Quand tout est remis à zéro

20 - Réconfort

Pleurer suite à un cauchemar est usuel. En revanche, faire plusieurs cauchemars différents en une seule nuit ne l'est peut-être pas. Sortir de la tente me semble être la meilleure option, si je ne veux pas réveiller mes coéquipiers. Je me suis donc assise un peu plus loin, sans trop m'éloigner de notre repère. Une fois seule, les larmes coulèrent en abondance. J'ai tendance à garder mes souffrances à l'intérieur lorsque je suis accompagnée, mais dès que plus personne n'est là pour le voir, je relâche sans retenue toute la peine accumulée. C'est de plus en plus compliqué en ce moment et je crains ne plus pouvoir m'empêcher de souffrir en silence pour longtemps... Je n'ai plus personne à qui me confier, même Huang Hua ! Elle offre d'excellents conseils, mais je ne la connais pas autant qu'Eweleïn, Valkyon, Caméria ou...
Leiftan.

Leiftan : "J'ai senti que tu n'allais pas, qu'est-ce qu'il se passe ? Tu hyperventiles ! Aller, inspire un bon coup..."

Malgré tout ce qu'il a fait, il reste un des seuls en mesure de me calmer.

Leiftan : "Expire..."

On répéta l'exercice plusieurs fois avant qu'il ne reprenne la discussion.

Leiftan : "Tu... Tu n'es pas obligée de m'en parler, mais si tu en ressens le besoin, je suis là pour t'écouter. Comme toujours, d'ailleurs."

J'hésitais un instant avant de finalement me décider. Leiftan a beau être un traître doublé d'un imbécile de menteur, mais il reste le seul disponible pour le moment. Je n'ai pas envie de réveiller Valkyon pour ces sottises.

Moi : "C'est un mélange de tout... Mes presque-noyades, ce stupide cauchemar qui dure depuis que je suis enfant... Un peu de toi, aussi. Peut-être même beaucoup."

Leiftan : "Oh, je... C'est pathétique, je m'en doute, mais je suis tellement désolé pour tout ce que j'ai pu te causer. Je m'en veux à chaque seconde qui passe depuis ton départ."

Moi : "J'ai bien reçu tes excuses, mais je ne suis pas encore prête à te pardonner pour le moment..."

Ses yeux devinrent anormalement humides, et je rattrapais rapidement la situation.

Moi : "Mais ça ne veut pas dire que je ne veux plus te parler ! J'ai simplement besoin de temps pour penser à tout ça."

Son expression se radoucit instantanément.

Leiftan : "Bref, j'avais prévu le coup et j'ai pensé à t'apporter un petit quelque chose..."

J'y crois pas... Comment a-t-il pu s'en procurer ?

Moi : "Des oreos ! Mes biscuits préférés, comment as-tu fait ?"

Leiftan : "Les secrets les mieux gardés sont ceux qu'on ne dit pas... On partage ?"

J'hochais la tête, puis mon regard dériva vers sa main gauche alors qu'il prenait un biscuit. Il a encore son bracelet en forme de lune !

Moi : "Tu... Tu le portes encore !"

Leiftan : "Comment pourrais-je ne pas le porter ?"

Il observa instinctivement mon cou pour vérifier si j'avais mon collier en ma possession également.

Leiftan : "Intéressant, toi aussi tu l'as..."

Moi : "Évidemment ! J'y suis attachée, c'est assez symbolique pour moi.
Tu pourrais faire les pires atrocités du monde, je ne pourrai jamais m'en débarrasser."

C'est assez ironique si on y réfléchit un peu. Ça partait d'un cadeau sans arrières pensées. Cependant, il définit exactement notre relation.
On se complète.
Il a ce qu'il me manque, et je possède également ce dont il a besoin. Notre unique vie partagée joue beaucoup.
J'apprécierais revenir au quartier général pour retrouver Leiftan et les autres membres de la garde, mais je ne m'en sens point capable. Je suis tiraillée entre deux possibilités et je ne peux même pas obtenir une aide objective. Huang Hua, malgré sa grande sagesse, me dirait qu'il serait mieux de récupérer au temple. Leiftan affirmerait que je devrais revenir aux terres d'Eel.

Leiftan : "Hé, je croyais que tu allais mieux ! À quoi penses-tu ?"

Moi : "Je... Je ne sais pas quoi faire et je ne peux même pas demander de conseils à qui que ce soit ! L'un dirait de faire ceci, l'autre cela, et ce, sans aucune objectivité. Je ne peux plus supporter la pression qui s'accumule, c'est trop..."

Il m'offrait alors ses bras et je m'y abandonnais fébrilement. J'ai vraiment besoin d'un soutien émotionnel et il est le mieux placé pour, alors...

Leiftan : "Ça pourrait te faire du bien de revenir au Q.G., non ?"

Moi : "C'est justement ça le problème Leiftan, vois-tu maintenant ce que j'essaie de te faire comprendre ? Tu souhaites que je sois à tes côtés là-bas. Je ne crois pas que tu aies pensé une seconde à ce que je vivrai en faisant ce choix maintenant."

Leiftan : "Au contraire... Déjà que tu as eu beaucoup de mal à t'habituer aux membres de la garde, imagine refaire ce processus encore une fois ? Cela fait un petit moment que tu y es et tu ne parles pas à beaucoup de personnes, n'est-ce pas ?"

Pour ça, je ne peux pas vraiment le contredire...

Moi : "Effectivement... Ça m'arrive qu'un Fenghuang me pose quelques questions, mais ça ne dure jamais bien longtemps. Je ne suis pas très adhérente à faire la conversation, ils le remarquent bien assez tôt. Je discute principalement avec Huang Hua et Aaron."

Leiftan tiqua à la mention d'Aaron, mais n'en parla guère. Je sens qu'il est jaloux, peut-être même un tantinet vexé, malgré le fait que l'éteincelant souhaite visiblement le dissimuler.

Moi : "J'adorerais revenir, mais..."

Leiftan : "Mais ?"

Moi : "J'appréhende grandement ma réaction, celle des autres également."

Leiftan : "Ils seront heureux de te voir Alua, moi y compris."

Moi : "Malgré cela, je peux t'assurer que c'est plus facile à dire qu'à faire."

Je resserrais mon étreinte à cette pensée. Si seulement rien de tout cela n'était arrivé... Quelques fois, je m'en veux d'être entrée aussi bêtement dans ce cercle de champignons. J'aurais dû être davantage vigilente. Malgré tout, ce n'est pas totalement ma faute, ni celle que qui que ce soit. Ce n'était qu'un vulgaire jeu, et ça a causé mon départ définitif.
Je nichais mon visage au creux de son cou, et comme il avait l'habitude de le faire lorsque j'avais besoin d'un soutien émotionnel, il caressa mon dos délicatement pour m'apaiser. Suite à quelques minutes dans cette position, il prit la parole.

Leiftan : "Nous devrions aller dormir, une mission nous attend et nous devrons être en pleine forme."

Moi : "Effectivement, c'est préférable..."

Nous nous sommes donc rendus à l'intérieur de la tente et je suis tombée assez rapidement dans les bras de Morphée.

Suite au prochain chapitre...