56 ~ Reprendre les bases

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J'ouvre brusquement les yeux lorsque de lourds bruits de pas parviennent à mes oreilles. De lourds coups résonnent contre ma porte mais j'enfonce ma tête dans l'oreiller et ne réponds pas. De toute évidence, il ne s'agit pas du caporal Livaï puisque ce dernier est beaucoup plus léger et fin dans ses déplacements, alors je ne risque rien en restant au lit et en ignorant le nouveau venu. J'entends des protestations derrière la porte, sans parvenir à discerner ce que dit la personne, suivies de nouveaux coups brusques.

Je pousse un faible grognement en m'enfonçant plus profondément dans mon oreiller. L'espace d'un instant, l'idée de quitter cette forteresse de chaleur que forme ma couette et d'aller ouvrir la porte effleure mon esprit, puis je me rappelle que je suis si bien emmitouflée dans mes couvertures, alors je reste allongée et ignore tout bonnement le vacarme dans le couloir.

Finalement, le nouveau venu perd patience et ouvre brutalement la porte de ma chambre. Bon Dieu mais il ne peut pas faire attention ? Il y a des gens qui essaient de dormir ici ! Je bougonne et crispe mes mains sur mon oreiller, bien déterminée à rester au lit. Ça fait des jours que le caporal casse-pied vient me réveiller aux aurores pour que je m'entraine, et je dois dire qu'un petite grasse matinée de temps en temps ne me déplait pas.

– Bouge ton cul l'handicapée, tu dois aller t'entrainer.

Je me crispe en reconnaissant la voix de Jean et sors un bras de ma couette pour le saluer chaleureusement à l'aide de mon majeur. Je l'entends soupirer bruyamment et esquisse un sourire carnassier.

– Je suis sérieux, Rose, souffle-t-il, c'est un ordre du caporal. Ne m'oblige pas à te tirer de là de force.

– Essaie seulement pour voir, grogné-je.

Je m'attends à ce qu'il tente de me tirer de force de mon lit et m'agrippe donc discrètement aux barreaux en bois de ma tête de lit pour qu'il ne puisse pas m'en déloger. Seulement Jean ne fait rien de tout ça et, au lieu de m'attraper pour m'extirper de force de ma couchette, il se contente de pousser un long soupir avant de quitter la pièce. Bon, c'était plus facile que prévu.

J'esquisse un petit sourire victorieux et m'emmitoufle un peu plus dans mon lit, ravie de cette grasse matinée durement acquise. Je suis sur le point de me rendormir lorsque la porte de ma chambre s'ouvre à nouveau en trombe. Je n'ai pas le temps de réagir que je reçois un seau d'eau glacée sur la tête. Je me redresse brusquement et fusille Jean de mon regard le plus noir. Ce dernier affiche un sourire moqueur, et je remarque qu'il tient un seau vide entre les mains.

– Alors ça tu vas me le payer, grincé-je.

– C'est ça, pouffe-t-il, allez active-toi, t'as déjà assez de retard comme ça.

Furieuse, j'attrape mon coussin et lui lance en pleine figure. Il l'esquive sans difficulté d'un pas sur le côté et explose de rire.

– Casse-toi de ma chambre sale petit cloporte ! explosé-je.

Le rire de phacochère de Jean redouble d'intensité tandis qu'il me tourne le dos et repart dans le couloir tout en prenant grand soin de refermer la porte derrière lui. Je pousse un long soupir avant de me résigner à me lever, je ne peux de toute manière plus dormir à cause de mon lit trempé. Comme tous les matins, je peine à m'habiller à cause de ma jambe manquante et enfile ensuite ma prothèse en grimaçant lorsque les anneaux métalliques se referment autour de ma jambe. Ces anneaux sont trop serrés, mais il faut bien ça pour que la prothèse tienne en place et ne se fasse pas la malle.

– T'as fini la demeurée ? s'impatiente Jean de l'autre côté de la porte.

A deux pas de la porte, je tire brusquement sur la poignée et observe Jean, auparavant appuyé contre ma porte, s'étaler sur le sol comme l'idiot fini qu'il est. En temps normal, j'aurais explosé de rire, mais après son sale coup avec le seau d'eau, je suis remontée comme un coucou suisse.

A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022Où les histoires vivent. Découvrez maintenant