1. Lumière

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Lumière. Elle ne rêvait pas. C'était bien un rayon de soleil qui avait réussi à se frayer un chemin parmi les amas de pierres et de ciment qui l'entouraient. Pendant près de treize jours, elle avait vécu dans ces décombres, perdue dans le noir complet. Mais aujourd'hui, un signe d'espoir perçait à travers les décombres. Aujourd'hui, elle entrevoyait enfin la liberté. Il lui fallut quelques minutes pour s'habituer à regarder le rayon de lumière qui lui faisait plisser les yeux, qui après plusieurs jours plongée dans une obscurité totale, avaient perdu l'habitude de la clarté du jour.

Lumière. Elle n'en croyait pas ses yeux. Jamais elle n'aurait imaginé la revoir un jour. En réalité, jamais elle n'aurait pensé revoir le monde un jour. Mais pourtant elle était là, en chair et en os, vivante, des larmes de joie coulant sur son visage, dû à une chose qu'elle avait toujours pris pour acquise depuis sa plus jeune enfance. C'était là le problème de l'humanité, pensa-t-elle. Trop de choses sont prises pour acquises. Comme la chaleur d'un rayon de soleil caressant doucement la peau. Comme le sol, sûr et solide sous nos pieds. Comme l'air entrant dans nos poumons. Comme la terre censée être éternelle. Et pourtant, toutes ces choses que l'on prend pour acquises se révèlent un jour ne pas l'être du tout, comme elle avait pu l'apprendre à ses dépends, treize jours auparavant.

Lumière. La clarté qui illuminait faiblement la pièce la rassura un peu. Elle en profita pour jeter un œil à tout ce qui l'entourait. Bien que lorsque l'électricité fut coupée, la pièce était encore en un morceau, elle ne fût pas choquée parce ce qu'elle vit. Tout n'était que décombres. Des gravats de partout. Des débris de pierres, de ciment, de verre brisé, de terre. Tout se mélangeait en un vaste amoncèlement de gravats. Le toit au dessus de sa tête s'était écroulé, et la terre au dessus d'elle s'était effondré. C'était un miracle qu'elle soit encore en vie. Un miracle. En vie. Soudainement elle se remémora. Elle n'était pas seule dans cette pièce. Une peur panique l'envahit, le souffle coupé, elle se mit à fouiller dans les décombres autour d'elle. Repoussant les éboulements de béton de toute ses forces, dans l'espoir de trouver quelqu'un.

- Eh ! appela-t-elle. Eh ! Il y'a quelqu'un ? Oh je suis là !

Sans cesser de déblayer les gravats autour d'elle, elle continuait d'appeler dans l'espoir que quelqu'un lui réponde. Mais personne ne le fit. Au bout de ce qui lui parût une éternité, elle se laissa retomber à sa place, à bout de souffle. Les larmes au bord des yeux. Pendant six jours, elle avait vécu entourée de neuf personnes. Puis lorsque la terre s'était mise à trembler, et que le sol s'était effondré, tout le monde s'était tu. Tout ce temps, elle avait juste assumé que personne n'avait la force de parler. Trop affamé, ou assoiffé, ou même effrayé. Elle même n'avait pas dit une parole. Et tout à coup, alors qu'elle réalisait son erreur, une odeur immonde s'infiltra dans ses poumons, et lui donna envie de vomir. Tout à coup, alors qu'elle commençait à réaliser que les autres pouvaient être tous morts, cette odeur lui confirma sa pensée. C'était comme si durant tout ce temps, son esprit s'était bloqué à l'idée même de la mort de neuf personnes qu'elle appréciait. Et comme si soudainement, quelque chose se débloquait et le lui indiquait. C'était comme se prendre une gifle en plein visage. Elle resta choquée sous le coup. Son corps tout entier semblait paralysé. Et sans s'y attendre un torrent de larmes dévala son visage. Elle n'avait pas pleuré depuis qu'elle s'était réfugiée ici. Elle n'avait pas pleuré lorsque tout s'était écroulé. Mais toute la frustration, la peur, l'incompréhension, l'horreur qu'elle avait retenu pendant treize jours refit enfin surface et éclata en un concert de sanglots. Les larmes brûlaient ses yeux, et sa gorge, serrée sous les sanglots, la faisait atrocement souffrir.

Elle se tenait là, recroquevillée sur elle-même, en pleurs, lorsqu'elle entrevit une main ensanglantée entre ses larmes, de l'autre côté de la pièce. Puis une jambe, à côté d'elle. Et un visage, à sa gauche. Comme un électrochoc, ses sanglots cessèrent d'eux-mêmes. Elle se releva, essuya ses larmes d'un revers de main, et scruta la pièce, à la recherche d'une sortie. Toutes ces personnes étaient mortes, mais elle, était encore en vie. Après une catastrophe pareille, c'était une bénédiction, un signe. Elle était une rescapée. Elle devait sortir d'ici, et s'en sortir. D'un regard vif, elle chercha le rayon de soleil qui se trouvait au dessus d'elle. Si il y avait une sortie, c'était de ce côté là. Avec surprise, elle constata que les escaliers sous lesquels elle se trouvait, et qui avaient du la protéger des éboulements, étaient toujours intact. La lumière quand à elle, semblait provenir d'au dessus des marches en béton, et se projetait dans la salle. Difficilement, elle se releva et se tînt debout pour la première fois depuis près de 10 jours, elle s'étira, sentant ses muscles se détendre dans une tendre douleur. Puis elle entreprit d'escalader les escaliers. L'ascension était plus dure qu'il n'y paraissait, les gravats de pierre et de terre rendaient l'escalade plus dangereuse et un pas de travers pouvait la faire chuter. En tâtonnant du bout de son pied, elle repérait les endroits les plus sensibles à la faire glisser et les endroits qui lui paraissaient plus sûr. La tâche était lente et ardue, mais la simple idée de sortir enfin à l'air libre lui donnait la force de continuer.

La pièce dans laquelle elle se trouvait était en réalité une cave. Ou un abri anti-bombardements. Ou anti-tremblements-de-terre, ou dans ce cas anti-fin-du-monde. Elle n'était pas certaine que sa fonction "anti" ait jamais réellement marché, mais elle était toujours en vie. Elle et pas les autres. Du à sa propriété, l'abri se trouvait à plusieurs mètres de profondeurs et les escaliers raides ne cessaient de monter, et son ascension lui paraissait de ce fait interminable. Elle devait même parfois porter des rochers ou des pans de murs trop gros pour être poussé du pied ou pour être escaladé, et tout son corps ne lui semblait plus que douleurs. Ses jambes lui semblaient lourdes et courbaturées, ses mains étaient écorchées et en sang, son dos n'allait pas tarder à la lâcher non plus. Ses muscles n'avait pas travaillé pendant plusieurs jours et cela se faisait désormais ressentir au moment ou elle en avait le plus besoin. Elle décida donc de s'asseoir sur une marche, le temps de se reposer quelques instants, et ferma les yeux en soupirant, quand elle entendit un bruit en contrebas. Puis un cri. Un cri d'enfant.

- Caleb... murmura-t-elle.

Elle n'avait monté qu'une vingtaine de marches, et il lui en restait à peu près le même nombre à parcourir. C'est donc sans hésiter qu'elle se rua à les redescendre, non sans manquer de glisser plusieurs fois et de finir sa chute sur les fesses. Mais elle n'avait que faire de se blesser. Caleb était en vie, et c'était tout ce qui importait. La pièce n'était pas très grande, mais ravagée par les éboulements, il lui semblait impossible d'atteindre le côté opposé, c'était malheureusement bien le dernier endroit où elle l'avait aperçu avant que tout s'écroule. Il n'avait que 4 ans, comment avait-il pu garder le silence pendant tant de temps. N'avait-il pas été effrayé, affamé ou assoiffé à un certain moment ? Du peu de force qu'il lui restait, elle chevaucha les éboulements, jeta des grosses pierres, se faufila sous des bouts de béton tenant en équilibre les uns sous les autres. Elle ne se rendait même pas compte de ce qu'elle faisait, tout ce qui importait était Caleb. Elle espérait qu'il aille bien. Au bout d'une dizaine de minutes de lutte, elle atteignit enfin l'endroit où il se trouvait quelques jours auparavant, mais ne vit personne. Elle scruta autour d'elle affolée, avant de remarquer une petite main, sous un tas de gravillons.

- CALEB !

Sans perdre une seconde, elle se mit à gratter de ses mains ensanglantées, envoyant valser les milliers de débris qui recouvraient le corps de l'enfant. Sans faire attention au poids de certaines pierres. Sans faire attention aux entailles qui lui brûlaient les mains. Sans faire attention à la panique et à la peur qui s'étaient emparé de son esprit. Lorsqu'elle parvint à dégager son visage et le haut de son corps, et vit ses paupières plissées et ses yeux fermés, elle comprit qu'il allait bien. Son corps entier se détendit, sa respiration reprit son rythme normal, elle entreprit de dégager le reste du corps de l'enfant. Quelques secondes plus tard, elle le serrait très fort dans ses bras.

- Tu vas bien ?! lui demanda-t-elle, tout doucement.

Elle le sentit hocher la tête contre sa poitrine, elle sourit. Il allait bien. Elle allait bien. C'était tout ce qui comptait. Il ne leur restait plus qu'à se frayer un chemin hors de la cave et tout irait bien.

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Après plus de deux ans, je me relance dans l'écriture pour mon plus grand plaisir, et j'espère, pour le votre !

Dites moi ce que vous pensez de ce premier chapitre !

Love ♡
Alexane

Is this the end ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant