Elise
Partir. C'est ce que je fais de mieux quand je ne me sens pas à ma place quelque part. Rester c'est périr alors je fuis, en général, le plus loin possible. C'est ce que j'ai décidé de faire en trouvant un stage au Portugal. Il parait que Lisbonne est une ville magnifique et c'est à une demie heure de là-bas que j'habiterai désormais, dans une petite ville nommée Santo Antonio.
Je pars dans le cadre des mes études, certes, mais pas pour mes études. C'est là toute la différence. Je suis en première année de licence de commerce et autant dire que je déteste ce choix, même si ça n'en était pas vraiment un. Ma famille, tout juste emménagée en région Charentaise dans l'ouest de la France, se trouve en situation très précaire, et m'a directement fait comprendre la situation dans laquelle j'étais : "Elise, tu prends quelque chose dans les coins pour tes études. On ne veut pas savoir. Tu te débrouilles pour t'inscrire et pour tout financer. Nous on pourra pas t'aider".
Je ne leur en veux pas. Je sais qu'ils ne peuvent pas m'aider. Par contre, ma sœur ainée, Katherine, est partie à Paris et mes parents ont tout fait pour qu'elle puisse y vivre. Elle a eu leur soutien et leur admiration. Je ne suis pas admirable moi. La deuxième dans une fratrie de quatre enfants et la moins remarquable.
Aujourd'hui, c'est mon dernier jour de cours avant le grand départ au sud de l'Europe. Je prends mon sac à dos avec mes cours et je commence à marcher le long des chemins de terre qui longent la campagne charentaise. C'est beau au petit matin mais il est vrai qu'une heure de route chaque matin et chaque soir c'est exténuant surtout quand on à aucun moyen de locomotion. Alors me voilà en train de faire du stop pour la énième fois. C'est mon frère Gabriel qui m'a tout appris. Tout d'abord, ne jamais accepter de monter à bord d'une voiture avec un homme seul. Ne jamais lui dire où on habite et ne jamais lui dire l'endroit exacte où l'on souhaite se rendre. Et bien sûr, comme je suis une femme, il est préférable de s'habiller avec des habits larges et informes.
Pour le dernier point, aucun soucis ! Ma famille est très religieuse. Chez nous la prière c'est avant chaque repas et je me dois de toujours avoir une tenue respectable qui n'appellerait pas le regard des hommes. Oui car, je me dois de rester vierge jusqu'au mariage. Si seulement mes parents savaient tout de leur petite fille, ils seraient déçus, davantage déçus. J'ai 19 ans et il est vrai que j'ai déjà eu un homme dans ma vie, ou plutôt dans un lit. Est-ce-que je l'aimais ? Non ! Pourquoi ai-je donné ma vertu à un lycéen, capitaine de l'équipe de rugby, je ne sais pas répondre moi même. En réalité, je pense que mon éducation stricte m'a entraîné à vouloir dépasser mes limites, leur limite à eux. Je le regrette car la douleur physique d'une première fois n'est rien comparée à la douleur psychologique qu'elle nous inflige. On se rend compte trop tard, qu'un défi que l'on se lance ne nous redonnera jamais une première fois, la fameuse première fois.
---------
Après cette dernière journée de cours, je suis contente de me retrouver dans ma chambre pour faire mes valises. J'ai tellement hâte de partir loin d'ici, loin de mes parents, loin de cette campagne perdue dans ce vaste pays.
- Elise ! n'oublie pas que M. et Mme Costa t'accueilleront demain chez eux à 20h. Ils sont des membres de l'église et il faudra bien sûr que tu te comportes en jeune fille bien élevée. Pas de sorties le soir ... et bien évidemment tu iras à la messe le dimanche matin avec eux. - s'exclame ma mère en rentrant dans ma chambre.
Je hoche la tête, lasse d'entendre le même discours encore et encore. Ce fut les conditions de mes parents. Partir oui, mais avec la certitude que leur fille serait encadrée par une famille pieuse et respectable. Je ne laisserais pas tout cela gâcher mon séjour au Portugal. Je compte bien explorer ce magnifique pays dès que l'occasion s'en présentera. Je n'ai jamais été de celle qui obéit bêtement sans essayer de contourner les règles quand cela me semblait justifié. J'ai été contrainte de braver l'interdit afin d'avoir un semblant de vie mais rien de très trépidant comparé à celle que mène la jeunesse de nos jours. J'ai l'impression d'être bloquée dans les années 1950 et d'essayer d'y échapper par tous les moyens.

VOUS LISEZ
Moi gémeaux, lui scorpion
Romance"Cette histoire n'aurait jamais dû commencer. Il est si différent de moi. Tempétueux, passionné et impulsif, il représente tout ce que je ne suis pas. Même l'astrologie est liguée contre nous, moi gémeaux, lui scorpion. Nos deux signes ne sont en ri...