chapitre 95 : on a rien gagné, ni perdu

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SARAH

Lorsque Sarah était encore en fac de médecine, on lui avait appris que lorsqu'un poumon se faisait transpercer, ne serait ce que par un petit trou, il s'écroulait sur lui-même. L'air s'en échappait, le sang se diffusait et on s'étouffait. Une douleur si transperçante qu'il ne faut pas plus de quelques minutes pour qu'on meurt.

C'était ce qu'elle voyait, du haut de l'un des remparts de Monte Cassino.

Un poumon écorché qui tentait vainement de respirer, mais qui laissait échapper de l'air.

Une maladie féroce qui signait son arrêt de vie.

Pourtant, le mot "fin", ne lui faisait pas peur.

Alors Sarah prit une grande inspiration et sourit.

Parce que si elle, ne le faisait pas... Qui le ferait ?

Des semaines entières étaient passées depuis le départ de Jay, Chelsea, Seth, Parker et Emily... Des semaines qu'elle avait passées entre des malades mourants, des pénuries de rations de plus en plus dangereuses et des veillées matinales sur les tours d'une vieille abbaye jadis bombardée.

Tout ce qui composait sa vie, à présent.

Elle baissa le regard vers ses mains, mais surtout vers les croûtes sombres qui maculaient sa peau pâle et fatiguée. Voilà le tatouage qu'elle avait choisie d'ancrer dans son âme, à jamais.

Dans un soupir, elle se tourna et manquait de sursauter face à la carrure de Christian qui attendait patiemment sur le pas de l'escalier en spirale.

- Je t'ai fait peur ?

- Non.

Plus rien ne lui faisait peur.

Il sourit tendrement et vint balayer la neige entre deux tourelles pour s'y asseoir. Perché entre deux gargouilles et le vide, il semblait braver ce que tout le monde cherchait désespérément à échapper. Mais il s'en moquait. Il passait d'ailleurs tranquillement l'une de ses mains dans ses boucles, tandis que l'autre dans l'intérieur de sa veste d'uniforme.

Et voilà qu'une cigarette fendait ses lèvres plus pourpres que jamais.

- Tu ne devrais pas fumer, Christian.

- Ça tue, c'est ça ?

- J'ai mis trop de temps à te remettre sur pied pour que tu te tues à petits feux.

- Donne-moi un briquet.

Sarah fronça les sourcils, mais finit par s'exécuter, provoquant un rire si joyeux qu'il manqua de chuter de l'autre côté de la tour.

- Les médecins ne sont que des hypocrites.

- Ils ont surtout l'habilité de faire basculer un crétin dans le vide.

Répliqua-t-elle en retournant s'asseoir à sa place, le regard à nouveau perdu dans la lande. Tandis que Christian s'étouffa de rire sur sa cigarette, elle se surprit à lâcher un sourire. Rares étaient les occasions où l'on pouvait s'accorder un tel moment de répit. C'était d'ailleurs pour ça que chaque matin, elle venait sur cette petite tourelle... Rien que pour pouvoir accéder à une entrevue privée avec le peu de vie qui régnait encore sur Terre.

One Last Mission T05 ~The Wars We Fight For| ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant