Prologue

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Ariane

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Ariane

On me poussa en avant. La salle devant laquelle je me trouvais était entièrement plongée dans l'obscurité. Il y régnait une odeur vide, fade, mais je perçus une note plus inhabituelle. Celle du sang. Et de la viande pourrie.

Un croche-pied volontaire me fit perdre l'équilibre et je terminai à quatre pattes sur un sol que je ne connaissais que trop bien : le carrelage, froid et stérile, des salles de recherche. Des frissons remontèrent le long de mon dos jusqu'à secouer ma tête de tremblements, et je pris sur moi pour me calmer.

Derrière moi, la porte claqua, me faisant sursauter. Je n'y voyais rien, mais, même dans le noir, je devinai que j'étais désormais seule. Ce genre de choses n'arrivait quasiment jamais, ici, et cela suffit pour me faire envisager le pire. Ces dernières semaines, dans cette base traîtresse constituée des larbins de M. Brown, le même type de rumeurs qui couraient à l'HeadQuarter s'étaient répandues. Il s'agissait ni plus ni moins de l'issue fatale de certaines expériences menées sur quelques spéciaux. À la différence près que cette fois, la tournure que prenaient les événements était d'autant plus effrayante que les rumeurs n'en étaient pas...

Ça avait commencé avec une petite fille d'une dizaine d'années, nommée Shirley, du clan du feu. Les dortoirs étaient répartis par clan, si bien que je n'avais connu l'histoire que par l'intermédiaire d'un jeune garçon dont j'avais fait la connaissance plus tôt. À peine deux jours plus tard, la nouvelle était connue de tous : Shirley était morte. M. Brown l'avait zigouillée, elle aussi. Un jour, il faudrait qu'il paie à hauteur de tout ce qu'il avait fait. Je ne cessais d'imaginer la façon dont je pourrais le tuer, quand j'aurai l'occasion de me casser d'ici. C'était comme un agréable poison qui coulait dans mes veines, mais j'avais peur qu'il ne me détruise. Et puis, la vengeance ne serait de circonstance seulement quand j'aurai retrouvé les miens.

Pour en revenir à la pauvre gamine, elle n'avait plus été aperçue depuis cinq jours, et la base entière avait dès lors été prise d'un vent de panique. La gestion désastreuse des enfants de la part de M. Brown ne s'étant pas améliorée, l'un de nous avait fini par entendre des bribes de conversations, et la sentence était tombée : la petite avait été la première victime d'une nouvelle expérience, « l'Extraction ».

À partir de ce moment, les victimes s'étaient multipliées, de tout âge et de tout camp, mais on n'avait plus obtenu aucune information sur leur disparition. Le piège se refermait lentement sur nous, et nous ne pouvions que l'observer passivement.

Un grésillement me fit sursauter. Je ravalai ma peur et me redressai, mes sens en alerte. Mon regard se promena dans la pièce, essayant de s'accoutumer à l'obscurité, et je finis par distinguer les coins et les murs. Tout était si vide, si angoissant. Il y avait une absence de saveur, comme dans un mauvais médicament, qui me faisait me sentir inconfortable.

Deuxième grésillement, et une voix robotique, de femme, s'adressa à moi.

- Bonjour, Ariane.

Mes muscles se figèrent, tandis que, de façon automatique, ma tête chercha en vain l'origine de la voix. Celle-ci reprit, avec un calme à glacer le sang.

- Comment vas-tu ?

Je restai silencieuse.

- Tant mieux. Je vais bien, aussi. J'espère que tu n'as pas peur, il n'y a aucune raison de craindre quoi que ce soit.

Effrayant. La voix devait avoir été faite pour les plus petits. M. Brown ne devait pas être au courant que même les plus jeunes ne croyaient pas à ce genre de sottises. C'était Mirage qui les avait éduqués, et sûrement pas à la confiance.

- Je ne te veux que du bien, poursuivit la voix.

Le son grésilla puis se stabilisa à nouveau. J'avais l'impression de me trouver dans un film d'horreur.

- Déshabille toi et pose tes habits devant toi pour qu'ils soient détectés.

La demande me prit de cours. Interloquée, je secouai la tête, pourtant au courant que ce geste était inutile.

- Tu peux m'obéir sans crainte. Il n'y a personne, ici.

Je ne bougeai pas d'un centimètre. Ça n'était pas un robot qui allait me donner des ordres. Encore moi s'il avait été créé avec amour et tendresse par ce crevard de Brown.

La voix réitéra sa demande, mais je ne fis toujours aucun geste. Au bout de la troisième fois, le son s'éteignît.

J'attendis quelques secondes, le cœur battant, mais rien ne se produisit.

Soulagée, je détendis mes muscles, essayant d'éviter de me poser des questions, quand une décharge électrique venant du sol me parcourut tout le corps. Je lâchai un cri de douleur. La voix s'enclencha de nouveau.

- Obéis, s'il te plaît. Déshabille toi et pose tes habits devant toi pour qu'ils soient détectés.

Tétanisée, je m'exécutai le plus rapidement que je le pus et jetai mon uniforme et mes rangers loin devant moi.

Les quelques instants de silence qui s'ensuivirent furent un supplice.

Finalement, un bruit mécanique se fit entendre, et je déduis qu'ils avaient récupéré mes habits.

- Avance.

Je me rendis compte que la voix s'était faite plus dure, plus froide. Me sentant dénuée de tout courage, j'obéis et avançai dans le noir jusqu'à heurter un mur, et une eau glacée se répandit sur mon corps.

- Comment t'appelles-t-tu ?

Je calquai des dents.

- Ariane.

- Quel âge as-tu ?

- Dix-sept ans.

- Pour qui serais tu capable de mourir ?

Le changement brutal de registre me fit l'effet d'une claque. Je mis du temps à me réveiller et cela me valut une nouvelle douche froide. Ma peau était gelée, je me sentais à la limite de l'hypothermie. Des larmes chaudes se mêlèrent à l'eau qui ruisselait sur mon visage.

- Thys, réussis je à articuler.

- C'est tout ?

- Je n'ai personne d'autre.

Une bouffée de tristesse m'envahît en prononçant ces mots. Le visage de mes parents s'était effacé de ma mémoire année après année. Les quatre seules personnes à qui je tenais désormais se trouvaient loin de moi. Je n'avais jamais été aussi longtemps séparée de mon frère. Il me manquait horriblement. Et pourtant, chaque fois que notre base accueillait de nouveaux prisonniers, je priais ce que je pouvais que mon jumeau n'en fasse pas partie. Depuis notre naissance, c'était la première fois que je ne souhaitais pas partager ce que je vivais avec lui. Cette peur et cette souffrance autant physique que morale.

- Tu ne serais pas capable de mourir pour l'humanité ?

Je répondis du tac au tac.

- Ce n'est pas possible.

- Ça l'est.

- Vous mentez.

- Tu pourrais sauver des familles entières. Des frères, des sœurs, Thys, aussi.

- Vous mentez.

- Tu es le futur.

- Si je meurs, je ne suis plus rien.

- Mais tu le permettras.

Je sentis quelque chose me pousser en avant. Le mur en face de moi avait disparu. Je me retrouvai alors nue, trempée, transie de peur et de froid, dans une capsule horizontale minuscule, et des fils s'enroulèrent autour de mes jambes et de mes bras.

Les derniers mots de la voix me parvinrent avant qu'une douleur insoutenable ne me fasse sombrer dans l'inconscience.

- Bienvenue dans l'Extracteur.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 21 ⏰

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Mirage - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant