Chapitre 4

1 0 0
                                    

Andreas, pour la quatrième fois, se trémoussa sur son tabouret et osa lever les yeux vers la figure intimidante qu'était Ursa Ordenf. Cette dernière posa rageusement sa marmite sur le feu de la cheminée, le faisant sursauter.

« Si vous avez besoin d'aide..., commença-t-il à redire.

- Surtout pas, » cracha l'autre, et jeta la louche dans ce qui semblait être du potage, ignorant les éclaboussures qui allèrent s'écraser sur son tablier. Gêné, Andreas se mura de nouveau dans le silence, tordant ses mains, dans ce qui pouvait s'apparenter à une araignée aux longs membres. Un contorsionniste aurait applaudi la figure, à n'en point douter.

Elias Ordenf, le chef des mineurs, était parti régler quelques affaires chez ses amis, les laissant seuls chez lui. L'homme avait été jovial tout du long de leur courte conversation, montrant à Andreas la chambre où il allait loger. Ursa lui avait mis ses draps malgré ses faibles protestations, avec des gestes cliniques qui témoignaient d'une habitude apprise depuis longtemps. Lorsque son père était parti, elle s'était mise à faire le repas : une soupe somme toute basique, mais qui était bienvenue pour le pauvre Andreas, qui désespérait de pouvoir tremper ses lèvres dans un breuvage chaud.

Ursa finit par s'asseoir près du feu qui ronronnait dans la cheminée, les mains jointes sur ses cuisses cachées par une robe simple, mais qui apparaissait sur elle comme le plus beau des vêtements. Elle l'étudia sous toutes les coutures ; contrairement à tout à l'heure, où il avait dû défendre ses intentions de travailler dans la mine, Andreas évita là son regard, choisissant d'observer avec un intérêt nouveau les grosses pierres des murs. Un travail d'orfèvre, si vous vouliez son avis ; vraiment, personne n'aurait pu faire mieux que dans la demeure des Ordenf.

« Alors vous voulez devenir mineur, » lança Ursa de sa voix sèche.

Dame, mais ils devaient avoir le même âge, à quelques années près ; et pourtant, on aurait dit une maîtresse grondant l'enfant dont la main avait été prise dans la jarre à cookies. Un contraste bien saisissant.

« C'est en effet le cas, acquiesça timidement Andreas.

- Vous aurez bien de la chance si vous ne mourez pas le premier jour. »

Il faillit grimacer, mais se retint sans peine ; à la place, monta la colère indescriptible qu'il avait expérimenté sur la route menant à Falun. Il lui fallait soudainement défendre son honneur de la plus acerbe des façons :

« Les mines de Falun ne se dévoilent qu'aux méritants, et je pense être l'un d'entre eux. L'avenir nous dira si vous avez raison, mais ne soyez pas déçue que je vous donne tort, mademoiselle Ordenf. »

Ursa cligna des yeux, éberluée par cette soudaine animosité, mais refusa de s'excuser. Après tout, elle avait une fierté, et cet individu mystérieux ne méritait pas encore qu'elle se montre avenante avec lui.

Peut-être, un jour ; et déjà en elle elle sentait les prémices d'une tendresse qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant. Cette tendresse lui étant inconnue, elle ne put donc l'identifier, et l'ignora donc avec expertise.

« Loin de moi l'idée de souhaiter votre mort, Andreas Olsson. Mais ce n'est pas tous les jours que quelqu'un de votre gabarit arrive à notre porte pour nous demander un poste de mineur.

- Je n'ai jamais été comme les autres. Déjà petit, je me trouvais des allures de poète ; mais hélas, le décès de mon pauvre père scinda le lien spécial qu'entretiennent ces artistes avec le spirituel. Et dès lors, je n'ai pu m'éloigner du travail physique, mais ô combien gratifiant. »

Un silence gêné s'installa, et d'un coup Andreas parut reconnaître qu'il en avait dit beaucoup, et à une parfaite inconnue en plus de ça.

« Cela vous arrive-t-il souvent, de parler ainsi ?, demanda Ursa.

Les mines de FalunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant