Chapitre 38 partie 3

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Point de vue Terrence :

Freyr avait continué de me porter sur plusieurs kilomètres jusqu'à je sois capable de marcher à nouveau. Aucun de nous deux n'avait pipé mot depuis l'instant où j'avais compris qu'Elenwë était ma sœur - demi-sœur, pour être exact -. Ça me paraissait encore trop étrange de devoir assimiler que cette fille et moi avions le même père, mais qu'elle, elle avait fini par se trouver une nouvelle famille auprès de la personne qui était responsable de l'exil de la mienne. Les réunions de famille ne risquaient pas d'être simples, à supposer qu'il puisse y en avoir...

Après plusieurs heures à arpenter la forêt, nous finîmes par en arriver à la lisière. Juste avant de sortir des bois, le faux Dieu s'arrêta, bascula son épaule sur le côté et me laissa tomber sans la moindre délicatesse. En retombant au sol, ma tête cogna contre quelque chose de dur que je pensais tout naturellement être un rocher, et, relevant les yeux, je lâchai un cris d'effroi  en me rendant compte qu'il s'agissait en réalité d'un crâne. L'odeur pestilentielle qui l'accompagnait dirigea mon regard vers les restes d'armures, de vêtements et des chairs en décomposition qui avaient dû appartenir à celui avec qui je venais de faire un tête-à-tête, et mon estomac se souleva en réalisant soudain que l'herbe sur laquelle j'étais couché était recouverte par une teinte brune, en provenance directe du corps du guerrier mort, et dont ce qui lui restait de ventre était transpercé par une énorme masse d'arme, teintée elle aussi de cette même texture.

- Qu'est-ce que...

- On est arrivés. Bienvenue sur les lieux de la dernière bataille de mon peuple contre les Jotuns.

Encore sous le choc de mon entrevue avec le cadavre, je relevai la tête et dirigeai mon regard dans la direction qu'indiquait Freyr avec son bras. Une immense plaine s'étendait derrière les derniers buissons du sous-bois, et, de là où je me trouvai, j'étais incapable de voir quelles étaient les limites de sa superficie, puisque des masses informes recouvraient le sol depuis ma position jusqu'à la ligne d'horizon.

Mon corps comprit plus vite que moi ce que ça signifiait, et je rejetai mon petit déjeuner sur le sang séché du guerrier, transi d'horreur et de dégoût par ce que j'avais vu et par l'odeur de mort qui s'en échappait. Ce que j'avais devant les yeux... Le mot "massacre" n'était même pas assez puissant pour décrire ce qui s'était passé ici.

Je m'attendais à ce que Freyr me raille à cause de ma réaction et me relève violement pour qu'on continue notre route, mais, au lieu de ça, il s'avança vers les cadavres et s'assit simplement devant eux, les mains jointes contre son front, les yeux fermés. Il... priait ? Qui est-ce qu'un faux Dieu comme lui pouvait bien prier ? Les Nornes, ou toutes les âmes des soldats qui avaient donnés leurs vies pour lui ?

- Puissiez-vous pardonner ma lâcheté et trouver la sérénité de l'autre côté, ô vaillants Einherjar. Ceux qui sont aujourd'hui à votre place, ceux avec qui vous vous êtes battus jusqu'au trépas, honoreront votre mémoire jusqu'à l'instant de vous rejoindre. Trouvez le réconfort que les exploits de vos existences résonneront dans tous Yggdrasill tant qu'il en restera la moindre écorce, et qu'ils traverseront les âges en remplissant d'honneur vos successeurs.

Mes trois mots d'elfiques me permirent au moins de comprendre qu'il s'adressait bien aux restes de ses soldats anéantis. Par contre, à part un crachat sur un cadavre de Jotun, rien pour ses ennemis. Rien d'étonnant, même si, à sa place, j'aurais terminé de réduire en morceaux leurs ossements déjà à moitiés rongés par les insectes.

Freyr se releva après plusieurs minutes et me fit un signe pour que je le suive. J'obéis, mais, n'aillant pas eu le temps de m'habituer à la puanteur ambiante, je levai ma tête autant que je le pouvais vers le ciel pour échapper le plus possible à ces odeurs. J'aurai vraiment tout donné pour qu'il n'y ait pas de vent à ce moment-là. Refusant de baisser la tête au sol pour ne pas voir ce qui se trouvait à mes pieds, je sentais craquer sous chacun de mes pas les os des cadavres, et je m'efforçais de me rassurer en me disant que ça devait être des géants ou des elfes encore plus détestables que Freyr.

Laïra, la fille du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant