Ténèbres

40.

Mira

On reste de longues secondes sans rien dire, à se fixer avec une certaine méfiance. Quand il semble enfin avoir fini de me jauger il termine son verre et se lève en me demandant de le suivre. Je m'exécute gênée tandis que le stress a retrouvé sa place habituelle au creux de mon ventre. Je n'ai aucune idée de ce qui m'attends et je n'ai pas envie d'y aller mais mon corps s'exécute mécaniquement. Après être sorti du loft et un rapide passage par l'ascenseur je retrouve le parking par lequel j'étais venu avec Ezéchiel. Je n'ai pas le temps de profiter de l'air frais du sous-sol qu'une berline noire s'arrête devant nous. Comme un parfait gentleman Angelo ouvre la portière passager et me signe de monter avant de s'installer à ma suite.

Je me décale de l'autre côté de l'habitacle afin de laisser un siège entre nous avant de pousser un soupir de soulagement en me rendant compte qu'il ne cherche pas à combler cette distance. La voiture se met en route dans un quasi silence, la paroi séparant l'avant de l'habitacle m'empêche cependant de voir qui est le conducteur mais je peux supposer que c'était l'homme qui était avec Angelo. Les vitres teintées me laissent à peine deviner les lumières extérieures et rapidement l'ennui me gagne. Nerveusement mes doigts jouent avec une mèche de cheveux jusqu'à ce que je rassemble suffisamment de courage pour oser lui demander :

— Pourquoi m'avoir choisi ?

Il daigne enfin se tourner vers moi pour me regarder et esquisse un sourire avant de me répondre :

— Pourquoi pas ? Si ce n'était pas moi ça aurait été quelqu'un d'autre tu sais.

Je manque de lever les yeux au ciel tout en esquissant un sourire moqueur. C'est exactement le genre de phrase qu'Ezéchiel était capable de me sortir et qui surtout ne répond à rien. Face à son regard toujours rivé sur moi je me contente de hausser les épaules tout en me renfonçant dans mon siège. Angelo esquisse une moue contrite avant de reprendre la parole à ma plus grande surprise.

— Par curiosité surtout. J'ai les moyens de t'avoir alors je le fais c'est tout.

— C'est marrant comment tout le monde semble si intrigué par moi, je n'ai rien de plus que n'importe qui d'autre, au contraire même.

Sans que je ne comprenne pourquoi mes mots le font immédiatement rire.

— J'imagine que tu ne te rends pas compte. Jarod, Ezéchiel, ça fait beaucoup de raison d'être curieux. Et puis il faut bien avouer, tu es plutôt mignonne.

Je lui adresse un regard un peu perdu, peinant à comprendre à quel point ces deux connards peuvent être si importants. Enfin j'imagine que c'est une histoire de prestige ou de réputation à la con, mais il est hors de question que je laisse ça me définir. Même si je n'ai pas beaucoup d'estime pour moi-même je sais que je vaux tout de même mieux que ça.

Désireuse de changer de sujet et puisqu'Angelo semble ouvert à la conversation je me risque à lui demander timidement :

— Pourquoi toute la salle a eu l'air surprise que tu enchérisses ?

— Parce que c'est rarement le style de vente où l'on peut me trouver. Pour être totalement franc, je devais juste voir quelqu'un ce soir.

— Du coup, si j'ai bien compris le business des filles ce n'est pas vraiment ton truc ?

— T'es plutôt maligne toi.

Je lui adresse un petit sourire en coin, je ne sais pas pourquoi mais cette conversation me détend. C'est bien la première fois depuis une éternité que je trouve la discussion naturelle. Pourtant la dernière pointe d'angoisse qui est toujours fiché dans mon ventre me pousse à lui demander :