Ana Lisa

Espoirs et réalité

Un jour de plus dans sa vie. Ana Lisa était assise dans sa chambre, en train de rêver. Rêver de sa vie idéale, même si elle sait qu'elle peut réaliser son rêve, une petite voix lui répète incessamment qu'elle est à l'opposé de ce qu'elle s'imagine. Pourtant, une autre voix lui dit qu'elle est tout à fait capable de devenir la fille dont elle rêve. Oui, Ana Lisa se rêve. Une jeune fille souriante, joyeuse, affectueuse, aimante, loyale et aimée. Toutes ces qualités dans lesquelles elle se reconnaît et dans lesquelles sa mère
la voyait dans ses anciens espoirs.

Cette fille, cette autre Ana Lisa, c'était un rêve qui dure depuis 5 ans maintenant. Elle avait toujours voulu être cette autre elle qui est enfouit dans son propre corps. Mais Ana Lisa avait peur. Peur de sa mère et de son opinion, non parce qu'elle était mauvaise mais parce que sa mère s'était "habituée" à voir en sa fille une cachottière, une gourmande, une profiteuse et une menteuse. Toutes ces choses qu'Ana Lisa faisaient plus jeune et qu'elle avait en horreur maintenant. Tout ça devrait être oublié pour toujours. Or, sa mère ne les oubliait pas. Elle se les répétait. Tous les jours ? Non. Toutes les semaines ? Sûrement car elle les ressassait à Ana Lisa dès qu'elle faisait une bêtise ou qu'elle faisait crier sa mère.

Ana Lisa voulait changer. Elle voulait devenir une autre personne. Pas forcément quelqu'un d'autre, juste être son autre elle. Celle qui se voit être souriante, aimante et aimée.
Pour Ana Lisa, la vie se résumait à se construire une vie imaginaire avec une autre famille pour être celle qu'elle veut devenir.

Son désir de fuite vient de sa vie.
Une vie perturbée, mais par quoi ? Par l'absence de son père ? Non, elle ne l'a jamais connu. Une enfance troublée ? Cela ne peut pas être possible, elle a été choyé dès son enfance. Et puis, elle est fille unique.
Un manque de repères ? Ana Lisa en avait beaucoup. Des bons, d'autres moins bons et certains qu'elle oubliait ou qu'elle cherchait encore à oublier. Ils provennaient de personnes, de dessins, de livres, de films, de chansons... De toute sorte de choses à travers lesquelles Ana Lisa se reconnaissait ou espérait devenir.

Oui, sa vie faite de repères aussi éparses et différents l'avait perdue. Pour Ana Lisa, c'était la seule explication. C'était aussi ce qui expliquait son manque de confiance en elle-même et son manque de personnalité. Elle en était persuadée et voulait y mettre un terme.
Dans son imagination, elle était une personne qui était décidée, franche et confiante. Tout ce qu'elle espérait être. Malgré une petite voix qui lui dit qu'elle parviendra à devenir comme ça, une autre lui dit de se retenir, qu'il ne s'agit que d'un rêve qui restera en elle-même et que si elle tentait de le réaliser, Ana Lisa n'y arriverait pas.

Ces deux voix, Ana Lisa y était confrontée tous les jours. Une qui était encourageante et positive, l'autre qui était résignée et triste. Ana Lisa voulait à tout prix suivre sa voix positive pour réaliser son rêve, mais elle était rattrapée par la réalité et par sa voix résignée dont elle veut se détacher.

Sa mère était partie et Ana Lisa a préféré rester à la maison pour attendre son retour. En attendant, elle mettait son casque pour écouter sa musique.
La musique était devenue importante pour elle car cela lui permettait de réchapper de sa vie, de cette réalité dans laquelle elle avait l'impression d'être une paria. Pourtant, elle voulait changer cette réalité en devenant une autre personne et pour y parvenir, il fallait qu'elle s'évade pour être avec sa famille imaginaire et être son autre elle.
Pour Ana Lisa, la vie sans musique n'était pas insupportable, elle était juste plus fade et sans fantaisie.

Par contre, elle connait aussi des moments de joie dans sa "vraie" vie, quand ce qu'elle vit vraiment est en phase avec ce qu'elle souhaite, avec son elle imaginaire qui peut exister, s'exprimer sans contrainte d'être retenue par son côté craintif et résigné. Ces moments sont fréquents voire quotidiens, mais sa partie triste vient toujours les attrister. Souvent à l'insu d'Ana Lisa qui fait face à sa mère, ses anciens espoirs et leur tristesse commune.

Ana Lisa voulait, désirait changer. Mais il fallait encore vivre avec sa résignation et sa crainte qui s'opposaient à sa joie et sa confiance.