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Mira

Je n'arrive plus à penser à quoique ce soit, un immense vide m'habite et avale chaque pensée qui tente de se former. Je ne suis même pas terrifiée ou heureuse d'avoir provoquée un électrochoc chez Ezéchiel, je suis juste vide, à bout de force et de souffle. John s'est installé à l'arrière avec moi mais personne n'a osé prononcer un mot pour essayer d'alléger l'ambiance. Pourtant à l'approche du port John tend sa main pour saisir délicatement la mienne, ce simple contact me ramène un peu à la réalité et je lui adresse un regard surpris auquel il répond par un sourire. Comme s'il me disait de ne pas désespérer, que ça allait aller.

La vérité c'est que j'ai fait n'importe quoi sur toute la ligne. Baiser avec lui ça devait être un truc facile, je l'ai fait des centaines sans doute même des milliers de fois. Je n'ai jamais rien ressenti et voilà que le gars qui devait me permettre d'atteindre Ezéchiel me fait brusquement ressentir quelque chose. Et je ne sais plus où j'en suis, plus du tout. Tout ça c'est juste n'importe quoi.

John a été comme à son habitude gentil et bienveillant, je ne crois pas ressentir quelque chose de particulier pour lui hormis une vague sympathie mais je ne peux pas non plus nier les émotions qu'il a fait naître chez moi ce qui complique quelque peu le rôle de pion que j'avais prévu pour lui. La réaction d'Ezéchiel me perturbe aussi, je ne sais pas trop à quoi je m'attendais mais certainement pas à autant de colère.

Au moins j'ai réussi à provoquer quelque chose, ok je vais sans doute passer un sale quart d'heure mais Ezéchiel a l'air d'être enfin motivé pour redéfinir les règles du jeu. Passer du temps avec lui devrait enfin me permettre d'avoir enfin l'opportunité de me barrer de toute cette merde. Au mieux j'en sors vivante, au pire il me tue mais au moins cette période de ma vie aura une fin rapide. J'essaie de me rassurer comme je peux mais la vérité c'est que je flippe et que la déception qu'Ezéchiel ressens pour moi me blesse plus que je ne l'avais prévu.

L'arrêt de la voiture me sort de mes réflexions et je lâche précipitamment la main de John par peur d'un nouvel accès de colère d'Ezéchiel. Il est déjà sorti de la voiture et semble attendre avec impatience que l'on le rejoigne. Toujours en silence on monte les escaliers jusqu'à rejoindre la pièce dans laquelle j'ai vu Kathleen se faire mutiler. Alors que je pénètre dedans je remarque la disparition de John qui était derrière moi, je tourne les talons pour jeter un regard curieux dans le couloir avant d'être rappelé à l'ordre par Ezéchiel.

J'hésite quelques secondes, après tout, pourquoi ne pas tenter quelque chose maintenant ? Je me remémore le paysage qui a défilé en voiture, le centre-ville ne doit pas être si loin et les docks doivent tout de même être fréquentées malgré là fait nuit. Le hangar a plus l'air d'être un point de ralliement qu'un lieu de travail à part entière donc on est peut-être seuls, de plus il offre un grand nombre de cachettes. La situation semble presque idéale pourtant le poids du regard glacial d'Ezéchiel sur moi m'empêche de faire quoique ce soit.

Sans doute fatigué de me voir figée il me tire brusquement par le bras pour que je le suive. Malgré un cri de douleur il ne desserre pas sa prise et s'empresse de me pousser sur la chaise. J'ai à peine le temps de frotter mon bras pour essayer d'atténuer la douleur qu'il les attache aux accoudoirs avant de faire de mêmes avec mes jambes et les pieds de la chaise. Il a fait ça avec une telle vitesse et une telle dextérité que je n'ai même pas eu le temps de protester et me contente de lui adresser un regard noir. Toujours sans un mot Ezéchiel disparait de mon champ de vision avec le claquement de la porte en fond sonore. Incapable de bouger, je me retrouve à faire face à mon reflet dans le miroir sans teint. Étrangement l'image n'est pas aussi catastrophique que je l'imaginais, après tout je suis encore vivante et en un seul morceau. Ma position est cependant critique, affronter mon reflet si vulnérable finit par être douloureux si bien que je me retrouve à fermer les yeux.

TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant