L'avantage d'être raccompagné par Antonio, songea Jim, c'était de ne pas avoir à stresser pour savoir s'il devait parler durant le trajet en voiture. Le silence avec lui n'était pas optionnel à moins d'avoir envie de parler tout seul. Ce matin-là, cette fonction naturelle convenait très bien à Jim. De toute façon, de quoi auraient-ils pu parler? Antonio et lui n'avaient aucun point commun, si on excluait l'escalade.
Oh, et peut-être ses choix musicaux, s'il se fiait à Vivaldi, qui inondait l'habitacle lorsque Jim ouvrit la portière. Mais si ça se trouvait, c'était Tobia qui avait magouillé avec la radio de son frère...
— Wait, tu écoutes du classique volontairement?
Sur le téléphone du conducteur, installé dans la console entre les deux sièges, il voyait nettement "Vivaldi, The Four Seasons" dérouler avec les autres détails, dont l'interprète. Antonio ne détourna pas même la tête.
— Tu veux critiquer mon habillement, aussi, tant que t'y es?
— Hell no, you look good (putain non, tu as l'air super).
L'aveu, imprévu, lui picota les joues, mais il était trop tard. Pour cacher son embarras et rattraper le coup, il monta dans la voiture en demandant :
— C'est Cassie qui a choisi tes vêtements? Ou t'as soudainement un sens du style hors pair?
La voiture regimba sous son poids quand il se laissa retomber sur le siège trop bas.
— Tobia et Luca ont fait une virée dans les magasins pour refaire leur garde-robe; ils en ont profité pour prendre des trucs à ma taille.
Jim ricana. Il aurait dû y penser.
— Je déteste magasiner, grogna l'homme.
Prévisible, ça aussi. Jim ne rit pas cette fois. Il l'aurait fait si Antonio avait affirmé le contraire. Ce dernier attendit à peine que Jim ait fermé la portière ou attaché sa ceinture. Il entama un reculons, un bras accroché à l'appui-tête du banc de Jim, ce qui rapprocha les deux hommes considérablement.
Il y eut un moment de flottement durant lequel Jim se sentit gêné de croiser le regard de cet homme qu'il avait embrassé la veille sans que ce soit lui. L'illusion était parfaite, même de près. Les mêmes cheveux chocolat savamment ébourriffés — quoique Jim eut du mal à imaginer Antonio un peigne ou une brosse à la main —, les mêmes iris onctueux et les mêmes lèvres boudeuses — littéralement, cela dit.
Ce n'était pas Tobia. Et heureusement.
"La chasse au rouquin ouvre demain, alors."
Antonio termina la manoeuvre en silence, inconscient du trouble de Jim. Savait-il, saurait-il, que Tobia et lui...? Cautionnait-il les actes de son frères? En était-il même au courant?
Vivaldi eut raison de ses forces, et, pendant un instant, et Jim ferma les yeux.
— Hey, le Saint-Bernard, on est arrivés.
Le rouquin sursauta sous une puissante bourrade. What the hell...?! Il referma la bouche et grogna en se frictionnant et en s'étirant le cou. Manifestement, il s'était endormi dans la voiture d'Antonio, qui l'observait avec l'ombre d'un sourire moqueur.
— Tu devrais aller baver sur tes oreillers au lieu d'aller bosser, il Rosso.
— Tu devrait te mêler de tes affaires, l'Italien, rétorqua Jim presque aussitôt.
C'était un automatisme, même si, en fait, le conseil de son interlocuteur cachait, sous la forme impertinente, un bon fond.
Antonio écarta les doigts du volant et du levier de vitesse en signe de reddition, et Jim s'empressa de passer une main sur son visage sous le prétexte de terminer de s'éveiller. En fait, il vérifiait s'il avait une coulisse de bave le long du menton. Ce serait la honte totale.
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Comme deux et deux font quatre
RomanceJim a porté son armure de connard arrogant assez longtemps pour être en mesure de l'enfiler au saut du lit avec l'aisance de l'habitué. À son retour d'Angleterre, il la pensait indispensable pour éviter à son coeur d'être anéanti par des crétins dan...