Le Garçon Lumière

Sorin

Dans les temps anciens, le monde était plongé dans le noir complet, sans aucune source de lumière naturelle. Cela n'avait pas toujours été comme cela, avant le soleil brillait dans le ciel bleu azur. Ses rayons incandescents réchauffaient la terre, ils provoquaient parfois un feu dans les hautes herbes sèches de l'été et c'était la panique. Mais depuis la mort de ce vile sorcier aussi puissant qu'effrayant, plus rien n'avait jamais été plus pareil. En effet, il était si machiavélique que les habitants avaient fini par engager un groupe de mercenaires pour le chasser et mettre fin à son existence. 

- " Vous voulez ma mort, eh bien soit mais je ferai en sorte que vos vies ne soient qu'un cauchemar sans fin"

Ce fut ses dernières paroles avant qu'il ne soit égorgé. Son sang encore chaud se répandait sur le sol tandis que petit à petit le soleil disparut emportant avec lui ce ciel si merveilleux, si bleu. Les oiseaux arrêtèrent de gazouiller, les enfants de babiller et les hommes de faire la fête. On alluma des bougies, autant que l'on ne pouvait afin de tenter de voir un peu plus dans cette obscurité sans fond.  

Nombreux sont ceux qui se sont prétendus magiciens et ont tenté de faire reculer la noirceur en vain. Aucun ne parvint à faire revenir ce si précieux soleil qu'on pensait comme acquis. 

Les années passèrent, les hommes perdirent espoir, et le ciel azur n'était devenu plus qu'un mythe ou une légende pour les rares enfants nés après le soleil. Les Hommes firent des progrès et parvinrent à confectionner des lanternes de plus en plus endurantes. 

Un jour, un miracle se produisit dans une vieille maison, un jeune femme donna naissance à un petit garçon à la peau si lumineuse qu'elle éblouit le médecin. L'enfant ne cria pas et on comprit très vite qu'il ne respirait pas. La sage-femme tenta par tous les moyens de le réanimer et alors qu'elle commençait à perdre espoir, l'enfant prit sa première inspiration. Aussitôt, l'obscurité fut attirées à lui. Elle sembla aspirée et disparaitre dans la bouche de l'enfant. 

Le soleil réapparut, le ciel qui l'accompagnait aussi et plus jamais le monde ne fut noir. Les rayons du soleil réchauffait le sol sans jamais s'accorder de pause. Les peuples du monde entier vinrent voir l'enfant miracle et se mirent à le vénérer comme un dieu vivant. On l'appela Sorin ce qui signifiait "soleil". Les années passèrent et sa mère devint l'une des plus riches personnes de ce nouveau monde jusqu'à devenir une reine.

 Malheureusement, plus le temps passait, plus sa peau devenait cireuse . Ses fins cheveux d'or devinrent de plus en plus foncé. Moins de gens se déplaçaient pour venir le voir et donc par conséquent, la fortune de la femme diminuait. Elle fit venir les meilleurs médecins du monde entier mais à chaque fois c'était le même verdict.

- "Je suis navré mais je ne peux rien faire"

Le lendemain de ses treize ans, de dépit et ne souhaitant plus le voir, sa mère l'envoya dans un monastère dissimulé dans les montagnes. Sorin se plongea dans les livres qui devinrent ses amis. Il aimait apprendre et était curieux de tout. Sa peau devint blanche et avait perdu presque tous son éclat tandis que ses cheveux étaient devenus d'un noir de jais aussi profond que l'obscurité qu'il avait aspiré. Il ne restait rien du garçon soleil.

Les années passèrent et Sorin devint un jeune homme. Il était si fin que l'on craignait de le briser par mégarde et le dessous de ses yeux étaient désormais creusés par des cernes d'un noir intense. Le jeune homme de vingt ans restait enfermé dans ses livres toute la journée et avait appris tellement de chose sur ce monde que c'en était presque devenu une encyclopédie humaine. 

Alors qu'il était assis à sa table habituelle, le nez dans ses bouquins, il entendit un bruit de pas et puis un autre. Il se demanda qui venait le déranger. Un inconnu arrivait et ses pas résonnaient dans la grande salle faisant un bruit que jamais il n'avait entendu avant. Sorin vit alors un individu entièrement vêtus de blanc et portant un masque. Celui-ci l'apostropha.

- "Tu sais où est le trésor ?"

Il ne répondit rien, il n'y avait aucune richesse ici à part ses précieux bouquins.  Les yeux du brigand se posèrent sur sa table de travail et s'attardèrent sur les livres étalés ici et là. Il s'en approcha et tendit la main pour en prendre un mais Sorin s'interposa, se plaçant entre l'individu et les livres. 

- "Bouges-toi"

Le jeune homme n'en fit rien et le défia du regard. Le brigand perdit patience et le bouscula pour se saisir d'un des ouvrages. Il arracha les pages sans ménagement et découvrit dans la reliure une fine plaque d'or raffiné. Il sourit et continua son œuvre avec les suivants. Sorin le regardait détruire la seule chose qu'il aimait dans ce monde mais lorsqu'il prit le livre sur les mythes, le jeune homme s'élança mais fut brutalement frappé par une dague que l'homme venait de sortir.

L'objet tranchant s'enfonça dans sa poitrine jusqu'au manche décoré d'un croissant de lune et perça son cœur. Il tituba et tomba en arrière, s'effondrant sur le sol en bois. Le voleur s'enfuit emportant avec lui son trésor. 

Le sang de Sorin qui était aussi noir que de l'encre se répandit sur le sol tandis qu'il agonisait. Une larme salée perla du coin de son œil et il rendit son dernier souffle se demandant ce qu'il avait fait pour mériter cela. 

Lorsque le brigand ressortit du bâtiment, il faisait noir mais ce n'était pas la même obscurité qui avait recouvert le monde deux décennies plus tôt. La voute céleste était parsemée de petits diamants blancs et un croissant de lune éclairait faiblement les Hommes. Après une douzaine d'heures, le soleil revint ainsi que le ciel bleu qu'ils aimaient tant. Mais la nuit revenait ensuite, éclairée de milles cristaux dans le ciel.

Le noir de la nuit était l'unique reste d'obscurité que Sorin n'était pas parvenu à détruire. Les étoiles, le peu de lumière qu'il possédait encore et la lune si implacable était le poignard qui lui avait transpercé son cœur.