Il était valet de chambre dans un grand palace. Chargé de faire le tri entre les bons et les mauvais rêves laissés par les clients dans les chambres, cet homme connaissait tous les recoins de l'hôtel : après tout, cela faisait au moins trente ans qu'il travaillait ici .
C'était un Lundi, où le grand ciel bleu ne laissait rien présager de mauvais. Le valet sifflotait en nouant sa cravate : il avait de quoi être heureux, il avait sans aucun doute le meilleur métier dans le domaine de l'hôtellerie.Il avait un don, incontestablement, un don qu'il avait découvert il y a longtemps de cela. Il pouvait, en quelques sortes, communiquer avec les rêves. Il pouvait les prendre, les jeter, les voir… Et c'est ainsi que le métier de trieur de rêves dans un grand palace devint le sien.
Il ne remarqua pas la petite fille qui se faufila entre les gens pour aller dans le couloir des chambres vides.
À dix heures précise il alla dans la première chambre du couloir, à droite. Comme d'habitude, les volets étaient fermés et il fallait que ça soit tout le temps ainsi. Bien entendu, il trouva quelques rêves : une maman serrant sa fille dans ses bras, une enfant rigolant sur une balançoire… Il n'y avait qu'un seul cauchemar. On y voyait un homme qui levait la main sur une femme, la même que dans les rêves… Le valet le prit, le mit dans sa sacoche et commença à trier les rêves. La prochaine cliente était une jeune femme célibataire et sans enfants… Il enleva donc toutes les pensées qui montrait une vie de couple, ou celles où il y avait un enfant…
À la fin, il ne restait que deux rêves. Le premier racontait une fête, le second un long souvenir du collège.
Le valet sortit de la chambre, souriant. "Bon travail", dit-il à lui même. Il fit quelques autres chambres, certaines hantées par les cauchemars, d'autres embellies par les rêves. À midi, il ne lui restait qu'une seule chambre à faire. L'homme décida d'aller manger, les clients arrivait vers 16 heures, il aurait largement le temps après le repas. Le valet posa sa sacoche dans la dernière chambre et partit dehors à la recherche d'un restaurant…
Le déjeuner fut bon, et c'est l'estomac bien rempli que l'homme revint au grand palace.
Il se dirigea vers la dernière chambre et il remarqua tout de suite que quelque chose n'allait pas : c'était comme les rêves, il pouvait le ressentir… Il courut vers la pièce et vit que la porte était entrouverte, alors qu'il était sûr de l'avoir fermée…
Le valet rentra dans la salle et découvrit avec stupeur une petite fille qui fouillait dans sa sacoche. Habituellement, personne ne pouvait ni voir, ni toucher les rêves mis à part lui. Mais là, la petite fille les prenait et les lançait dans la pièce : ils explosaient contre les murs en embaumant la pièce de leur contenu.
L'homme savait que casser des rêves était dangereux, de même pour les cauchemars. Même si ces pensées avaient été abandonnées par leur créateur, celui-ci les gardait toujours comme des souvenirs, ou des évènements à accomplir. Briser les rêves reviendrait à laver le cerveau de quelqu'un sur le passé, et à gâcher son futur…
Le valet prit la sacoche des mains de la fille et l'emmena avec lui dans une grande salle toujours fermée à clé. La petite fille suivit l'homme qui ouvrit la porte : derrière trônait un paysage merveilleux, une fresque mouvante qui racontait une jolie histoire, avec ses mauvais passages… L'homme y entra, suivit par la fille.
"Whaou! s'exclama la fille. C'est fantastique…"
L'homme sourit, même pas surpris par la présence de l'enfant. Il se reconnaissait en elle, fougueuse, curieuse, rêveuse… Cette salle contenait les rêves de tout les gens de l'hôtel, ainsi que tout les clients. Il y avait aussi des rêves collectés par le valet au fil des années… Dans cette pièce, les pensées d'environ trois milliards de personnes se bousculaient. Trois milliards peut paraître énorme, mais quelquefois le rêve de cent, voir mille personnes résidait en une seul.La magie des rêves était merveilleuse, et bien-sûr dangereuse. Il ne fallait jamais mettre un rêve d'une autre personne dans sa tête ou la tête de quelqu'un d'autre. Il ne fallait pas non plus briser les rêves, qui craignaient aussi bien les solides que la lumière, qui les brûlait.
Qui eu cru que dans le monde des Ombres se cachaient de telles merveilles, des merveilles inaccessible au monde de la Lumière…
L'homme déposa les rêves qu'il restait dans sa sacoche puis ouvrit la porte. Il fallait la refermer assez vite, mais là petite fille restait dans la salle :
"Viens! chuchota le valet à l'adresse de l'enfant."Mais elle ne bougea pas. Il laissa tomber sa sacoche, entra dans la salle et donna un coup de pied dans la porte pour la fermer. Il prit la petite fille dans ses bras, et la laissa admirer la fresque pendant quelques minutes. Puis il se retourna. La porte était toujours ouverte. Le sac la bloquait. Le valet se précipita vers la porte, mais trop tard : les rêves commencèrent à brûler. Il ferma la porte dans l'espoir que tout se répare, mais là lumière du feu faisait fondre la fresque. En moins de dix minutes, trente ans de récolte venait de partir, et surtout, trois milliards de personnes étaient en train perdre espoir, d'oublier qui ils étaient...
La direction lui accordait toute sa confiance. Grâce à son savoir-faire, les stars de passage pouvaient dormir tranquilles.
Jusqu’au jour où il commit une regrettable erreur…