenant par le bras.
Les tambourinements s'intensifiaient et une voix se fit entendre, un homme hurlait pour couvrir le bruit du vent « Clarckson ! Ouvre, espèce de gros sac à graisse ! ».Mme Clarckson ferma la porte à clef, ouvrit la fenêtre et poussa Carolyn en avant. La pluie tombait à verse, le vent faisait bouger les feuilles de l'arbre en face de la fenêtre.
-Maman, qu'est-ce que tu..commença Carolyn.
Sa mère l'agrippa par les épaules et la regarda droit dans les yeux.
-Carolyn, à partir de maintenant, écoutes moi bien, je veux que tu sautes sur l'arbre en face, ensuite, trouve un moyen d'en descendre. Une fois en bas, cours le plus vite possible, va à Londres, dans un café appelé le Alice Lounge Bar. Si tout se passe bien, je t'y retrouverais dans deux jours.
-Mais...
-Enfile tes bottes, vite !
Carolyn s'exécuta. Un coup de feu se fit entendre puis « Adieu, gros sac ! ». L'homme rit aux éclats. Mme Clarckson ferma les yeux et une larme perla sur sa joue. Carolyn était effarée. L'homme du bas dit « Et les gars, si on allait dire bonjour à sa petite famille là-haut ». Elle posa sur sa mère un regard suppliant :
-Maman, gémit-elle.
Celle-ci se ressaisit, elle fouilla hâtivement dans la table de chevet de sa fille et actionna le double fond, dans celui-ci se trouvait vingt livres sterling et un pistolet automatique.
-Tiens, prends ça,dit-elle il est chargé, et maintenant, va.
-Mais...
-Va !
Carolyn embrassa sa mère, courut, et sauta par la fenêtre. Au même moment, trois hommes cagoulés défoncèrent la porte de la chambre. Le premier pointa son pistolet sur Mme Clarckson et tira de sang-froid. Carolyn avait vu toute la scène depuis l'arbre, elle retint un sanglot. « C'est la gamine ! Chopez-là » cria l'homme. Ses acolytes avancèrent vers elle, mais elle pointa le pistolet sur l'un deux. L'homme hésita, mais le chef prit la parole :
-Oh, mon dieu ! S'exclama-t-il, faussement effrayé, un flingue, comme j'ai peur.
-N'avancez pas, où je tire, dit Carolyn, hésitante.
Le chef s'esclaffa.
-Ah ah ah, une gamine de quinze ans face à nous, pff, en tout cas tu m'as bien fait rire. Butez-là, qu'on en finisse.
-Je sais pas patron, dit le premier, c'est qu'une gamine.
-Et alors, ça te pose un problème ? Bute-là, où c'est moi qui le fait, et après ce sera ton tour.
-Mais..
-FAIS-LE !
L'homme s'exécuta et pointa son arme sur...rien, Carolyn n'était plus là, elle avait profité de ce manque d'inattention pour sauter de l'arbre et courir.
-Bordel ! Elle se barre ! Chopez-là ! Hurla le chef.
Carolyn entendit les hommes sauter par la fenêtre, se relever et lui courir derrière mais elle ne se retourna pas. Elle courrait, elle ne pouvait pas s'arrêter, car si elle s'arrêtait, ils la tueraient, elle était devenue une fugitive.