Tricky Travel

Chapitre I

Caroline, du haut de ses treize ans, n'était pas une fille normale. Elle n'aimait pas les bonbons, les manèges, ou les couleurs vives. Elle était attirée par les choses sombres et terrifiantes, les choses qui la faisait trembler d'angoisse le soir, lorsqu'elle y pensait. Elle aimait les grosses araignées qui faisaient crier les filles de son âge, elle aimait faire grincer les portes ou le plancher, inventer des histoires d'horreur pour effrayer sa sœur ou encore se cacher et bondir pour faire crier de surprise les gens.

Pourtant sa vie était parfaitement normale. En effet, ses parents étaient des gens très aisés, considérés par la société comme bourgeois ; sa mère était ministre de la culture et son père avocat assez réputé. Elle avait une sœur jumelle du nom d'Emy et un frère âgé d'un an de plus qu'elle qui se nommait Thomas. Ils vivaient tous dans une grande maison, accompagnés d'un gentil chat roux qu'elle détestait et qu'elle insultait à longueur de journée.

Les relations entre frères et sœurs étaient assez difficiles, ils avaient tous trois des caractères très différents. Ainsi, alors que Caroline aimait s'enfermer dans le noir pour lire des histoires d'horreur avec une petite lampe torche, Emy qui faisait plus huit ans que treize, préférait jouer à la dînette avec ses poupées en porcelaine, et Thomas s'entraînait à programmer des logiciels et à pirater des sites officiels pour marquer des idioties qui l'amusaient. Chacun n'avait pas de vie sociale très active, et leurs parents se désespéraient à essayer de les faire sortir un peu de chez eux ou les faire s'intéresser à la vie politique. Ils ne connaissaient rien au monde et avaient chacun leur petite bulle, enfermée à double tour.

Si ce jour-là n'était pas arrivé, ils auraient probablement eu une vie banale et ennuyante. Caroline serait devenue gothique à son arrivée au lycée et se serait probablement suicidée dans un cimetière avec d'autres gothiques à l'âge de vingt ans. Emy se serait mariée avec un homme un peu simplet et ils auraient eu un ou deux d'enfants. Thomas serait resté chez ses parents jusqu'à l'âge de 30 ans, devenu obèse à cause du manque de sport avec ses lunettes tâchées de gras, sans aucun ami, il se serait suicidé aussi, ne trouvant aucun intérêt à la vie.

Mais ce jour-là arriva. Un mystère fit que leurs parents ne rentrèrent pas le soir. Habitués de leurs longues réunions jusqu'à minuit, les enfants se couchèrent sans s'inquiéter. Mais le lendemain, puis le surlendemain, leurs parents n'étaient toujours pas revenus et ils commencèrent à paniquer.

- On devrait prévenir la police, non ? pleurnicha Emy.

- Non, ils risquent de nous placer dans un foyer, on perdrait notre liberté, protesta son grand frère.

- Des méchants éducateurs nous tortureraient ! ajouta Caroline.

Deux jours passèrent, leur inquiétude ne cessait d'augmenter et malgré leurs appréhensions, ils étaient près à signaler une disparition à la gendarmerie. lorsqu'ils reçurent dans leur boîte-aux-lettres - en plus des factures habituelles qu'ils n'étaient pas en mesure de régler - une lettre assez étrange signée « M-F ».

« Chers enfants,

Je suppose que vous avez remarqué l'étrange absence de vos parents et que cela vous inquiète ? Sachez que c'est moi qui les détient et que la seule façon de les retrouver c'est de me suivre en Slovénie. Inutile de prévenir la police, j'ai de nombreux infiltrés dans les gendarmeries sous mon commandement et à la moindre vague je ferais noyer vos parents. Maintenant, suivez mes instructions sur le plan ci-joint dans la lettre. Sachez que si vous les respectez bien, je ne vous ferais aucun mal et vos parents seront sains et saufs à votre arrivée. Dans le cas contraire... vous ne pouvez même pas imaginer les souffrances qu'ils endureront avant de mourir.

- M- Fontaine

P-S : Vous devez arriver avant le solstice d'hiver.»

Emy fondit en larmes, Thomas restait bouche bée, le cœur battant. Seule Caroline restait stoïque et relu la lettre en cherchant la faille, ne croyant pas une seule seconde que cette lettre était d'un vrai assassin.

- Mais regardez-moi ça ! C'est totalement ridicule, ça fait pitié ! Quel homme qui a des infiltrés dans des gendarmeries demanderaient à des enfants de faire un voyage, seuls jusqu'en Slovénie ? C'est une blague, ce n'est pas possible autrement ! s'exclama-t-elle.

- J'aurais bien voulu te croire mais en attendant nos parents ne sont toujours pas rentrés et ne répondent ni aux coups de fil ni aux messages ! De plus, si c'était faux, pourquoi la personne qui nous a envoyé cette lettre se serait embêtée à acheter des billets d'avions ? dit-il en brandissant les trois billets en direction de la Slovénie qui étaient dans l'enveloppe.

- Je veux voir papa et maman, les serrer dans mes bras ! sanglota Emy

Thomas prit la parole :

- Je sais bien que c'est se jeter dans la gueule du loup, mais je ne vois pas d'autre solution que de partir en Slovénie !

- On pourrait en parler à la police, ça me semble totalement incohérent que ce psychopathe débile ait des infiltrés dans la gendarmerie, rétorqua Caroline.

- Oui mais imagine une seule seconde que ce soit vrai ? Nos parents risqueraient de mourir de notre faute !

- Écoute, mets-toi dans la peau de ce mec ! Il kidnappe des personnes aux postes plutôt hauts dans la société avec beaucoup d'argent et demande à leur enfants de ne pas prévenir la police, mais de les rejoindre en Slovénie. Ça ne te paraît pas grotesque et illogique ? On ne fait pas l'inverse habituellement ? Genre kidnapper des enfants et demander une rançon aux parents ? Qu'est-ce que ce M. Fontaine a à gagner à nous faire venir en Slovénie ?

- J'avoue que vu comme ça... mais si tu es si intelligente, que fait-on maintenant ? La police nous prendrait pour des gros menteurs, c'est certain !

Caroline prit un instant de réflexion, mais rien ne lui venait. Alors que les sanglots d'Emy se calmait, elle prit la parole :

- En fait, je pense qu'on devrait y aller quand même.

- Hey ! Qui avait raison depuis le début ? s'extasia Thomas .

Elle sourit de façon moitié amusée moitié agacée.

- Qu'est-ce qui t'as amenée à cette conclusion inattendue ? demanda son grand frère.

- En fait, j'ai simplement envie d'un peu d'aventure.