28.oct.1948 : le chant du ruisseau

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_Journal de bord- vingt-huit octobre 1948_

*neuf heures*

Aujourd'hui était un nouveau jour. La semaine avait été tellement chargée que les filles et moi n'avions presque pas pu se voir, mais une idée avait eu le temps de germer dans mon esprit.

— Giselle, Lucille ! Les interpellais-je en frappant contre la porte de leur dortoir.

— J'espère que tu as une bonne raison pour t'octroyer la permission de venir nous déranger en ce début de mati...

— Giselle, tu parles trop !
La coupais-je avant qu'elle ne termine son monologue d'une heure après m'avoir ouvert sa porte. Étais-je légèrement surexcitée ? Surement.

— Faisons un pique-nique en forêt ! Lui proposais-je finalement avec moins de politesse que ce que j'avais imaginé.

— Maintenant? Demanda Lucille en arrivant derrière Giselle, tenant toujours sa porte de chambre.
Cette dernière était revenue dormir au campus pour récupérer ses affaires avant d'emménager dans son nouveau logement avec Georges. D'ailleurs, cette nouvelle m'avait rendu nostalgique, et dire qu'on ne sera plus jamais voisine de dortoir..

— Et bien pourquoi pas? Lui répondis-je. J'ai vraiment envie de le faire !

— Tu t'es réveillée dans la tête d'un enfant de quatre ans? Me jugea Giselle, on ne peut se permettre de s'éclipser toute une journée, on a beaucoup trop de devoirs, tu sais : Les responsabilités. Finnisa-t-elle en exagérant sur son langage.

— Et toi, tu t'es levée dans la tête d'une attardée? Répliquais-je malicieusement, on est samedi! Garde tes responsabilités pour demain et ramène tes fesses !
Sur cette magnifique phrase, je l'ai laissé devant son dortoir pour rejoindre le mien et me préparer.

En me retournant je passais devant Mary-Thérèse qui nous avait apparemment écoutées depuis l'encadrement de notre chambre.

Je mentirais si je disais que je n'avais pas essayé de la fuir durant cette semaine. J'avais été lâche et m'étais réfugiée dans les études en prétextant la fatigue pour éviter les conversations du soir dans notre dortoir.

*Ellipse de temps*

— Où veux-tu qu'on aille? Me demanda Lucille en enfourchant son bicycle, prête à quitter le campus.

— Suivez-moi.
J'avais tout préparé en avance, alors je ne perdis pas temps pour leur guider le chemin à vélo.

— Ça ne vous rappelle rien? Nous cria Giselle en pédalant à ma gauche.

— Si, répondit Mary, à l'opposé, la dernière fois que nous sommes allées visiter les garçons!

— Oh oui je me souviens! S'écria à son tour Lucille derrière nous. J'ai l'impression que cela fait une éternité !

— Ils se sont passés tellement de choses en si peu de temps. Avouais-je, ne me souriant point de savoir si elles m'avaient entendue ou pas.
Dans tous ces événements, il y avait mes altercations avec la gazette et la déclaration de Mary. Je me rendis compte que le temps passait trop vite. On m'a toujours dit que grandir se faisait sur plusieurs années, mais j'avais l'impression d'avoir pris de la maturité plus rapidement. Avant, j'observais le monde et le découvrais comme tout bon enfant le fait, mais je crois que j'ai dépassé ce stade. Maintenant, je ne pouvais plus de me contenter d'être une spectatrice, je voulais agir. Peut-être que c'était cela : passer du coté adulte.

Nous arrivions devant l'entrée d'un sentier sur le bas-côté de la route. Elles ne me posèrent plus de questions, et se contentèrent de me suivre à travers le bois.

Journal de bord|¹⁹⁴⁸Où les histoires vivent. Découvrez maintenant