Mountain on fire

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Dans un petit village perdu dans les montagnes, vivait Hélène. C'était une gentille femme qui commençait à prendre de l'âge. Le temps avait tracé des rides sur sur beau visage comme les rivières tracent leur cours à travers les rochers. Sa tignasse filante avait perdu son éclat tandis que ses mains, autrefois fortes et assurées, étaient aujourd'hui tremblantes et froides. Elle entendit que l'on frappait à sa porte. Elle regarda l'heure, posa sa tisane encore fumante sur la table en bois, se débarrassa de son châle et alla ouvrir. Sur le seuil du petit chalet se tenait une magnifique jeune fille à la chevelure rousse flamboyante. Ses yeux étaient bleus comme le ciel d'été et sa peau parsemée de taches de rousseurs aux allures de constellations. Elle prit Hélène dans ses bras et sourit, laissant à découvert deux rangées de dents parfaitement alignées et blanches comme le lait.

Cassandre voyait sa mère uniquement pendant les grandes vacances. Le reste de l'année, elle habitait en ville avec son père. La jeune fille profitait de l'air pur de la montagne pour se ressourcer et, depuis qu'elle était en âge de travailler, l'adolescente avait rejoint le rang des saisonniers du club de vacances. Grâce à ce job d'été, elle parvenait à se faire suffisamment d'argent de poche pour réaliser quelques-uns de ses caprices. De plus, elle aimait beaucoup l'ambiance du lieu. Le directeur la connaissait bien, et sa nature sociable l'aidait à créer des liens avec l'équipe qui se renouvelait régulièrement. Juste après avoir déposé ses affaires dans sa petite chambre, la jeune fille partagea un moment convivial avec Hélène qui lui avait préparé une tasse de thé. Puis, elle s'empressa de sortir du chalet pour finaliser sa candidature. L'entretien ne dura pas plus de dix minutes durant lesquelles Cassandre et le directeur avaient échangé quelques banalités. Elle commencerait le soir même, et serait chargée du club ado'.

L'adolescente arriva à son lieu de travail à l'heure convenue, et prépara son animation. Elle avait prévu d'amener son groupe sur un point d'observation qu'elle avait découvert l'année précédente. Là-bas, elle pourrait faire connaissance avec les membres du club autour d'un pique-nique. L'idée était excellente mais requérait l'autorisation des parents, car en dehors des  horaires réglementaires. Petit à petit, quelques personnes s'approchèrent de Cassandre. Leur langage corporel trahissait leur malaise et leur timidité. Elle les intima d'approcher et leur offrit un sourire sincère. Parmi les cinq membres du club, seuls deux purent assister à son animation. L'un d'eux était un jeune homme aux cheveux noirs comme le plumage des corbeaux et aux yeux d'un vert profond. L'autre avait la peau métis, les cheveux bruns et les yeux d'un bleu orageux. La rouquine était heureuse. Plus le comité était réduit, plus le moment risquait d'être magique.

Ils commencèrent leur petite randonnée, avec pour seul bagage, le sac rempli de vivres. Sur le chemin, Cassandre ne cessa d'entendre des bruits étranges qui lui étaient inconnus. Elle ne s'en formalisa point, après tout, cela faisait une éternité qu'elle n'avait plus entendu les sons apaisants de la forêt. Les bois se firent plus denses, la pâle lumière du soir peinait à traverser la cime épaisse. Nathan, le garçon aux cheveux noirs, trébucha sur une racine et manqua de tomber. Cassandre s'assura qu'il allait bien tandis que son ami riait de sa maladresse. Il pointa l'endroit où était la racine en pestant, mais lorsque que l'adolescente regarda, elle ne vit aucun bout de bois. Léonard, plissa les yeux et se moqua de plus belle, il ne fallait pas être habile pour trébucher dans le vide. Nathan était perplexe, il était persuadé d'avoir senti quelque chose. Cassandre profita de cet incident pour leur conter une vieille légende locale, qu'un jour sa mère lui avait racontée. Cette dernière mettait en scène de petits esprits farceurs qui se réveillaient uniquement à la nuit tombée et qui s'amusaient à désorienter les visiteurs. Léonard leur fit remarquer que de toutes façons il ne faisait pas encore nuit. Elle pouffa d'un rire cristallin avant de se rattraper à son tour à un tronc d'arbre. Cette fois, Nathan vit la racine s'enfoncer dans le sol pour y disparaître furtivement. Il se frotta les yeux et se dit qu'il n'aurait vraiment pas dû passer toute son après midi devant des films d'horreur. Au bout de ce qui leur semblait des heures, Léonard demanda à la jeune animatrice s'ils étaient bientôt arrivés. Cassandre fronça les sourcils, et regarda autour d'eux. Le temps passait mais personne ne voyait le bout du petit chemin sur lequel ils cheminaient. Ils trébuchaient, sans jamais savoir pourquoi, ils repassaient sans cesse devant les mêmes arbres et ils avaient l'impression d'être observés. Plusieurs fois, Cassandre aperçut des fourrures rousses à travers la verdure, jusqu'à ce qu'elle soit attirée par une lueur entre les conifères. Son regard croisa celui d'un petit renard, il semblait sourire et lui faire un clin d'œil. Elle se frotta les yeux comme Nathan auparavant, et ce dit qu'elle aurait dû dormir sur le trajet.

Le petit groupe termina enfin son ascension. Ils avaient tous les mollets douloureux tant la pente était raide. L'animatrice prit soin de regarder l'heure dans le but d'anticiper la descente. Ils avaient mis une vingtaine de minutes pour arriver à destination. Son visage affichait un air perplexe, cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas produit un tel effort physique, mais tout de même... La jeune fille s'installa confortablement sur un rocher plutôt plat et ses deux nouveaux amis à même le sol. Le reflet du soleil sur la pierre donnait l'impression que la montagne était en feu. Ils mangèrent en silence, admirant cette combustion qui paraissait sans fin. Lorsque les derniers rayons de l'astre disparurent derrière le géant, Cassandre annonça qu'il était l'heure de rentrer. La route du retour se déroula sans incident, et sembla extrêmement courte comparé à l'aller.

Lorsque Cassandre rentra chez elle, Hélène la prit dans ses bras en sanglotant. Par son étreinte, la mère transmettait toute son angoisse, sa tristesse et son inquiétude à sa fille. En cherchant la raison qui poussait sa mère à réagir de manière si étrange, elle posa ses yeux sur le coucou suisse accroché au mur de la cuisine. Un très vieille objet qui avait sans doute appartenu à son arrière grand-mère. Le vieux mécanisme devait être rouillé. En effet, l'aiguille indiquait cinq heures du matin alors que l'horloge digitale de son téléphone affichait vingt-deux heures dix. La jeune fille rassura sa mère avec de douce caresse dans le dos. Puis elle la raccompagna dans sa chambre, la vieille femme s'endormit quasiment instantanément, fatiguée moralement. Cassandre éteignit la lumière et lui jeta un dernier regard rempli d'amour. Elle ferma la porte, et n'entendit jamais les mots qu'Hélène murmura dans son sommeil. "Si les renards de feu l'avaient enlevée, je n'aurais jamais pu me pardonner."

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