CHAPITRE 3

86 18 2
                                    

Clay

Un crétin ? Sérieusement ? Elle n'a pas trouvé mieux comme insulte ? Moi qui essaie de la faire mousser depuis hier soir, c'est tout ce qu'elle a réussi à me sortir. Si elle continue comme ça, Miss Bush va repartir en Australie avec la mention « Peut mieux faire ». Malgré tout, je ne peux m'empêcher de jeter de brefs regards de l'autre côté du bureau, là où elle s'est installée pour fouiller dans les comptes. Dans mes comptes. Amy sirote son mug de café crème puis, d'un geste du doigt, redresse la paire de lunettes qui lui mange la moitié de son doux visage.

Bordel, Clayton, ressaisis-toi nom d'un chien ! Son doux visage ? Sérieusement ? Voilà que je me mets à parler comme cet abruti de Monroe. Et le pire, c'est que je déteste ce type ! Monroe Wright, riche investisseur en immobilier, et accessoirement mon beau-frère depuis trois longues années maintenant. Bon, détester est un grand mot. Disons juste que si on était dans le désert, qu'il crevait de soif, et que j'étais en possession de la dernière bouteille d'eau, je la boirais. Je me demande encore comment ma sœur a pu jeter son dévolu sur un mec comme lui, alors que nous avons toujours été conditionnés à ne pas aimer les personnes de cette sphère sociale. Et maintenant, voilà qu'elle va se marier avec l'une d'entre elles.

Un discret raclement de gorge me sort de mes pensées. Lorsque je lève la tête vers elle, Blondie a libéré sa masse capillaire, qu'elle avait jusqu'ici attachée avec un de ces chouchous, à la couleur flashy, qu'on ne trouve que dans les années quatre-vingt. Si elle ne me cassait pas autant les couilles, je la trouverais presque jolie.

— Vous allez bien ? s'inquiète-t-elle.

— Parce que vous en avez quelque chose à foutre ?

Tandis que je me lève du sofa et me dirige vers le frigidaire, pour me servir une canette de soda fraiche, Blondie s'adonne à son activité favorite depuis son arrivée : le haussement de sourcils.

— Je jure que si c'était une discipline olympique, vous gagneriez la médaille d'or !

— Quoi donc ? demande-t-elle.

Miss Bush retire ses lunettes et en suçote une branche du bout des lèvres, pendant que moi, je la regarde comme un con en essayant de ne pas m'étouffer avec mon coca light.

— Ça, là ! fais-je, en formant des petits cercles avec mon index dans sa direction.

— Ça, quoi ?

— Votre truc de lever les yeux au ciel en permanence ! Vous devez avoir les paupières vachement musclées à force.

Avec tout le sérieux dont elle peut faire preuve, Miss Bush place ses deux mains de part et d'autre de son visage, les coudes appuyés sur le bureau – sur mon bureau, bordel –, et se met à papillonner des cils.

— Si vous saviez l'effet que mes yeux ont déjà eu sur la gente masculine, et le nombre de contrats que mon père a signés grâce à eux, dit-elle en arborant un immense sourire aux lèvres.

Celle-là, elle était pour moi ! Sauf qu'elle se fout le doigt dans l'œil jusqu'à l'omoplate, Blondie. Hors de question de céder ma concession aux Kaufman ! Papillonnements de cils gracieux qui font frétiller l'organe dans mon froc, ou non, je n'ai pas oublié ce que l'Australie a fait à mon père ! Ma sœur me dirait que c'est très con de ma part de faire payer à Amy le décès de mon paternel, que la pauvre fille n'a rien à voir dans l'histoire, mais comme Kate ne débarque pas avant demain, je pense et dis ce que je veux pendant encore vingt-quatre heures.

— Ne rêvez pas de trop, Blondie ! C'est pas l'Australie ici ! assené-je en faisant claquer ma canette sur le minuscule plan de travail.

Bordel, il faut que je tienne dix mois avec cette gonzesse dans les pattes ? Jamais je n'y arriverai, c'est certain. Alors, avec tout le sang froid dont je peux encore faire preuve, je la plante là, avec les factures impayées, les divers comptes dans le rouge, et une Livy qui arbore son regard de chien battu.

If You Seek Amy [SOUS CONTRAT D'EDITION BLACK INK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant