Le remède |JinKookYoon|

✧ - 09

┊┊┊┊⋆ ✧　 　 · 　 ✧　✵┊┊┊☆ *　　 * ⋆┊┊★ *┊┊* . *　✦┊☆ ° ✧　 　 ·★*

" What happened to your heart ?

Sure, we played a stunning couple

But I never liked the part

It ain't pretty, it ain't subtle

What happens to the heart "*

Le soleil est haut dans le ciel, à moins que ce ne soit la fin de journée. Il n'y a pas de fenêtre dans la chambre et je ne me doute de l'heure qu'à l'odeur qui flotte dans l'air : un fumet de viande grillé et de pomme de terre, qui me pousse à tirer mon corps endolori des draps. Par la porte de ma chambre entrouverte, j'entends la cohue du centre-ville et s'ajoute aux effluves de cuisine, celles de l'automne.

La tristesse m'assaille. Je n'ai pas eu une minute, qu'elle revient et infiltre mon corps. Mes muscles sont lourds, ma tête encombrée. Je regarde la paume de mes mains, l'extrémité de mes doigts. Mon corps me paraît lointain, dépourvu de sens concret. À croire que je ne l'habite pas, qu'il n'est pas moi. Je secoue la tête, sans résultat aucun. La sensation est revenue et ne repartira pas. Le songe d'Ada m'a permis d'entrevoir à nouveau le monde où j'existais sans contraintes, sans hésitations. Avec ce corps, celui de ma naissance, premier et ultime objet de la perception de mon être. Un monde où, en être uni et cohérent, je pouvais me lancer à toute allure dans les grandes émotions humaines.

Je ne suis plus sûr de me souvenir tout à fait de ce que voulais dire : aimer Ada. Il reste surtout l'absence, et cette main sur ce lit vide, qui ne peut que constater. Mon corps n'est plus uni, le monde n'est plus une terre nouvelle, j'ai disparu.

J'enfile un pull et un pantalon de jogging que je serre à la taille pour qu'il ne s'échappe pas. Je jette un œil à mon téléphone. Début de soirée, j'ai dormi toute la journée. Je secoue la tête.

Il n'y a personne dans la cuisine. La vaisselle goutte près de l'évier et les plantes étirent leurs ombres sur le parquet. Il flotte un reste de parfum et le fumet de la cuisine par le four entrouvert. Jungkook me frôle et vient sortir deux assiettes d'un placard.

« Jin est sorti, t'avais pas cours aujourd'hui ? »

Je ne bouge plus. La faculté, ma licence. Le vrai monde, extérieur, où j'étais censé m'inscrire en tant qu'individu vivant. Je l'avais oublié, mis à distance.

Chez ma mère, à passer la majeure partie de mon temps dans ma chambre, rien ne pouvait venir me tirer de la torpeur. J'étais libre de m'emprisonner. Le soleil pouvait se lever autant de fois qu'il le souhaitait sur mon corps, je pouvais déambuler dans la ville, je restais anonyme. Le temps et ses contraintes loin de moi. Je me contentais du strict minimum : me vêtir, manger, dormir. Et le mensonge tenait. J'ai répété tant de fois ce schéma que j'en aie oublié qu'il ne s'agissait pas de la vérité.

Aucun événement, dans cette boucle hermétique, n'aurait pu me tirer de ma monotonie. Je sais pourtant que je ruine plus qu'une simple année de faculté. Jour après jour, je mets en péril mon futur et tout ce pour quoi je me suis jusqu'alors battu. Et cette constatation, cette certitude, n'y change rien. Je me lève, disparais dans les rues et revient dormir en silence.

Jungkook se tient devant moi, il n'a bougé que pour dresser la table. La question reste en suspens, je ne peux pas faire mine qu'elle n'existe pas. Comment mentir, en premier lieu ?