04.oct.1948 : drague foireuse

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_Journal de bord-quatre octobre 1948_

*dix heures*

— Je jure de ne plus contrer mon gouvernement ou l'autorité qui me guide et me civilise, en demandant l'absolution de Dieu pour mon péché. Récitais-je mots après mots, en essayant de ne pas paniquer face à la chandelle qu'on m'avait demandé de tenir entre mes mains.
« Un programme de redressement pour réacquérir une bonne discipline » je dirais plutôt que c'était une séance d'exorcisme peu crédible.

Un instituteur était venu me chercher durant la matinée pour m'emmener à l'église et m'avait fait entrer avec plusieurs autres jeunes gens.
Au moins, ce n'était pas une séance personnelle.
Puis, accompagnés d'un membre du clergé, il nous avait fait asseoir dans les rangs vides et nous avait donné une bougie qu'on avait dû allumer à tour de rôle. Quand mon nom avait été appelé, je m'étais levé pour rejoindre le vieil homme qui avait partagé son bougeoir pour allumer la flamme de ma bougie. Au moment de me rasseoir sur le banc, j'ai halluciné en voyant un jeune homme assis quelques rangs plus loin, plissés rapidement son œil gauche dans ma direction. Merci Mary de m'avoir appris que cette technique de flirt s'appelle un clin d'œil.
Depuis, je n'ai plus bougé, agrippant la chandelle en espérant de point finir brûlée au deuxième degré et répétant des louanges chrétiennes. J'avais plutôt l'impression de participer à une séance de purification de l'âme. Le curé ne faisait que parler des lois et des souhaits de Jésus que nous devrions suivre pour ne pas finir comme des « dissidents ».
Mère m'avait baptisé avant même que je ne sache marcher, cependant, je n'ai jamais porté la religion dans mon cœur. La réincarnation de Jésus est bien trop peu scientifiquement possible pour moi.

— Je jure de ne plus me montrer immature et de me soumettre aux lois qui me sont enseignées pour devenir un adulte responsable et m'assumer un avenir prometteur. Nous fit réciter le curé avant de nous laisser sortir en nous souhaitant de garder une bonne tenue et d'autres choses dans ce genre.
Je sortis en suivant les autres, déposant ma chandelle à nouveau éteinte et en profitais-je pour prendre une grande bouffée d'air. Je commençais à descendre les quelques marches qui me séparaient du sol quand le jeune homme de tout à l'heure m'accosta avec d'autres amis à lui.

— Je vous souhaite le bonjour, mademoiselle Sinclair.
Il était grand et me regardait de haut avec un petit sourire au coin des lèvres.

— Bonjour, lui répondis-je aussi neutre que possible tout en le scrutant de toutes parts. Le fait qu'il connaisse mon nom, ne me surpris pas, vu qu'il avait dû le retenir après qu'il ait été appelé dans l'église. Sinon, il n'était pas d'une beauté impressionnante, mais je suppose que je pouvais le qualifier de séduisant. Un titre dont je me fis un plaisir de garder pour moi pour éviter toute rougeur d'atteindre mes joues. Malgré cela, je fus piquée par une mystérieuse sueur froide tout en l'observant, comme un mauvais pressentiment.
Le parfait type de Lucille, me fis-je la réflexion avant de me rappeler notre querelle en début de semaine.
— Nous conterais-tu ton joli prénom? Eut-il l'audace de me demander, désormais accompagné de trois autres jeunes hommes derrière lui. Le mien est Camil.

— Joséphine, enchantée.

— Alors dis-nous charmante princesse, qu'as-tu fait d'aussi peu disciplinaire pour te faire amené ici?

— Je n'irais point jusqu'à dire cela, ce n'était rien de très grave. Me défendis-je, passant outre ce surnom plus que ridicule.

— Mystérieuse, je vois, me dit-il en me jaugeant des yeux, ce programme de redressement est entre le camp militaire pour les mineures et l'exclusion scolaire, quand on se fait blâmer, mais pas châtier. Au lieu de cela, on écoute un curé durant toute la matinée. Mieux vaut ne pas être athée. Alors tu as bien dû enfreindre les règles de ton campus pour te retrouver ici.

Je réfléchis, je n'avais aucune raison de lui dire, pourtant je me sentis obligé de lui répondre.
— J'ai distribué un journal contenant apparemment un article disgracieux et mensongé, dont j'étais l'auteure.

Journal de bord|¹⁹⁴⁸Où les histoires vivent. Découvrez maintenant