Cléo - 1

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Mes yeux papillonnent face au soleil brûlant qui lèche l'horizon et qui traverse les épais troncs d'arbres. Des auréoles dansent, taquines, m'éblouissant un peu plus et m'empêchant de profiter du spectacle qui s'offre devant moi. J'enrage aussitôt d'avoir échappé mes lunettes de soleil dans un foutu ravin quelques heures plus tôt. Et dire que tout se passait pour ainsi dire bien ... il a fallut que mon pied gauche se bloque dans un minuscule trou et que je parte à la renverse, lunettes de soleil en premier. Certains diraient qu'il y a pire. Pardonnez-moi de ne plus parvenir à relativiser. Elle m'aurait sûrement dit qu'il valait mieux que ce soit des lunettes plutôt que moi. Je souffle en considérant la distance qu'il me reste à parcourir, moi qui n'ai jamais été très sportive. Si près du but. Mais il fallait. Je devais le faire. Mes mains fermement agrippées aux bretelles de mon sac à dos commencent à souffrir. Tout comme mes jambes qui, je le sais, ne vont bientôt plus pouvoir me porter. Mais il faut que je le fasse. Elle l'aurait fait. Si facilement. J'explore les cimes des sapins qui m'entourent, apercevant des oiseaux survoler cette immensité de nature et tout se fait silencieux en moi. Un moment de sérénité me gagne, alors je ferme les yeux. Mes lèvres se mettent à trembler sous le flot d'émotions qui ne manquent jamais de me suivre où que j'aille. Preuve en est. Mille trois cent quarante trois miles me séparent de ma ville et je ne suis pas seule. Cette douleur fait partie de moi désormais. Le problème est que je n'arrive pas à m'y accoutumer. Elle est là. Je le sais. Elle s'estompe lorsque je ne cherche pas à réfléchir. J'en savoure égoïstement ces instants. Mais elle revient me souffler comme un ouragan dévastateur lorsque je pense avoir trouvé le repos.

- Nom de ... je grommelle en me retenant de justesse de poursuivre.

​Mes chaussures de randonnée se campent fermement dans la terre humide du dernier passage orageux que j'ai essuyé quelques heures plus tôt. J'avise les quelques mètres qui me séparent du sommet, la main en visière pour estomper les rayons filtrant de ce soleil qui ne me réchauffe en rien. Ce serait si facile d'abandonner. L'ancienne Cléo l'aurait très certainement fait. Avant. Ma tête dodeline vers le sol et les larmes commencent à perler aux coins de mes yeux. J'ai à la fois terriblement envie de terminer ce périple et douloureusement besoin qu'il ne s'arrête jamais.

- Je suis nulle pour les adieux, je souffle en relevant le visage vers le ciel.

Ma nuque devient douloureuse à force de chercher un point à qui m'adresser. Mais ce dernier ne se manifestera plus jamais. Il y a de ces moments qui vous font faire un freinage imprévisible alors que la route semblait toute tracée et magnifiquement bordée de barrière de sécurité.

- Pourquoi tu me demande de faire une chose pareille, hein ?

Ma voix me fait écho au milieu de cette immensité perdue. Seule. Je suis seule, dans ma tête et dans mon cœur.

- Tu fais chier ! je grommelle, étouffée par ma colère.

Mes pieds reprennent leur marche sans que je ne commande quoi que ce soit. Je me cramponne un peu plus à mes bretelles et serre les dents sous l'effort considérable que je demande à tout mon être. Mon cerveau est farci de milles paroles nostalgiques. J'atteins rapidement un rocher immense qui me barre la vue et lève une jambe hésitante sur une marche naturellement dessinée dans ce dernier. STOP. C'est ici que tout se termine. Les éléments se seront déchaînés et les nuits m'auront torturée. Mais c'est ici que nos chemins se séparent. Une de mes mains part  en quête de mes écouteurs et de mon mp3 sur lequel une seule musique vient prendre place. « One Day » de KODALINE se met à résonner dans mes oreilles alors que je sens le vent glacial s'insinuer jusque sous ma doudoune. Un pas. Il y a seulement de la place pour que je tienne debout mais plus rien ne bloque ma vue désormais. L'immensité s'impose sous mes yeux, sans artifice. Tu avais raison. Des montagnes prennent leur place durement obtenue face à moi, laissant le soleil disparaitre doucement derrière elles.   Un lac borde leurs pieds, calme et majestueux. Je soupire, décroche mes mains des bretelles et laisse mon regard balayer de gauche à droite l'horizon. C'est là que mon cœur saigne, je crois. Une douleur indescriptible me surprend en partant de mes tripes pour remonter dans mon coeur, totalement insaisissable. Et pourtant, qu'est-ce que j'aimerai me l'arracher ce putain de cœur !

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⏰ Dernière mise à jour : May 18, 2021 ⏰

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