Station pénitentiaire de Lukor
À l'heure du repas, une station pénitentiaire est comme une fourmilière. Les fonctionnaires qui y travaillaient, quelles que soient leurs attributions, allaient et venaient au milieu de nous sans nous voir. Humaine terroriste et ældiens, dissimulés sous les dwols et le shynawil de camouflage... Soldats entre deux gardes, gradés en uniforme du SVGARD, exécutants en combinaison de sortie... Tout ce petit monde s'arrêta de manger, de discuter ou de passer lorsqu'un immense écran s'alluma, assorti d'un son grave et répétitif, qui sonna trois fois.
Attention, attention. Ceci est une annonce du Tribunal Militaire. Le Commandant Suprême Singh a décrété que la décision du tribunal sur l'affaire dite :
— Jugement du criminel de guerre et terroriste ultari connu sous le nom de Tiger Sibricher —
Doit être relayée dans tous les centres de commandement du SVGARD et les état-majors de la flotte, afin de servir d'exemple et d'information sur la menace exomorphe et hérétique.
Le tribunal, considérant ce qui suit, a rendu son verdict, qui sera annoncé dans quelques minutes et immédiatement suivi d'effet.
Je me pressai contre Lathelennil, qui, présentement, avait l'apparence innocente – mais plutôt contrefaite – d'un humain lambda, à l'étrange coiffure bicolore.
— C'est Ren, murmurai-je. Ils vont annoncer ce qu'ils vont faire de lui !
À côté, Angraema et Círdan – jusqu'ici occupés à tout observer avec des yeux ronds – se rapprochèrent.
— Ils ne connaissent pas son nom, tenta de me rassurer ce dernier.
C'était vrai. Ren n'avait jamais donné son véritable nom à ses ennemis.
La foule s'était rassemblée devant l'écran et écoutait avec attention. Visiblement, Singh, face à la menace d'une utilisation par les révolutionnaires de ce qu'il tenait tant à dissimuler, à savoir le retour des ældiens dans la galaxie, avait décidé de rendre toute l'affaire publique. Sa stratégie était d'influencer l'opinion en faisant de Ren – et des ældiens en général – le bouc émissaire idéal.
L'écran géant nous montra une projection holo de Ren, tel qu'il était apparu après sa syntonisation par les scientifiques de la mission d'exploration, il y déjà une dizaine d'années. Cette holographie de lui avait été choisie sciemment : l'idée était de projeter de lui l'image la plus extraterrestre et menaçante possible, en le présentant comme un organisme hostile et féroce. Un immense alien (on avait mis une petite scientifique au visage flouté à côté, non tunée, pour montrer la différence de taille avec un humain lambda), à la peau noire comme un vide sans étoiles, aux yeux lactescents et miroitants. Il était entièrement nu, histoire de bien rappeler la menace et surtout l'ignoble, la révoltante, la vicieuse hérésie que cela constituait pour une humaine de copuler avec lui. Le regard féral, féroce, il montrait les dents, son panache hérissé et déployé derrière lui. Plus menaçant, il n'y avait pas : personnellement, je n'avais jamais vu Ren dans cet état-là.
— C'est un montage, ce n'est pas possible autrement, soufflai-je à Lathé en regardant la posture agressive de Ren, de toute évidence prêt à attaquer, et la scientifique de petite taille qui se tenait l'air de rien à côté.
Angraema garda les yeux baissés et les sourcils froncés, honteuse face à l'humiliation qu'on imposait à son père, et furieuse.
Une voix désincarnée de fonctionnaire artificiel du SVGARD résonna alors, tandis qu'un texte en Commun s'affichait sur l'écran, sous-titré en shin-jen au cas où des colons rebelles se cacheraient parmi cette populace de fonctionnaires de l'Holos.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...