Le Bateau de la vie

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Petit enfant innocent et rêveur,

Courant sur la plage déserte et chaude de l'ignorance,

Je m'amuse à exterminer des pirates imaginaires de la lame de mon épée en bois,

En m'arrêtant quelquefois pour regarder la mer qui m'appelle,

Dans son clapotis apaisant,

Brillante comme un diamant à lueur de l'aube de ma vie.

Je cherche l'horizon comme une route infinie,

Qui me ménera un jour vers un avenir lointain,

Où je trouverai refuge sur la plus belle des îles du bonheur.

....

Devenu jeune homme ambitieux et téméraire,

Je prends enfin l'océan sur mon splendide bateau,

Avec pour seul équipage mes rêves, ma curiosité de découvrir ce monde d'adulte, et ma motivation d'aller plus loin.

Dépliant mes voiles qui se gonflent auprès du vent harmonieux,

J'écoute les secrets qu'il me siffle à l'oreille,

Et respire à plein poumons cette bouffée de renouveau marin.

J'étais enfin en route vers mon destin,

Capitaine du navire de ma vie,

Voguant au hasard sans me soucier de ma position.

...

À force d'imprudence,

Je finis par me perdre dans ce flot beaucoup trop grand pour moi,

Commençant peu à peu à comprendre le piège de ce nouveau monde.

La pression du vent devenu tempête,

Et la violence des vagues perturbant l'équilibre de mon bateau,

Abîmérent peu à peu ma coque,

Qui finit par céder sous le poids des rochers de responsabilités,

Entraînant dans les profondeurs de la société mes souvenirs d'enfants et mes projets grandioses.

...

Après avoir affronté la tempête et contemplé l'épave de mon bateau pourtant si fier,

Je me vêtus comme tout ces malheureux d'un costume gris et baissait la tête,

En allant boire le soir pour oublier les rêves que l'immense océan de la société m'avait pris,

Comme en transe sur la plage où je m'étais échoué,

Moi, goutte d'eau rebelle et insignifiante s'étant échappé des sombres abysses de l'océan,

Ployant désormais sous la chaleur de l'échec de ma vie.

...

Devenu enfin un homme matûre,

Ayant acquis  l'expérience de meneur qui me manquait,

Je me construisis un radeau avec ce qu'il me restait d'espérance,

Un tout petit rien qui flottait malgré tout.

Ramant de toutes mes forces pour remonter jusqu'au large,

Je jettais cette fois l'ancre qui m'aidait à ne pas couler,

Mais qui pesait lourd dans ce nouvel équilibre qui n'était pas plus grand qu'une petite flamme résistant à un souffle court,

Jusqu'à atteindre les côtes de réconfort de mon enfance,

Où mes vieux ennemis les pirates n'étaient rien comparé aux turbulences des vagues.

...

Maintenant loin de cette vie tumultueuse,

Appelé vieux loup de mer,

Je suis pris d'une vague de nostalgie,

Et retourne une dernière fois contempler mon crépuscule ravivant la beauté de l'eau,

Que j'ose enfin retoucher de mes pieds ridés et abîmés,

Qui maintenant ne risquent plus de me happer vers le fond.

Malgré ses colères difficiles,

Je n'arrive pas à lui garder rancune,

Et je m'allonge de tout mon être sur le sable fin ;

Car sa nature est ainsi faîte,

Malgré tout le mal qu'on lui fait,

L'Homme retourne toujours à la mer.


Ainsi va la vie...    ( Recueil de poèmes)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant