Chapitre 21 : Córdoba by night

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       Authentique. Ce fut le premier mot qui vint à Cali lors de sa promenade dans le vieux Cordoue. Elle avait l'impression qu'au crépuscule, tous les Cordouans se donnaient rendez-vous dehors. Ils se baladaient joyeusement un verre de bière dans une main et une assiette de tortilla dans l'autre. Enfants, personnes âgées, étudiants, mères de famille, bureaucrates... Un heureux mélange de la population se retrouvait dans la rue à bavarder bruyamment, au milieu des musiciens et des gens déguisés - la plupart pour des enterrements de vie de jeune fille ou de garçon.

        Après leur visite de la Mosquée-cathédrale, le groupe d'amis se prélassait dans le Patio de los Naranjos, la cour intérieure de ce splendide monument, parsemée de palmiers millénaires et de centaines d'orangers qui ployaient sous leurs fruits. Qu'importe l'endroit où elle posait les yeux, l'écrivaine ne voyait que beauté et magnificence - surtout juste à côté (un certain guide sexy) -. Elle était à moitié allongée sur les pierres d'une immense fontaine rectangulaire, sa tête posée sur les genoux d'Iker. La fraîcheur de l'eau apaisait leurs corps brûlants, son doux clapotis berçait leurs esprits échauffés.

         Le jeune homme se passionnait pour l'architecture du lieu, vantant la prodigieuse structure de celle qu'on appelait la "Mecque de l'Occident". La Mosquée-cathédrale mélangeait des styles complètement différents : gothique, renaissance, baroque et bien sûr oriental.

— Constituée de dix-neuf nefs, elle compte huit cent cinquante colonnes de marbre, de granit et de jaspe. Selon l'architecte David Trottin, c'est « un sommet de sophistication baroque lové dans les arches d'une mosquée », lut-il dans le livre de voyage consacré à l'Andalousie, les yeux pleins d'étoiles.

— Je vois bien que le guide de musée en toi vibre d'exaltation, déclara Cali en taquinant le bout de son nez avec son index.

— Cet endroit est magique, Cali, c'est émouvant de réaliser toute l'histoire et la culture portée par cet ancien temple romain devenu mosquée devenue cathédrale devenue patrimoine mondial de l'UNESCO.

— Je suis d'accord avec toi, l'essence même de l'humanité imprègne cet endroit.

       Ils se regardèrent amoureusement. Hypnotisés par la lueur rose orangé du coucher de soleil, ils partagèrent un baiser exquis.

— Bon, les tourtereaux, on bouge ! Y a tant de choses à visiter pour si peu de temps ! les interrompit la voix portante de Mélodie qui s'éloignait déjà main dans la main avec Carmen.

— Ouais, bougez de là, vous êtes pas beaux à voir ! grommela Guillaume, sans doute agacé de tenir une double chandelle entre les deux couples.

         Ils flânèrent ensuite dans le quartier de la Juderia*, entre ses charmantes ruelles fleuries, ses maisons blanches aux portes colorées, sa splendide synagogue, sa célèbre calleja de las Flores - rue où grandit le héros de bande dessinée Corto Maltese -, et ses patios décorés de fontaines typiques.


        Douleur. C'était le deuxième mot qui vint à l'esprit de l'écrivaine après ses déambulations dans le vieux Cordoue. Avant le voyage, elle s'était accordé un petit caprice : de magnifiques escarpins rouges. Pour rentabiliser son achat - et sans doute pour séduire Iker -, elle avait choisi de les porter, malgré le nombre de kilomètres que promettait leur balade piétonne. "Les talons ne font que quelques centimètres et elles sont super confortables..."

Je retire ce que j'ai dit, c'est l'enfer, j'ai des ampoules, de la peau qui pèle, mes pieds ne sont plus qu'une bouillie de souffrance.

        Lorsque le groupe se décida enfin à se poser dans un bar situé place de la Corredera - immense place rectangulaire emblématique de Cordoue, bordée par les arches de bâtiments symétriques -, elle crut à un miracle. La nuit venait tout juste de tomber, et une musique entraînante s'échappait des baffles du bar. Une dizaine de personnes se déhanchaient déjà sur de la salsa, du cha-cha-cha et du reggaeton, sur la petite piste installée au centre.
À peine sa pinte commandée, Guillaume se dirigea vers les danseurs en remuant sensuellement ses fesses musclées.

Printemps à Séville [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant