Partie 1

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Il est peut être encore temps de faire marche arrière. En tout cas, c'est ce qu'il me vient à l'esprit devant cet immense manoir à l'allure sombre et lugubre.

Pour une raison que j'ignore, je ressens de la panique et de l'angoisse à chaque pas me rapprochant de cette demeure.

Mais il est hors de question que je me dégonfle devant mes soeurs et frères. Je reste l'aînée malgré tout, j'ai promis qu'on irait jeter un coup d'oeil alors on le fera. Même si mes jambes sont en coton et que mes lèvres tremblent.

J'ouvre le grand portail qui grince, avec à mes côtés Clara et Kévin. Dès que je franchis le seuil, j'ai la sensation d'être épié. J'ignore ce sentiment et me mets à avancer.

Mais au bout d'un moment, je n'entend plus le bruit de leurs pas derrière moi. Surprise, je me retourne pour voir pourquoi ils se sont arrêtés. Mais ils ne se sont pas arrêtés, ils ont tout simplement disparu.

Paniquée, je regarde autour de moi mais il n'y a personne. Je discerne alors une petite silhouette parcourant la pièce à toute vitesse. Je me dis que c'est sans doute l'un d'eux qui s'amuse et vais chercher l'autre dehors.

J'ouvre la porte pour chercher quand, soulagée, je constate qu'ils sont juste en train de rentrer. Ils sont assez loin maintenant.

Mais soudain le doute me submerge. S'ils sont tous les deux ensemble et repartent sain et sauf, qu'est ce qu'était que cet ombre qui courait dans le salon ?

Je tente de me rassurer en me disant qu'il doit y avoir des petits curieux par ici, comme moi.
Je décide de poursuivre ma visite, même si je ressens comme une sensation de malaise. Je monte les escaliers qui craquent bruyamment à chacun de mes pas.

Dans chacune des nombreux étages, il y a de longs corridors à ne plus en finir, si bien que l'on ne distingue plus les portes au bout d'un moment.

Je n'ai même plus l'impression qu'on est en pleine après-midi tant il fait sombre. Un souffle glacé effleure ma nuque, l'air de me susurrer de partir d'ici, et de ne plus jamais revenir, comme si le manoir lui même cherchait à communiquer avec moi.
Je secoue la tête pour chasser ces stupides idées.

J'arrive devant une chambre qui me semble différente des autres. Il y a dedans des rangées de poupées en cire, habillées comme dans l'ère victorienne.

Effrayée, je recule et marche sur une planche du parquet où mon pied s'enfonce. Je frémis lorsque je sens un liquide froid et poisseux sur ma peau. J'enlève mon pied et m'aperçois que la substance visqueuse est du sang.

Les larmes me montent aux yeux et une odeur nauséabonde s'échappe de la planche. Je m'accroupis vers elle pour la décaler et voir ce que j'ai bien pu heurter. Je pâlis en découvrant un bras entier coupé, baigné dans une flaque de sang. Je peine à respirer. Qu'est ce qu'un bras fait ici ?

J'essaie de ne pas trop réfléchir. La première chose à faire est de sortir de ce lieu. Mais lorsque je m'apprête à quitter la chambre, je remarque que la porte est fermée alors que je l'avais laissé ouverte.

J'essaie de partir, en vain, la porte est fermée à clé désormais. Je toque de toute mes forces, essaie de la défoncer mais c'est inutile, elle résiste.

Je prends donc mon téléphone pour appeller à l'aide. Mes parents, la police qu'importe, tant qu'il y a quelqu'un pour venir me chercher. Mais je constate le coeur lourd que mon téléphone s'éteint à la seconde où je compose le numéro.
Impossible de le rallumer, il ne marche plus. Je tente de me calmer mais je ne suis plus maîtresse de mes gestes et me met à trembler de tout mon corps.

J'envisage de sauter par la fenêtre, car mes chances de survie seraient plus grande plutôt que de rester dans cette chambre. Mais soudain, tout devient sombre autour de moi.

Le sol commence à trembler. Les poupées de porcelaine tombent une à une des meubles, se brisant lors des chocs brutaux.

À chaque fois que je cligne des yeux, elles changent de place, se rapprochant de moi à chacun de leurs déplacements imperceptibles jusqu'à ce que leur figure brisées et déformées se retrouvent juste en face de mon visage, frôlant mon nez.

La pièce devenue aussi sombre qu'en pleine nuit semble tourner tout autour de moi. Je sens de petites mains froides, dures me déchirer la peau et de miniscules bouches dentées me mordre ça et là.

Je hurle, bas des mains et des pieds de toutes mes forces. Mes cheveux sont tirés de tous les côtés, quelques uns finissent par être arrachés, rajoutant de la souffrance à mon tourment.

On ne distingue que des murmures aigus semblant superficiels et des sanglots, les miens. Je saisis mon téléphone et le jette sur une des poupées qui mutile mon corps. Étonnament, elle est propulsée et se casse en deux en heurtant le mur.

Je prend une vieille lampe qui est à côté de moi et me débarasse de quelques poupées non sans me crisper lorsqu'elles arrachent de petits bouts de ma peau au passage.

Je me relève avec grande peine malgré un léger vertige, je parviens à me contrôler pour ne pas m'évanouir. Il fait toujours sombre dans la pièce quand j'essaie à nouveau d'ouvrir la porte avant que les poupées ne me rattrapent.

Toujours avec la lampe, je fracasse le poignet, mais il est très solide. J'inspire fortement et décolle la porte grâce à une faille présente sur le haut. Lorsque je parviens - enfin - à l'ouvrir, je suis éblouie par une lumière blanche très intense et je perds conscience.

Je me réveille dans le même lieu, à quelques détails près : il n'y a aucune trace de ce qu'il s'est passé, sauf certains de mes cheveux qui sont au sol et mes blessures corporelles. Les petits jouets sont rangés dans l'étagère, intacts, comme quand je venais de les trouver et la chambre est pareille.

Mais ma douleur physique me rappelle en un éclair tout ce qu'il s'est passé et malgré mon état piteux, je me relève de toutes mes forces afin de quitter cette horrible chambre pour trouver en face du seuil une jeune fille essouflée, qui doit avoir mon âge.

Elle a des traces rouges sur son cou et semble en avoir bavé elle aussi. En un échange de regard et de signe de tête, on se comprend et nous dévalons les escaliers ensemble. Même si je sais que ça présence ne me sauvera pas, savoir que je ne suis pas folle et que quelqu'un a vécu les mêmes choses que moi me soulage un petit peu.

Mais comme je m'en doutais, la porte d'entrée est bloquée.
L'histoire se répète. Mais cette fois, vais-je survivre ?

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 13, 2022 ⏰

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