Mélissandre

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On l'appelait Mélie dans l'entourage proche qu'elle avait. Elle possédait un adorable visage rondelet couvert de petites tâches de rousseur et des yeux d'un bleu translucide et lumineux. C'était une jeune fille bavarde et gaie, pleine de vie, très sociable et naturellement avenante. Elle convenait à tous, ou aurait dû convenir.

Parce que le petit défaut de cette description, n'employons pas d'euphémisme, parfaite, était que Mélissandre ne correspondait en rien aux stéréotypes physiques féminins.

Mélie était en surpoids, et cela dérangeait bien du monde. On aurait pu croire que les discriminations liées à l'obésité étaient exagérées, qu'il y avait plus grave, mais ils se trompaient tous : la « grossophobie » que subissait l'adolescente était d'une violence absurde. Insultes, rejets, utilisation, violences physiques. Cela n'affectait pas vraiment son indéniable positivité, et elle était restée la jeune fille rondelette et potelée que la gentillesse bénissait.

Seulement, elle était perplexe face à cette discrimination dont elle devenait petit à petit la victime. Est-ce son apparence changeait vraiment la lumière ancrée en elle que l'on appelait l'âme ? Les bourrelets, le double menton, tout cela avait-il une influence sur ce qu'elle devait devenir ? Pour Mélie, rien de cela n'avait un sens, et c'était bien la raison de son indifférence par rapport aux remarques de ses camarades de classe - qui, eux, adhéraient à ce type de jugement.

Mais l'indifférence ne peut pas s'éterniser. Il arrive un moment où l'on ne peut s'empêcher de taire son envie de connaître cette chose, que l'on s'applique à repousser, mais dont on ne connaît pas réellement le vrai contenu. Mélissandre but ces paroles, lentement, et à mesure que ce tissu mensonger se faisait ingérer, il procura à Mélie ses premières insécurités et la poussa à se voir différemment.

Puis, chaque jour, passant devant le miroir, le regard de l'adolescente sur son corps changea. Elle trouva ses bourrelets disgracieux, son double menton repoussant, ses cuisses affligeantes. De l'acné à peine visible sur son visage la répugnait à présent. Elle avait perdu de son sourire, de son goût à la vie, elle ne sentait plus cette étincelle frémir en elle comme si cette dernière s'était faite souffler. Toutes ses valeurs et ses qualités semblaient s'effacer et des feuilles rugueuses l'enveloppaient dans un cocon de tristesse au fur et à mesure des heures, des jours, des semaines.

Elle tenta d'en parler avec ses proches, mais beaucoup ne faisaient que parler. Ils n'agissaient pas. Ils s'en moquaient ou ne le prenaient pas au sérieux. Parce que, pour la famille de Mélie, cette petite était inébranlable. Le feu qui résidait en elle ne pouvait périr.

Ce dégoût de soi se transforma en tristesse, puis en colère, puis en douleur, et enfin en torture. Chaque jour, chaque nuit, elle versait quelques larmes silencieuses et ses efforts pour perdre du poids n'étaient visiblement pas suffisants. Elle développa petit à petit une répugnance à l'égard de la nourriture et une boulimie aiguë. Tout cela, par la faute de quelques âmes complexées et hautaines qui croient que le projecteur n'illumine que les êtres du mal.

Mélissandre, tous étaient tristes de l'admettre, avait changé et ne serait plus jamais la même. On ne sait pas si la jeune enfant arriva finalement à surmonter cette épreuve, ni ce qu'elle était devenue, à l'heure où les mots se couchent dans ce recueil. Mais une chose est sure : quelque part au fond d'elle, une clarté que l'on croyait éternelle est devenue une ombre.

 Mais une chose est sure : quelque part au fond d'elle, une clarté que l'on croyait éternelle est devenue une ombre

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dis-moi ton nom.                  ꙳⋆༄ 𝐓𝐄𝐗𝐓𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant