A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022

73 ~ Le masque tombe

J'ouvre difficilement les yeux en papillonnant des cils. Une atroce migraine s'empare de moi et fait danser des points noirs devant mes yeux. Ma vision devient nette peu à peu et je sursaute lorsque mon regard tombe sur l'implacable caporal Livaï. Il est accoudé au mur en face de moi, les bras croisés sur son torse, et me lance un regard empli d'une haine qu'il n'a jamais eue à mon égard, pas même à notre rencontre.

Mon corps est parcouru d'un frisson à cause de la fraicheur de la pièce. J'aurais voulu frictionner mes bras pour tenter de me réchauffer, mais un bruit de chaine parvient à mes oreilles lorsque je tente de bouger. Mon regard se pose sur mes mains et je découvre avec horreur que je suis enchainée au mur. Je baisse ensuite le regard et mon visage se décompose lorsque je constate que je suis en sous-vêtements et, qu'en plus, on m'a ôté ma prothèse. Le rouge me monte aux joues et je redresse enfin la tête pour soutenir le regard de glace du caporal Livaï.

L'ambiance dans cette cellule est à la fois glaciale et électrique. Je soutiens son regard froid, malgré la position humiliante dans laquelle je me trouve. Pourquoi ? Pourquoi m'a-t-il fait ça ? Cette question me brûle les lèvres, pourtant je n'ose pas la poser. Je me demande d'où vient cette véhémence dans son regard, et comment nous en sommes arrivés là. La dernière fois que je l'ai vu, il semblait tenir à moi. Pourtant, en cet instant, j'ai l'impression qu'il ne m'a jamais autant détestée. Ce soudain revirement de situation me brise le cœur. Je savais que j'aurais dû garder mes distances avec ce gnome, il est incapable de ressentir quoi que ce soit.

– Si tu veux faire une fouille corporelle va jusqu'au bout, j'ai peut-être un couteau planqué dans ma petite culotte, ricané-je.

Livaï pousse un profond soupir en levant les yeux au ciel, excédé. Ses traits sont tirés, et il semble encore plus tendu qu'en temps normal. Il faudrait vraiment qu'il pense à retirer le balais qu'il a entre les fesses. Il se décolle finalement du mur sur lequel il est appuyé pour s'approcher lentement de moi. Je le vois se délecter de cette position de force, comme un prédateur s'apprêtant à coincer sa proie. Il est le loup, et je suis la pauvre biche sans défense.

– Tu es toujours une allumeuse à ce que je vois, souffle-t-il.

Etonnamment, aucun rictus n'apparait au coin de ses lèvres. Chaque parcelle de son corps semble sous tension, et je sens qu'il peut exploser à la moindre petite perturbation. Il tente de maitriser sa respiration saccadée, cette dernière trahissant son énervement. Pourquoi est-il si remonté ? Pourquoi m'a-t-il assommée et enfermée ici ?

– Ça n'avait pourtant pas l'air de beaucoup te déranger que je t'allume il y a deux jours. D'ailleurs bravo, tu as fait des progrès, tu as su enlever ma prothèse tout seul comme un grand cette fois-ci, le nargué-je.

Bien évidemment, je récolte une puissante gifle pour mon insolence. Ma tête bascule violemment sur le côté et je me prends le mur de plein fouet, réveillant la migraine qui sommeillait en moi. Cette gifle brise quelque chose en moi. Je pensais que les récents évènements nous avaient rapprochés, je pensais qu'il tenait un minimum à moi. Encore une fois, je me suis lourdement trompée. Le grand caporal Livaï est bien au-dessus de choses aussi futiles que les sentiments. Il ne ressent rien et est incapable de s'attacher à qui que ce soit. Je n'étais qu'un jouet pour lui, une vulgaire distraction, et ça me blesse.

Livaï m'attrape sans ménagement par les cheveux et me force à le regarder dans les yeux. Son regard qui m'a si souvent fascinée me brise à présent le cœur tant il est sévère. Ses orbes d'acier trahissent le flot d'émotions qui se déverse en lui. La colère prend le dessus sur toutes les autres, mais il semble également triste et déçu.

– Pourquoi as-tu livré Eren à Kenny Ackerman, sale traitresse ?

En un instant, mon rictus s'évanouit et mon visage se décompose. Comment est-il au courant pour Kenny ? Je déglutis difficilement et sens mon cœur accélérer dans ma poitrine. Le moment fatidique approche, je vais devoir lui révéler la vérité, et j'ai déjà peur de sa réaction. Je voudrais détourner le regard mais il me maintient fermement par les cheveux et me force à le regarder. Les traits de Livaï se crispent de plus en plus, si bien qu'il finit par trembler de rage. Son regard qu'il veut impassible commence à faiblement s'embuer.