THE CROW'S FLIGHT

9 - KAZ

Il était minuit passé quand Jens passa la porte du Crow Club, dégoulinant et grelottant. Kaz observait une partie, appuyé des deux mains sur sa cannes. Quand tout le monde réagissait aux coups, aux abattements de cartes, aux retournements de situations, lui restait impassible, surveillant les allées et venues des cartes, s'assurant que l'argent ne repartirait pas dans les poches des clients, mais bien dans les coffres du Crow Club. Si il avait été en charge de la partie, il aurait pu en prendre lui même le contrôle et s'assurer de son bon déroulement.
Ses gants cachaient des mains agiles de magiciens, le couvrant d'une aura de mystère.
Jensen avança à pas comptés vers lui, mais Kaz l'avait repéré dès son entrée, sans même tourner la tête. Brekker leva sa canne en travers de son chemin, lui intimant de rester en retrait encore un moment. Il y avait une grosse somme d'argent sur le tapis, et il y avait plutôt intérêt à ce que il y reste.
Après quelques longues minutes au cours desquelles le clients jura plus que nécessaire, la partie prit finalement fin, et l'homme bedonnant et grisonnant quitta le Crow Club en marmonnant. Kaz ne s'inquiétait pas : il revenait toujours chercher sa revanche.
Sans un regard pour Jens, Kaz se dirigea vers un escalier dérobé, derrière le comptoir, et entreprit de monter les étroites marches qui menaient à son bureau du Crow Club.
Jensen referma la porte derrière eux et retira son manteau détrempé avec un soupir. Il n'y avait pas de feu dans l'âtre, et il grelottait de froid, mais avec des vêtements mouillés il risquait d'attraper la mort.
- Tu as trouvé quelque chose.
Ça n'avait rien d'une question. Jensen songea qu'il aurait été plus avisé de se jeter par la fenêtre que de répondre "non". Avec le regard noir de Kaz posé sur lui, il ne sentait de toute façon pas le courage de dire grand chose. Il se contenta de hocher la tête, déglutissant avec difficulté. Bon sang il était deux ans plus âgé que Kaz, et pourtant face à lui il se sentait comme un enfant.
- Où ?
- Strumhond.
Kaz plissa le regard. Jens n'avait peut être pas le talent d'espionnage d'Inej, mais il était efficace, il fallait le reconnaître.
- T'as appris quoi d'autre ?
Jens s'éclaircit la gorge.
- J'étais devant le Strumhond quand il est arrivé. Je me suis faufilé à l'intérieur juste après lui. J'ai chopé la clef d'un client dans le couloir, pour pouvoir passer le comptoir.
Kaz se félicita intérieurement pour l'entraînement de Jensen. Ce petit enfoiré de traître, ajouta-t-il en pensée, amer. Le dernier qui s'était risqué à ce jeu là avait finit avec une balle dans la cuisse. L'histoire de Bill Bolliger avait rapidement fait le tour du Barrel, et plus personne n'avait tenté de jouer double jeu.
- Je l'ai rattrapé à mi chemin dans les escaliers. Il est entré dans sa chambre, regardant constamment derrière lui comme un chien effrayé, ajouta Jens en ricanant.
Kaz le somma de continuer d'un regard.
- La chambre dont j'ai volé la clef était, par chance, voisine de celle de notre homme. Les Saints entendent mes remerciements.
Brekker leva les yeux au ciel. Il ne croyait pas le moins du monde au hasard, et encore moins au destin. Comment une entité sensée veillez sur vous pouvait-elle décider d'envoyer à la mort un pauvre garçon innocent.
Kaz chassa Jordie de ses pensées et reporta son attention sur Jensen.
- Je suis passé par la fenêtre, jusqu'à celle de Azarov. J'avais l'intention d'entrer dans sa chambre dès que possible, mais j'ai entendu des voix. Il n'était pas seul. D'autre grishas étaient là avec lui.
- Et qu'est ce qu'ils disaient ?
Jensen ferma une seconde les yeux, mobilisant ses souvenirs.
- Azarov leur a expliqué ses nobles et honorables intentions pour renverser la dynastie ravkan. Ce à quoi la plupart ont répondu qu'ils ne voulaient pas être mêlés aux affaires de Ravka. Les autres ont négocié un peu de pouvoir des d'argent si le coup réussi.
- Autre chose ?
- Il ne s'est pas étendu sur les détails. Il n'a pas dit son nom, mais c'est lui, sans aucun doute.
Kaz hocha la tête.
- Bien. Il faut qu'on soit sûr de nous. Tu vas l'espionner d'un peu plus près demain, et fouiller sa chambre. Je veux un rapport demain soir.
Jens claqua des talons dans un salut militaire et quitta le bureau. Sa main gantée crispée sur el pommeau de sa canne, Kaz resta un moment debout au milieu de son bureau, sa mauvaise jambe criant de douleur. Mais rien n'aurait pu le sortir de sa rêverie : Dirtyhands préparait un nouveau coup.